Inspiration à foison lors de la première édition de NextGen Build
Si les nouvelles peu réjouissantes des derniers mois vous faisaient douter de la vitalité du secteur de la construction, la première édition de NextGen Build, le 28 novembre dernier, a certainement dissipé vos inquiétudes. Malgré les défis complexes liés au climat, à la durabilité, aux déséquilibres du marché de l’emploi et à une réglementation qui peine à évoluer, la journée a montré qu'il existe une ambition, des opportunités et des solutions concrètes pour y faire face. Construire, c’est ce que nous faisons de mieux – surtout quand il s’agit de bâtir l’avenir de notre secteur.
Une chance inédite pour transformer la société
En ouverture, le conférencier principal Serge De Gheldere, de Futureproofed – part of Sweco, n’a pas hésité à aborder la crise climatique de front. « La crise climatique n’est pas seulement la menace la plus urgente pour l’humanité, elle représente également une opportunité unique de transformation sociétale. »
Selon lui, la transition vers une société sans énergie fossile, circulaire et respectueuse de la biodiversité est non seulement nécessaire, mais constitue aussi la plus grande opportunité économique du siècle. « Les solutions existent déjà. En maîtrisant des domaines tels que l’efficacité énergétique, l’électrification et les énergies renouvelables, tout en créant des systèmes résilients, nous pouvons non seulement relever les défis mais aussi développer de nouvelles activités à forte valeur ajoutée. »
De Gheldere a souligné l'importance d'une pensée systémique et intégrée, mettant en avant le potentiel des innovations technologiques pour accélérer le changement : « L'innovation technologique rend les solutions de plus en plus accessibles, permettant de distinguer les gagnants des perdants, tant dans le monde des affaires que parmi les nations. »
Des défis énormes, mais des gains potentiels majeurs
Cette analyse a été corroborée par Kris Vanrenterghem, qui a mis en lumière les implications de la crise climatique pour le secteur de la construction. « Les effets du changement climatique touchent directement l’humain, le maillon le plus fragile. Cela impose à notre secteur une responsabilité accrue pour fournir des solutions d’hébergement durables, notamment face aux flux migratoires induits par le climat. »
Vanrenterghem plaide pour une approche intégrée de l’innovation. « Adopter uniquement des matériaux plus durables ne suffira pas. Il faut intégrer la durabilité dans toutes les stratégies d’entreprise et impliquer tous les acteurs. »
L’intelligence artificielle : alliée ou menace ?
Luc Dedeyne, architecte et consultant en énergie, a démontré comment les bâtiments à énergie positive peuvent produire davantage d'énergie qu'ils n'en consomment grâce à des solutions novatrices.
Quant à l’intelligence artificielle (IA), Pascal Simoens, architecte et data scientist, voit en elle un levier majeur pour optimiser les processus complexes. « L’IA peut réduire les déchets, améliorer les choix de matériaux et rendre les processus de conception plus efficaces. Elle offre aux architectes une source inépuisable d’inspiration tout en tenant compte des spécificités culturelles. »
Des marchés publics plus accessibles
Bérénice Wathelet, experte en appels d’offres, a présenté les efforts récents pour rendre les marchés publics plus accessibles, notamment via la plateforme e-Procurement. « Les petites entreprises ont désormais davantage de chances de rivaliser avec les grandes structures. »
Danny Vrydag, de la Ville de Bruxelles, encourage quant à lui les entreprises à présenter leurs innovations aux autorités adjudicatrices : « Ce dialogue est une opportunité pour optimiser les solutions sélectionnées. »
Attirer et retenir les talents
Olivier Lefevre, de Randstad, a rappelé que le talent est devenu une ressource rare. « La guerre des talents est terminée : le talent a gagné. Il appartient désormais aux entreprises de tenir leurs promesses envers leurs employés, tout au long de leur carrière. »
Selon les enquêtes de Randstad, le secteur de la construction est attractif, mais manque de visibilité auprès des jeunes talents. Lefevre conseille aux entreprises, même aux plus petites, de travailler sur leur marque employeur pour se démarquer.
Table ronde sur les défis et innovations
À partir de 2028, toutes les nouvelles constructions dans l’Union européenne devront être neutres en carbone, et d’ici 2050, la neutralité climatique de tous les bâtiments est inscrite en rouge dans l’agenda du secteur de la construction. Les défis pour atteindre ces objectifs sont énormes. Michel Van den Bosch, rédacteur en chef de Bouwkroniek & Batichronique, a animé une discussion avec Hervé Camerlynck, directeur général de Febelcem ; Serge De Gheldere, PDG de Futureproofed - part of Sweco ; Jean-Pierre Waeytens, directeur général de Bouwunie ; et Niko Demeester, directeur général d’Embuild, pour recueillir leur point de vue sur ces enjeux.
Une durabilité « administrative »
Le débat a commencé par un constat que tous les intervenants ont reconnu : il est urgent de passer en Belgique de la phase d’expérimentation à une mise en œuvre à grande échelle des solutions. « Nous consacrons actuellement beaucoup trop de temps et d’argent à une durabilité administrative », estime Jean-Pierre Waeytens. « Les entreprises remplissent des rapports de durabilité à n’en plus finir, mais elles peinent encore à transformer ces initiatives en un réel avantage pour leurs activités, ou à diffuser leurs solutions de manière à avoir un impact plus large. Les achats groupés prévus dans l’accord de gouvernement flamand pourraient améliorer la situation, à condition que les PME puissent y participer en tant que partenaires. »
La brique dans le ventre
« Cet impact reste limité car les ménages manquent de moyens financiers et de leviers fiscaux pour franchir le pas », ajoute Niko Demeester. « Le fait que les Belges tiennent tant à être propriétaires de leur maison offre de nombreux avantages, mais dans le contexte de la durabilité sociétale, cette mentalité peut constituer un frein. »
Les défis sont encore plus grands en matière de rénovation énergétique des immeubles à appartements. « Pour progresser dans ce domaine, il est nécessaire de repenser les associations de copropriétaires (VME). Les Pays-Bas pourraient servir d’exemple ici. » Jean-Pierre Waeytens a saisi l’occasion pour plaider en faveur d’un taux de TVA de 0 % sur les rénovations durables.
« Si nous nous en remettons aux individus et à leur épargne, nous n’y arriverons pas », soutient également Serge De Gheldere. « Quand une rue est ouverte pour rénover les infrastructures publiques, tout le monde se plaint. Quelques semaines plus tard, une fois les avantages visibles, plus personne n’en parle. Sans obligations claires, une transition à l’échelle nécessaire prendra bien trop de temps. »
Hervé Camerlynck a fait le lien entre durabilité et accessibilité économique dans une industrie clé comme celle du béton. « Il ne s’agit pas seulement de produire des matériaux plus écologiques, mais aussi de privilégier une production locale et des chaînes courtes durables. Cela garantit non seulement la disponibilité des produits, mais aussi une réactivité rapide lorsque c’est nécessaire. »
La logistique des chantiers
Concernant la réglementation de la logistique des chantiers dans les centres urbains, tous ont convenu de la nécessité d’améliorer l’efficacité. « La grande différence avec la logistique de distribution est que les mouvements de camions sur les chantiers sont difficiles à planifier. Ils évoluent en fonction de l’avancement des travaux et des nouveaux projets qui démarrent », explique Niko Demeester. « Certes, c’est un défi, surtout pour les chantiers qui durent des années, mais il est important d’apprendre aux citoyens à se concentrer moins sur les nuisances et davantage sur les bénéfices, qui ne deviennent apparents qu’après la fin des travaux et du transport. »
« Quoi qu’il en soit, nous ne trouverons pas ces gains d’efficacité dans encore plus d’administration », conclut Jean-Pierre Waeytens, avant de lâcher cette phrase pleine de malice : « Il est temps de se débarrasser de l’idée qu’une poutre en acier peut être transportée à vélo. »