Toitures bitumineuses: pour en finir avec les idées reçues
Le concept architectural de la toiture plate ne connaît son véritable essor que très tard dans nos contrées. Il est soutenu en ce sens par le développement des premières membranes d'étanchéité liées au bitume avec, dès le début du XIXe siècle, l'apparition du goudron cartonné.
Les toitures bitumineuses sont victimes d'un étrange paradoxe. Si elles peuvent se targuer d'une durée de vie prouvée d'au moins cinquante ans et offrent incontestablement de nombreux avantages, elles ne sont définitivement pas «sexy» aux yeux des prescripteurs et de bon nombre de maîtres d'ouvrage.
Bitubel, la fédération des fabricants belges de membranes bitumineuses, constate d'ailleurs un manque de connaissances sur le sujet. «S'il est mal conçu, un toit plat peut entraîner de sérieuses complications, de simples fuites à la dégradation de la couverture en passant par des problèmes de stabilité. Les conséquences ne sont pas à négliger, surtout si l'architecte n'a pas suffisamment tenu compte de la fonction souhaitée pour le toit», explique Johan Pastuer, Manager du centre de connaissance sur les techniques de couverture chez De Boer, l'un des quatre membres de Bitubel (avec Derbigum, IKO et Soprema). «Nous demander conseil semblerait logique mais dans les faits, c'est trop rarement le cas», déplore-t-on à la fédération.
«De nombreuses personnes continuent à associer le bitume avec le goudron, un héritage d'un passé depuis longtemps révolu. Le bitume est un dérivé du pétrole, tandis que le goudron provient du charbon ou du bois. Or les toits goudronnés deviennent de plus en plus rares. Associer les toitures bitumineuses avec des substances nocives est donc totalement dépassé. Considérer que les possibilités des toitures bitumineuses seraient limitées est un autre préjugé tenace et ce, alors que les applications des toitures bitumineuses sont incroyablement diversifiées, notamment pour l'étanchéité des caves, pour les toits végétalisés, les parkings de toit, les terrasses de toiture' Ceci vaut également pour l'aspect esthétique. Les toitures en bitume ne sont pas, comme on les dépeint trop souvent, noires et tristes mais peuvent, au contraire, être finies en toitures apparentes grâce à l'ajout de granulats colorés», précise Freddy Coninx de IKO. Certains fabricants parviennent même à rendre leurs toitures bitumineuses blanches grâce à l'adjonction d'un granulat spécial ou d'un coating hautement réfléchissant. La couleur blanche a d'ailleurs un effet bénéfique sur le climat intérieur et le rendement d'éventuels panneaux photovoltaïques.
Des membranes en perpétuelle évolution
Les membranes n'ont eu de cesse d'évoluer depuis leur apparition, il suffit de penser au remplacement des armatures en feutre par des voiles de verre ou des non-tissés en polyester, à l'oxydation du bitume pour en corriger la dureté, à l'ajout de polymères au bitume pour en ajuster l'élasticité, etc. Par ailleurs, conjointement avec la réduction du nombre de couches, de nouvelles techniques d'exécution ne cessent de se développer: soudure à air chaud, collage à froid, fixation mécanique, membranes autocollantes...
On peut distinguer grosso modo trois types: les bitumes oxydés, les bitumes modifiés et les bitumes polymères. Les bitumes oxydés ou soufflés sont à présent uniquement appliqués en sous-couche. Ils sont moins bien adaptés pour la couche supérieure du fait de leurs caractéristiques de vieillissement moins favorables comparées aux variantes modifiées APP (plastomère) ou SBS (élastomère). Les bitumes polymères constituent un nouveau type de sous-couche ayant fait son apparition dans notre pays en fonction de la règlementation. Dans ce cas, on va déterminer la technique de modification en fonction des caractéristiques souhaitées de la membrane, ce qui permet l'adjonction à la fois d'un élastomère et d'un plastomère dans une même membrane.
«Jadis, on utilisait principalement les bitumes oxydés mais l'isolation des toitures a induit un changement de cap radical. La température de la toiture devient en effet plus élevée, avec des conséquences sur la membrane telles que des fissures ou des bulles. Depuis, les bitumes modifiés ont gagné du terrain et les supports classiques (feutre ou fibre de verre) ont été remplacés par du polyester ou une combinaison de polyester et de verre. Les forces qui s'exercent sur le toit sont à présent beaucoup mieux absorbées, augmentant considérablement la longévité. Les bitumes oxydés cèdent peu à peu la place aux bitumes polymères plus performants», souligne Freddy Coninx.
Une résistance à toute épreuve
Jusqu'au début des années 1960, les membranes bitumineuses à la disposition des applicateurs n'offraient qu'une médiocre résistance au temps et aux intempéries, ce qui sous nos latitudes ne pardonne pas. D'où la nécessité de superposer jusqu'à six couches successives avec tout ce que cela implique en temps et en main-d'oeuvre. Les membranes actuelles sont de bien meilleure qualité et on peut donc en superposer moins. «La composition multicouche des membranes bitumineuses offre une plus-value considérable par rapport aux revêtements de toitures plus fins composés d'une seule couche, surtout pour l'organisation du chantier et la résistance au poinçonnement et à la détérioration. Prenons par exemple le raccord entre la rive d'un toit et la façade. Dans pareil cas, on pose d'abord la sous-couche, puis les entrepreneurs réalisent la finition de la façade (enduit, peinture, pose d'installations d'air conditionné, ') sans abîmer ni même salir la couche supérieure. Celle-ci est placée en dernier, afin de garantir un toit intact et parfaitement étanche. Nous avons pu apprécier la résistance au poinçonnement et à la détérioration il y a deux ans, lorsque nous avons essuyé des averses estivales de grêlons d'une puissance extrême. Les toits bitumineux ont généralement été épargnés de tout dégât, alors que les autres revêtements de toit se sont retrouvés bosselés ou carrément percés.»
Bien que la désignation «toiture en roofing» soit utilisée dans le langage courant pour tous les types de toitures plates, la réalité technique est bien plus diversifiée. En effet, il existe aujourd'hui un large choix de matériaux et de configurations pour la mise en œuvre de ce type de toiture.
Dans le segment des habitations unifamiliales, on estime la part de marché des produits bitumineux à quelque 60% de parts de marché contre 40% à l'EPDM (caoutchouc de synthèse). Le PVC et le TPO (membranes de polyoléfines thermoplastiques) sont également utilisés pour garantir l'étanchéité des toitures plates. Parallèlement à ces évolutions, les étanchéités liquides appliquées à la brosse ou par projection ouvrent de nouvelles perspectives pour assurer l'étanchéité des toitures plates de demain. L'atout n°1 de ce coating est que la consistance liquide de la résine lui permet d'étancher des surfaces diverses et compliquées telles que des coupoles, dômes ou autres ouvrages à fortes pentes, difficilement réalisables au moyen des techniques traditionnelles.