L’analyse de la data, cockpit des pros de la construction

Chez Agilytic, on n'a pas attendu la vague ChatGPT pour creuser l'énorme potentiel offert par l'intelligence artificielle. Créée en 2015 à Waterloo, la société a déjà réussi à se faire un nom auprès de certains secteurs où l'analyse de la data est capital (comme celui de la finance ou de l'assurance par exemple) en s’appuyant sur l’expertise d’une trentaine de data scientists et de data engineers.

La data au chevet du développement

"Dans le domaine de la construction, Agilytic peut agir à trois niveaux. Ou plus exactement, au cours de trois phases différentes du développement d'un projet immobilier : la phase du développement, celle de la construction, et enfin celle de la commercialisation" débute Julien Theys. Dans ce qui correspond à la première phase d'un projet immobilier, celle de son développement, il faut être capable d'identifier les opportunités mieux et plus vite que les autres. “Cela peut tout d'abord se faire grâce à un accès aux nombreuses données publiques : tracés de parcelles, visualisation sur une carte, exploitation des données du cadastre, vérification de l'affectation de certaines zones afin de vérifier, par exemple, si elles sont inondables ou pas, données fournies par Statbel etc.” détaille Julien Theys. A cet égard, le managing partner évoque cet exemple allemand qui a permis de déterminer, sur base d'un simple outil cartographique, quels immeubles un pro de la gestion déléguée de biens immobiliers avait intérêt à démarcher afin de leur proposer une mise sous gestion à leurs propriétaires. “Le vrai avantage concurrentiel ici, c'est de bien identifier les données qui vont pouvoir révéler le vrai potentiel de la cible”. Mais attention : on peut avoir de faux positifs et vice versa. Il est donc important de se montrer prudent, et d'affiner l'outil et la démarche afin de s'assurer du meilleur résultat. C’est là la valeur ajoutée de pros de la data comme Agilytic.

Mieux savoir pour mieux construire

Le deuxième domaine dans lequel les solutions d'Agilytic peuvent se révéler providentielles est celui de la construction. "On est là dans un mode de travail encore fort marqué par le traditionnel, par le travail manuel, la logistique. Dès lors, le maître mot sera l'efficacité opérationnelle. On pourra par exemple s'appuyer sur cette démarche pour éviter que les plannings ne dérapent, pour éviter d'être à court de matières premières, ou encore pour anticiper les vagues d'absentéisme” poursuit Julien Theys. Toutes ces contraintes peuvent être prises en compte, et leurs conséquences mieux gérées. Le meilleur contrôle de ces éléments essentiels de la construction permet de mieux se préparer aux imprévus, de respecter les délais impartis par le client en contrôlant mieux toutes les variables sur lesquels l'entreprise n'a a priori pas de prise comme les épidémies qui risquent de la priver de main d'œuvre, ou les turbulences géopolitiques qui risquent de faire grimper en flèche le prix des matériaux, voire de faire disparaître ces matériaux des stocks pendant un temps relativement long.

Corrolaires positifs

Pour les matériaux, les prévisions d'approvisionnement permettent de commander la juste quantité au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard. Et ainsi de pouvoir à la fois débuter le chantier à temps, de ne pas laisser les matériaux prendre la poussière dans entrepôt, et de bénéficier de belles réductions en commandant une une seule fois un volume suffisamment important. En contrôlant mieux ces variables, l'entreprise peut aussi obtenir d'autres corolaires positifs, comme un impact sur la durabilité du chantier grâce à l'optimisation des trajets ou à l'optimisation des ressources nécessaires pour construire un bâtiment.

Bien sûr, comme tout outil, l'analyse des données a aussi ses limites. "Lorsque le COVID s'est abattu sur le monde à la toute fin de 2019, personne n'avait par exemple plus aucun référentiel. Cette épidémie a été une sorte de 'black swan'. Nous ne savions pas ce qu'il allait se passer. Et pendant les quatre années qui ont suivi, plus personne n'a pu se représenter ce qu'était réellement un marché normal” reconnait Julien Theys.

La data au secours de la phase de commercialisation

Le troisième terrain de jeu d'Agilytic est celui de la commercialisation.  “Ici, l’exploitation de la data va nous permettre de mieux comprendre comment la commercialisation va nourrir les décisions des développeurs. Ce qui est simple, c'est de modéliser le prix de l'immobilier. Là aussi, il y a un mélange de techniques avancées qui exploitent par exemple les transactions passées, mais ce qui importe le plus ici, c'est de développer un modèle par pays. Il y a en effet de grosses différences d'un pays à l'autre”. L’exploitation des données ne suffit pas : il faut aussi détecter les biais. Et Julien Theys de donner l’exemple des discounts qui tronquent parfois le jeu : “Ce qui est disponible dans les données publiques, ce sont les prix de vente, et pas les montants de transaction. Pour avoir une vue objectivée du marché, il faut donc tenir compte des discounts”. A cet égard, Julien Theys souligne également les limites des informations disponibles en accès libre sur les plateformes immobilières : “Lorsque vous consultez les biens qui y sont mis en vente, vous passez à côté des biens qui ne sont plus sur ces plateformes, et qui se sont vendus très rapidement”. Bref, il est important de développer une vision affinée, afin de se représenter une image aussi fidèle que possible de la réalité, et de prendre de l’avance sur ses concurrents.

Quel est le coût de cette technique?

Venons-en maintenant au nerf de la guerre : le coût de ces démarches itératives. "Tout dépend du degré de finesse souhaité. Je dirais que pour quelques dizaines de milliers d'euros, le client conseillé par Agilytic passera d'aveugle à myope, mais s'il veut aller plus loin, ça peut représenter des investissements plus élevés" explique Julien Theys. Il est donc essentiel de déterminer la vraie nature des besoins, le bon niveau de finesse souhaité, tout en tenant compte du fait que, dans cette discipline, les rendements sont décroissants : plus vous investissez pour aller chercher l'information infime, plus cela coûtera cher en développement.