AI Roads analyse les bruits et vibrations pour optimaliser l’entretien préventif des voiries
Mieux vaut prévenir que guérir. Le cliché a beau sembler gros comme une maison, il s’applique pourtant à une multitude de choses, comme les routes par exemple. Nous n’étonnerons personne en affirmant que l’entretien des voiries représente un poste de dépenses important pour les régions et les communes, qui feront tout pour limiter au maximum ces dépenses. C’est ici qu’intervient Roads AI, un produit de la société brugeoise d’ingénierie ASAsense. Roads AI est basé sur l’analyse approfondie des bruits et vibrations, auxquels des algorithmes sont appliqués par le biais de l’intelligence artificielle.
Bon nombre de nos chaussées sont aujourd’hui dans
un état inacceptable. Cette situation s’explique essentiellement par le caractère
le plus souvent correctif des stratégies actuelles d’entretien des voiries : on
s’attaque d’abord aux routes les plus mauvaises, du rebouchage des nids-de-poule
jusqu’au réaménagement complet en passant par la réhabilitation. Les priorités
s’appuient largement sur des informations subjectives, telles que des rapports
sporadiques d’ouvriers communaux ou des plaintes de citoyens. Inutile de dire
que cette méthode est inefficiente et onéreuse et qu’elle influence
négativement la durée de vie du revêtement de la chaussée.
Entretien préventif
Le remède s’impose comme une évidence : maintenir
nos routes en bon état grâce à leur entretien préventif. Tout l’art consiste
dès lors à imaginer des mesures d’entretien (nettement) moins chères qui
allongeraient considérablement la durée de vie des routes. Roads AI affirme
précisément que son utilisation durant le cycle de vie d’une chaussée permet
d’économiser jusqu’à 80% des coûts d’entretien. À budget d’entretien égal, une
stratégie préventive permet donc d’améliorer l’état du réseau routier.
« L’entretien préventif doit se faire au
bon moment, c’est-à-dire lorsque l’état de la chaussée commence tout juste à se
dégrader », souligne Thomas Weyn, ingénieur et CEO d’ASASense depuis fin
2021. « Il faut donc le pratiquer lorsque de petites fissures et effilochages
commencent à apparaître à la surface et que la rugosité diminue. Pour un
entretien préventif efficient, des informations actualisées et objectives sont
nécessaires sur l’état du revêtement. C’est cette surveillance permanente que nous
proposons avec Roads AI. »
Auditory Scene Analysis
Pour bien comprendre Roads, il est nécessaire
de s’intéresser à l’entreprise qui se cache derrière. ASAsense est une société
d’ingénieurs experts fondée en 2015 en tant que spin-off du groupe de recherche
Waves à l’Université de Gand. Elle s’appuie sur plus de 60 années d’expertise
combinée en acoustique, réseaux de capteurs et surveillance de l’environnement
(bruits vibrations, pollution de l’air, …).
« Dans ASAsense, ASA est l’acronyme d’Auditory
Scene Analysis, c’est-à-dire la capacité de l’être humain à analyser les sons
qu’il perçoit », poursuit Thomas Weyn. « Les sons recèlent une mine
d’informations. La mission d’ASAsense est de fournir des services de haute
qualité basés sur une analyse approfondie des bruits et des vibrations, auxquels
l’intelligence artificielle de toute dernière génération applique des
algorithmes. La cartographie de l’état du revêtement de la chaussée basée sur
la mesure des bruits et vibrations produits par les véhicules n’en est qu’un
exemple. »
La suite des explications nous apprend que les
chaussées génèrent des sons différents durant la conduite selon leur revêtement.
Ajoutons que les mauvais revêtements produisent typiquement plus de bruit que
leurs homologues de bonne qualité. Si le revêtement est particulièrement
irrégulier, on ressent même les vibrations des pneus. Ces bruits et vibrations
sont provoqués par des défauts dans la texture du revêtement de chaussée, tels
que des fissures, des effilochages ou des nids-de-poule, ainsi que par l’ondulation
de la route. Tous ces signes de dégradation nécessitent un entretien.
« Roads AI recourt à des unités de
capteurs intégrant des capteurs de bruits et de vibrations provoqués par le
revêtement. Elles sont installées dans le coffre du véhicule, à proximité d’un
des passages de roue arrière afin d’analyser ces bruits et vibrations. Ces
unités sont installées dans des véhicules ordinaires, c’est-à-dire des voitures
ou camionnettes, de manière à pouvoir cartographier sans effort l’état du
revêtement de la chaussée pendant la conduite. Les données de mesure décrivant
l’état de la surface de la route sont envoyées vers le cloud en vue de leur
traitement. »
Analyse de big data
« Le système recourt à des algorithmes
intelligents pour filtrer l’influence de facteurs tels que la température, la
vitesse et l’accélération des véhicules ou leur isolation phonique. Enfin, les
informations collectées par plusieurs véhicules sont affectées à des segments
de route précis, ce qui génère des cartes de l’état des revêtements routiers. Ces
cartes sont continuellement mises à jour à mesure que les véhicules se
déplacent. »
Thomas Weyn explique ensuite comment Roads AI est
disponible en tant que service en ligne pour les gestionnaires de voies
publiques (villes, communes) et les entreprises de construction commerciale. Le
service fournit en un seul clic des informations objectives et actualisées sur
l’état du revêtement de toutes les routes, et ce à un coût bien inférieur à
celui des technologies d’inspection routière actuelles. Les clients peuvent
ainsi professionnaliser leurs décisions d’entretien routier au lieu de se fier à
l’inspection visuelle ou aux plaintes des citoyens. La technologie est
largement applicable et couvre même les routes locales qui peuvent présenter
une grande diversité de surfaces.
« Plusieurs projets sont actuellement en
cours dans 9 villes et communes », précise-t-il. « Il s’agit
essentiellement de localités de petite et moyenne envergure qui utilisent
souvent leur propre parc automobile. Au démarrage, nous installons une série de
petits capteurs dans leurs véhicules. Ces unités de capteurs transforment alors
en temps réel les véhicules en systèmes d’inspection du revêtement routier qui
récoltent des données en sillonnant simplement les routes. Nos clients ont alors
facilement accès en ligne aux dernières informations sur l’état de leurs routes. »
De combien de véhicules une ville ou commune
a-t-elle dès lors besoin pour obtenir un résultat fiable ? Et pourquoi tous les
types de véhicules ne sont-ils apparemment pas appropriés ?
« Le nombre spécifique dépendra d’une
série de facteurs, mais globalement, une dizaine de voitures suffisent pour une
ville ou commune de taille moyenne. Le choix se portera plutôt sur des voitures
particulières ou camionnettes ordinaires. La préférence ira aux voitures
électriques ou hybrides, mais les véhicules à essence ou diesel sont également
possibles. Les grandes camionnettes, les camions, les bus ou les vélos
n’entrent pas en considération en raison des fortes différences de
caractéristiques sonores (production, isolation) de ces véhicules.
« Pour une bonne couverture, nous
privilégions les véhicules utilisés intensivement, si possible plus de 30
heures par mois. Ceux-ci ne doivent pas non plus être utilisés pour effectuer
uniquement des courts trajets, des arrêts fréquents ou des parcours toujours
identiques. Quelques exemples de véhicules adéquats : les véhicules du
client (ville, commune), les taxis, les véhicules utilisés pour les soins à
domicile, les véhicules de médecins traitants, de vétérinaires ou d’agents
immobiliers. Roads AI couvre d’ailleurs tous les types de chaussées : non
seulement les routes principales mais aussi les axes secondaires. La couverture
dépendra toutefois de la circulation routière : les routes très empruntées
seront particulièrement bien couvertes, celles qui ne voient passer un véhicule
qu’à titre sporadique seront en revanche moins balayées. Les véhicules équipés
d’unités de capteurs sont sélectionnés dans le but de couvrir au moins 85% de l’ensemble du réseau. Nos
unités de capteurs sont par ailleurs équipées d’un récepteur GPS ‘dead
reckoning’, de manière à pouvoir couvrir même les routes passant sous les ponts
ou dans des tunnels. »
« Une fois ces conditions réunies, les
clients reçoivent une mise à jour mensuelle de l’état de leurs routes. Cette
mise à jour bien utile se présente comme une carte affichant les résultats les
plus récents de toutes les routes présentant un nombre suffisant de voitures/passages,
en segments de 20 mètres, ainsi qu’une carte comparable en segments allant à
peu près d’un carrefour à l’autre. Des variantes des cartes précitées sont
également prévues pour montrer les différences (dès leur disponibilité) entre les
résultats les plus récents et ceux du mois précédent, d’il y a 3 mois, 6 mois,
1 an et 2 ans. »
Il est pour le moins logique qu’un système
utilisant l’intelligence artificielle pour la maintenance préventive des routes
fasse l’objet de recherches constantes. HAIRoad est un de ces développements
les plus récents ; il utilise l’IA hybride et des capteurs intelligents pour
mettre en place une plateforme automatisée d’entretien prédictif des routes. Le
projet a démarré le 1er octobre 2023 et se poursuivra jusqu’au 30
septembre 2025. HAIRoad est un projet de recherche imec.icon financé par imec et
par l’Agence flamande pour l’innovation et l’entreprise (VLAIO).
« Piloté par un groupe très
complémentaire de partenaires actifs dans la recherche et l’industrie, dont
nous faisons partie, HAIRoad vise à améliorer l’état de la technologie et
l’approche de l’actuel Belgian Road Research Centre (BRRC) par l’ajout de la
collecte et de l’interprétation automatisée de données », explique Thomas
Weyn. « Le deuxième objectif est de réaliser des prédictions plus
adéquates de l’état des routes, de manière à pouvoir formuler des
recommandations de maintenance pondérant correctement les coûts et bénéfices. Un
élément clé du programme de HAIRoad consiste à utiliser des capteurs
intelligents pour la collecte de données et l’IA hybride pour l’interprétation
des données et les prédictions. »
« Les divers partenaires se sont attelés
à plusieurs innovations et objectifs. À commencer par l’automatisation de l’acquisition
des indicateurs de l’approche du BRRC et l’examen de l’évolution d’une série de
nouveaux indicateurs. Il devrait par exemple être également possible de
surveiller les routes sous l’angle de la gestion des eaux et des déchets. Ensuite,
nous souhaitons améliorer la précision des indicateurs par la fusion des
données entrantes de différents types de capteurs. Le recours à l’IA hybride
peut également servir à intégrer les modèles de dégradation de la méthodologie du
BRRC dans le nouveau modèle de prédiction. Enfin, un solide pipeline de données
devrait être développé pour faciliter la mise en œuvre et l’actualisation du
modèle de prédiction de l’IA. Dans HAIRoad, les innovations du projet seront
intégrées dans deux démonstrateurs : l’un dans le port d’Anvers pour valider
les aspects plus techniques, l’autre au niveau communal pour valider le
potentiel du marché. »
La preuve du pudding, c’est qu’on le mange et c’est évidemment ce que nous avons cherché à savoir. Que pensent les
utilisateurs eux-mêmes de Roads AI, tient-il ses promesses ? La commune de Zedelgem,
qui l’utilise depuis 2021, est l’une des premières à l’avoir adopté. Pour
Vincent Mahieu, responsable du service des travaux publics dans cette commune, il
n’y a aucun doute. Roads AI est un excellent système, dont on récolte déjà les
fruits aujourd’hui.
« La demande émanait à l’époque du
collège des échevins : quel serait le moyen idéal de distinguer les routes
à rénover de celles qui ne le sont pas ? Nous voulions un système bien
conçu et nous avons examiné diverses méthodes, avant d’aboutir tout à fait par
hasard chez ASAsense. Cette firme proposait, à prix modéré, un système composé
d’appareils peu onéreux capables d’offrir un bon rapport qualité-prix pour une
commune comme la nôtre », confie-t-il.
Au sein des services communaux, on s’est alors
mis à la recherche de collaborateurs circulant sur quasi toutes les routes de
l’entité de Zedelgem et d’Aartrijke, de Veldegem et de Loppem, qui forment
ensemble la localité de Groot-Zedelgem. Les recherches ont abouti au service
technique, dont trois voitures ont été équipées d’un capteur. La nécessité
d’impliquer encore quelques véhicules supplémentaires s’est assez vite imposée.
« Nos collègues du service technique
avaient beau rouler un peu partout, les 3 voitures se sont vite révélées
insuffisantes. Nous avons donc également équipé plusieurs véhicules de police
de ce système, avant de faire de même peu après avec trois voitures de
particuliers. Nous obtenons ainsi un degré de couverture de 100% », poursuit
Vincent Mahieu. « Cette dizaine de véhicules reflète aujourd’hui
clairement l’état des routes de Zedelgem. Avec un détail intéressant : la
possibilité de régler les macros afin de distinguer les différents types de
revêtement. Pour l’asphalte, par exemple, le réglage doit être plus précis que
pour le béton. Chaque année, nous répertorions les résultats et, après une
inspection visuelle sur place, nous priorisons les routes qui doivent être
prises en main. Nous les classons par scores de 1 à 3, 1 signifiant un
traitement prioritaire. Depuis lors, nous nous sommes attaqués à une dizaine de
routes et il est clair aujourd’hui que la vision de Roads AI est
particulièrement bien pensée. C’est beau de savoir aussi que les développeurs
continuent de perfectionner leur produit et que ces interventions
supplémentaires permettent d’obtenir des résultats de plus en plus précis. Plus
besoin de nous persuader de continuer à utiliser ce système, nous en avons la
conviction depuis longtemps. »
Vincent Mahieu pointe un dernier constat
intéressant. Non seulement le coût de départ est relativement faible, mais le
suivi ultérieur ne représente qu’une dépense très modeste : « Il n’y a pas
de gros frais récurrents chaque année ; selon mes estimations, ce système
doit coûter à peu près un dixième du prix des autres systèmes proposés. Atout
supplémentaire : la possibilité de détecter des changements du revêtement
des routes dans un laps de temps particulièrement court. Imaginons qu’un puits
apparaisse à tel endroit : le système reçoit alors une mise à jour dès que
l’une de nos voitures équipées de capteurs passe à cet endroit. Il ne ressemble
donc en rien aux systèmes qui dépendent d’une routine de mesure annuelle,
puisqu’il nous permet, si nécessaire, d’intervenir très rapidement pour
remédier à la situation. »