Une grande avancée pour une inspection de bâtiments innovante
Après deux années dédiées à la recherche et au développement sous la conduite de la VUB, le projet INTOWALL a réalisé une percée. L’initiative avait pour but de réduire les émissions de CO2 des bâtiments et d’augmenter leur efficacité énergétique. Sous la direction du groupe de recherche Electronics & Informatics (ETRO) de la VUB, une technologie radar révolutionnaire a été développée pour l’inspection des bâtiments. Baptisée transient radar method (TRM), cette nouvelle technologie permet, en première mondiale, de mesurer avec une précision inédite la densité de la laine de verre dans les murs creux sans devoir recourir à des méthodes invasives.
La valeur de nos près de 4,5 millions de bâtiments en Belgique représente un total d’environ 1.800 milliards d’euros, soit près de 3 fois le produit national brut. À l’échelle de l’Europe, le complexe immobilier belge peut être qualifié de vieux. Une rénovation à grande échelle s’avère donc plus que nécessaire pour réduire considérablement les émissions de CO2. L’énergie qui n’est pas perdue ne doit pas non plus être produite pour que nous puissions exploiter efficacement les énergies renouvelables.
« Au rythme où se déroulent les rénovations actuelles, la rénovation de tous les bâtiments ne sera pas achevée avant 2100. Chaque rénovation se heurte en outre aux défis liés à l’inconnue de l’enveloppe du bâtiment ou à la problématique des vices cachés, parmi lesquels l’humidité constitue un cas de figure très important », indique le professeur dr.ir. Johan Stiens. « La technologie radar révolutionnaire promet d’énormes progrès dans l’amélioration de la précision des évaluations de l’isolation, tout en contribuant à l’ambition d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Grâce à la TRM, cette ambition est réalisable. »
Les principes de la TRM
TRM est l’abréviation de Transient Radar Method, une technologie brevetée qui s’appuie sur des techniques poussées de radar et de traitement de signaux pour mesurer la densité de la laine de verre dans les murs creux sans aucune intervention physique. Cette méthode, qui recourt à une combinaison unique d’émission d’ondes électromagnétiques et de traitement de signaux réfléchissant, permet d’analyser les propriétés isolantes des bâtiments avec une précision jamais atteinte auparavant.
Mise au point par l’équipe du professeur Johan Stiens et du docteur Ali Pourkazemi, cette technologie radar utilise des ondes électromagnétiques sophistiquées pour voir à travers les murs, les plafonds et les sols. Johan Stiens : « Cette technique, basée sur les principes de la TRM, émet un signal unique capable d’identifier les caractéristiques spécifiques (telles que l’épaisseur et la densité) des matériaux qui composent une structure. En appliquant des modèles mathématiques complexes au signal réfléchi, cet appareil peut générer des images détaillées de ce qui se trouve à l’intérieur des structures scannées. Traditionnellement, ce n’est pas possible avec les systèmes radar standard en raison de la complexité des signaux. »
Défis
Le développement de cette technologie a débuté en 2011 avec les recherches d’Ali Pourkazemi, qui y a consacré son doctorat. Les principaux défis consistaient à mettre au point un générateur de signaux précis et un système de déclenchement unique, et à éliminer les bruits et autres interférences susceptibles d’affecter la précision du signal réfléchi. Une percée pionnière dans le traitement des signaux a permis de surmonter bon nombre de ces limites de conception, rendant la technologie nettement plus précise aujourd’hui.
Applications
Cette technologie permet un large éventail d’applications, notamment dans le secteur de la construction, tant pour les rénovations que pour les nouvelles constructions. Le professor Stiens nous éclaire sur les perspectives : « Elle peut être utilisée pour identifier la composition des murs creux, détecter la pourriture du béton et contrôler la qualité du béton. En dehors du secteur de la construction, elle offre des possibilités dans le secteur médical pour les examens non invasifs et dans le génie civil pour l’examen des ponts et la détection des fuites d’eau. La miniaturisation du système et la réduction de ses coûts sont deux évolutions récentes qui ont encore accru le potentiel de ses applications. »
L’objectif de l’équipe est, à terme, de cartographier le processus de rénovation de A à Z grâce à la numérisation de l’enveloppe du bâtiment. « Les contacts que nous avons eus au sein des réseaux de recherche européens nous ont par ailleurs éveillés à la difficulté majeure de détecter la faune (par ex. une colonie de chauves-souris) dans la cavité murale des bâtiments avant de pouvoir déceler les travaux de rénovation. Outre la rénovation de bâtiments, nous avons également été contactés à l’étranger afin de contribuer à l’examen non destructif de ponts. Après plusieurs décennies, il est important d’avoir un aperçu de l’état des ouvrages de cette envergure. »
Prêts pour le marché Belge
La multitude d’applications possibles au sein du secteur de la construction rend d’autant plus importante la collaboration avec le secteur afin d’aboutir pas à pas à l’élaboration d’une application qui soit commercialisable le plus rapidement possible.
Bien qu’il existe différentes technologies de radar et de balayage à l’échelle mondiale, la technologie de la VUB basée sur la TRM se distingue par sa capacité à générer des images très précises, d’une résolution et d’une profondeur inégalées, grâce à son signal unique et au traitement sophistiqué des signaux.
Suite aux récents progrès qui ont permis de rendre ce système plus compact et économique, et aux niveaux TRL-4 à TRL-5 atteints par cette technologie, on peut s’attendre à voir les essais sur le terrain et les applications industrielles se multiplier rapidement. L’équipe mise sur la création d’une spin-off opérationnelle dans un avenir proche, de quoi améliorer sensiblement l’accessibilité de cette technologie au secteur de la construction.
Perspectives d’avenir
Après plusieurs années de recherche et de développement, l’équipe de recherche a réalisé une avancée significative dans le projet INTOWALL, qui a le potentiel de transformer l’industrie de la construction et de l’isolation. « L’amélioration de la précision figure parmi les récents succès engrangés. Les améliorations continues de nos algorithmes ont débouché sur des mesures de densité encore plus précises. Les applications elles-mêmes ne cessent de s’étendre », explique le professeur. « Des recherches actives ont notamment été menées sur l’applicabilité de la TRM à d’autres matériaux d’isolation et éléments de construction, tels que les canalisations et l’intégrité structurelle. Des recherches ont également été menées sur la quantification de l’humidité dans les murs creux. »
Nous nous trouvons à l’aube de nouvelles innovations qui rendront la technologie de la TRM encore plus accessible et polyvalente. Au rang de ces innovations figure la simulation numérique qui, grâce à un moteur de simulation, améliorera encore la résolution et la sensibilité. Dans le segment des innovations matérielles, les perfectionnements visent à accroître la portabilité, la compacité et l’ergonomie du système ainsi que son adaptabilité à toutes les conditions météorologiques. De même, le traitement autonome devrait améliorer le traitement des signaux et les techniques de visualisation pour la surveillance en temps réel.
Enfin, des innovations substantielles seront également nécessaires pour les nouveaux matériaux du secteur de la construction ainsi que pour le recyclage des anciens matériaux. « Dernièrement, nous avons également été contactés pour effectuer de premiers essais sur ces nouveaux matériaux. L’énorme impact du secteur de la construction sur la problématique de la crise climatique motive d’autant plus le groupe de recherche à utiliser cette technologie pour contribuer à un monde meilleur pour demain », conclut le professeur.
Kelly Cuypers