Transition numérique des entreprises wallonnes: une maturation lente
A en croire le récent rapport «Transformation digitale 2016» piloté par EBG, IBM et Boston Consulting Group, le numérique représente aujourd’hui 5% du PIB en France et 6% en moyenne dans les pays de l’Ocde. «Et les différents pays européens peuvent espérer voir leur PIB national croitre de 2,1 % avec le numérique», peut-on lire dans cette volumineuse étude.
Qu’en est-il chez nous? Décryptage avec le Baromètre 2016 de maturité numérique des entreprises wallonnes de l’Agence du Numérique (AdN).
Une transition numérique à l’état embryonnaire
Les entreprises wallonnes ont adopté en partie les technologies numériques et développé de nombreux usages de celles-ci, mais elles n’ont pas encore suffisamment réformé les processus de travail et automatisé les flux d’informations de manière à retirer les avantages concurrentiels que procure une digitalisation plus complète de l’entreprise. C’est ce qu’il ressort du «Baromètre 2016 de maturité numérique» de l’Agence du Numérique.
L’AdN insiste sur l’importance des mesures de sensibilisation aux enjeux du numérique et d’accompagnement à la croissance par le numérique, particulièrement dans un contexte spécifique à la Wallonie où les plus petites structures restent trop isolées ou se considèrent – à tort – immunisées face aux défis de la transformation numérique.
Or rien n’est plus faux. Et le numérique représente un enjeu majeur et transversal, véritable levier de différenciation, de développement et de croissance pour l’ensemble de l’économie, et de compétitivité pour les entreprises capables de l’exploiter dans leur chaîne de valeur et leur modèle d’affaires.
Des entreprises wallonnes équipées, connectées et dans le Cloud
Ouf! Les entreprises wallonnes utilisent largement l’ordinateur (92%) et la connexion haut débit à Internet (90%). Il est vrai que le contraire aurait été malheureux…
Parmi les autres indicateurs importants, l’AdN relève que parmi les entreprises wallonnes:
- 71% (+4%) utilisent au moins une application en mode Cloud et 37% (+8%) archivent des données via Internet;
- 47% (+15%) envoient des factures électroniques, même si c’est majoritairement par e-mail, à peine 8% de ces factures électroniques résultant d’une véritable automatisation de traitement entre émetteur et récepteur;
- 49% (+4%) réalisent des achats par voie électronique, mais principalement pour des fournitures (66% des achats). Les matières premières ne représentent que 20% des achats électroniques.
Des sites web, mais trop peu mobiles, interactifs et mis à jour
40% (+7%) des entreprises wallonnes ont un site web, mais seuls 15% de ces sites sont adaptés aux terminaux mobiles. C’est un véritable handicap pour capter des clients et prospects hyper-connectés, puisque trois Belges sur quatre possèdent un smartphone.
La gestion des sites web laisse également à désirer: 50% des entreprises dotées d’un site n’assurent aucun suivi des performances de ce dernier. Et quand il existe, ce suivi reste basé sur le nombre de visiteurs uniques et de pages vues. Seulement 7% des entreprises ayant un site analysent leur taux de conversion et 8% dressent le profil de leurs visiteurs. Or ce manque de suivi prive les entreprises d’un atout concurrentiel important.
Par ailleurs, peu de sites sont véritablement interactifs. Seulement 22% des sites permettent de faire des devis en ligne et à peine 17% offrent la possibilité de commander en ligne.
Enfin, 45% des sites bénéficient d’une mise à jour au moins annuelle, alors que 42% des sites ont plus de trois ans dans leur version actuelle.
Une trop faible digitalisation
Peu d’entreprises wallonnes ont mis en place un véritable traitement automatisé de leurs flux d’informations.
L’AdN déplore notamment le manque d’automatisation et d’intégration des processus:
- De gestion des relations client: à peine 18% des entreprises disposent d’un Crm (Customer Relationship Management ou logiciel de gestion des relations avec les clients);
- De traitement des commandes: 62% des commandes électroniques sont des e-mail valant bon de commande;
- Des achats électroniques: 58% des entreprises qui procèdent à des achats électroniques doivent les encoder manuellement dans leur comptabilité.
Toutes les entreprises ne sont pas égales devant le numérique
L’AdN relève plusieurs facteurs déterminants pour la maturité numérique des entreprises.
On peut citer:
• La taille des entreprises
La taille est un facteur particulièrement impactant sur les taux d’usages avancés du numérique. Or la Wallonie se caractérise par la très forte représentation des petites (voire très petites) structures. Pour rappel, 97% des entreprises wallonnes emploient moins de 10 travailleurs. Ce qui explique sans doute qu’à peine 14% des entreprises wallonnes disposent d’un informaticien en interne ou que seules 40% sont dotées d’un site web.
En revanche, le taux de présence d’un informaticien en interne monte à 35% dès qu’on envisage uniquement les entreprises de plus de 10 travailleurs. Et le taux d’équipement en sites web passe quant à lui à 75%...
• Le caractère «technophile» des secteurs d’activité
Les principaux secteurs en termes de nombre d’entreprises sont peu technophiles.
Le top cinq des secteurs les plus importants de l’économie wallonne se compose des secteurs du commerce de détail (19% des entreprises régionales), des services aux entreprises (16%), de la construction (12%), de la santé (11%) et de l’agriculture (9%). Autant de secteurs qui restent relativement peu soumis à la concurrence directe des grands groupes internationaux ou des nouveaux entrants qui bouleversent leurs marchés par des usages numériques très innovants. Dès lors, la transformation numérique s’y développe plus lentement.
• La concurrence et les exportations
La concurrence internationale et les activités à l’exportation ont une influence certaine sur la maturité numérique des entreprises. «Ainsi, une entreprise soumise à une pression forte de concurrents étrangers ou présente sur des marchés internationaux, va plus rapidement, et de manière plus intense, recourir aux technologies numériques pour consolider, développer ou transformer ses activités», relève l’AdN dans son Baromètre.
Malheureusement, seules 20% des entreprises wallonnes exportent et 16% disent avoir identifié des concurrents en Europe ou ailleurs dans le monde… Pas suffisant pour développer un «réflexe numérique».
En conclusion, même si les entreprises wallonnes semblent avoir intégré l’importance du numérique pour leurs activités – c’est notamment vrai pour le secteur de la construction – elles doivent absolument intensifier leur transformation numérique si elle ne veulent pas être distancées sur leur propre terrain par des concurrents locaux, nationaux ou étrangers. Et c’est également valable pour les entreprises du secteur de la construction, historiquement considérées comme quelque peu conservatrices…
Plus d’infos: www.digitalwallonia.be