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Projets de construction

Oh Perché: ou comment construire sur les toits de Paris

26 juin 2018, au cœur du 13ème arrondissement de Paris. Sur le toit d’un immeuble des années 60-70 qui a depuis longtemps perdu le peu de lustre qui était le sien lors de sa construction, près de 800 convives endimanchés se succèdent au faîte de l’édifice, une coupe dans une main, un petit-four dans l’autre, pour écouter les discours de Jérôme Coumet, maire du 13e arrondissement, et de quelques édiles en charge de l’Urbanisme et du Logement à la Ville de Paris.

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Oh Perché.

Trois étages plus bas, voitures de fonction, journalistes et tout le petit monde qui accompagne généralement les personnalités politiques (service de presse, conseillers,…) encombrent la rue étroite.

La raison de ce cocktail mondain organisé en plein cagnard parisien? L’inauguration de 3 habitations en structure bois sur le toit de cet immeuble. A priori, pas de quoi casser trois pattes à un canard, fut-il de Paris. Et pourtant.

Anne Hidalgo, la Maire de Paris, veut tout à la fois promouvoir la construction écologique et étoffer l’offre de logements unifamiliaux dans Paris intra-muros. Problème, la place manque dans la capitale française où le prix du mètre carré est l’un des plus élevé d’Europe. C’est ainsi que les services de l’Urbanisme de la Mairie de Paris ont planché sur l’idée d’utiliser les toits de la capitale pour y construire du logement. Or le projet Oh Perché! (c’est son nom) est précisément le premier développement immobilier en bois dans le cadre d’une rehausse d’immeuble. D’où la frénésie qui a saisi ce quartier plutôt tranquille du 13e arrondissement.

«L’initiative de créer des surélévations et des maisons en bois à Paris est un enjeu majeur tant pour démontrer l’efficacité de l’utilisation du bois, que son aspect écologique ou sa capacité à combler des dents creuses dans la capitale», rappelle François Gaucher, fondateur et président de Pégase Partners, l’entreprise de promotion immobilière à la tête du projet.

Les trois villas disposent d’une entrée privative avec un ascenseur dédié. (© Oh Perché!)

Une logistique en forme de casse-tête chinois

Trois maisons d’exception composées à 80% de bois ont donc été édifiées sur le toit d’un ancien immeuble de bureau qui, dès la rentrée, deviendra une école d’Arts&Métiers.

Ces maisons contemporaines disposent toutes d’une architecture différente, avec de beaux volumes à vivre, baignées de lumière et construites avec des matériaux hauts de gamme.

Chaque maison bénéficie de terrasses privatives et deux d’entre elles, de jardins. Elles sont toutes desservies par un ascenseur dédié.

Les travaux sont en phase de finalisation. La façade de l’immeuble et toutes les parties communes seront restaurées par la suite.

La construction de ces trois logements n’a pas été aisée. Il a fallu légèrement renforcer la structure poteaux-poutres afin de pouvoir monter les trois vastes villas en ossature bois. Mais c’est la logistique qui a posé le plus de problèmes. Les éléments étant préfabriqués, il a fallu les hisser au sommet de l’immeuble. Or la rue est relativement étroite et le bâtiment d’en face abrite un hôpital ce qui implique un charroi important d’ambulances. Y installer une grue posait donc problème et l’obtention des autorisations nécessaires ne s’est pas faite sans mal. «Heureusement, comme la Mairie de Paris et celle du 13e arrondissement étaient partenaires du projet, nous avons pu bénéficier de quelques coups de pouces à cet égard, de même que pour les permis pour lesquels il ne nous a fallu que 7 ou 8 mois (contre 5 habituellement), ce qui pour un projet de cette nature n’est pas énorme», sourit Claude Ginsburger, gérant de l’Atelier d’architecture ACG qui a conçu le projet. Quant à la réalisation, il n’aura finalement fallu que 9 mois pour en venir à bout, «ce qui, à Paris, est vraiment très rapide.»

Quand la construction regarde vers le haut, le bois est l’option n°1

Mais pourquoi le bois? «Dans ce cas précis, la structure du toit ne permettait pas de supporter le poids d’une construction en béton. Ou alors les travaux nécessaires au renforcement de la structure aurait propulsé le prix au mètre carré à des hauteurs stratosphériques», souligne Claude Ginsburger.

En revanche, la nécessité de limiter les surcharges en toiture induit presque naturellement le recours à un système constructif en ossature bois. La légèreté des bâtis (une poutre d’épicéa de 3 mètres de portée est capable de supporter 20 tonnes et pèse 60 kg, contre 300 kg en béton armé) permet d’envisager des surélévations en se dispensant partiellement des contraintes de charge. Pour rappel, le bois est, à volume égal, 5 fois moins lourd que le béton armé et 15 fois moins lourd que l’acier.

En outre, la préfabrication en atelier de la quasi-totalité des éléments de construction en bois conjuguée à la légèreté de ce matériau  qui offre une grande facilité de manutention en font également une solution idéale pour ce type de chantier. Notamment en milieu urbain, dans le cas d’habitations mitoyennes où les seules possibilités d’agrandissement se situent souvent en arrière d’îlot. Le bois se transporte facilement à travers une habitation et le montage se réalise très facilement sur place.

Par ailleurs, contrairement à l'extension en plan, l'élévation permet d'augmenter la surface habitable sans modifier l'emprise au sol. Elle s'avère souvent l'unique solution en milieu urbain compte tenu de l’exigüité des lieux et du renchérissement du foncier. Dans ce contexte, procéder à une surélévation offre donc l'avantage d'accroître les mètres carrés sans achat supplémentaire de foncier et de conférer une plus-value à un bien existant.

En Belgique aussi

Il n’y a pas qu’à Paris qu’on envisage de construire en bois sur les toits: des projets de ce type ont déjà été réalisés à Liège (pour de petites unités d’habitation) et à Bruxelles avec la transformation et l’extension verticale du «Sleep Well», un Hôtel du centre-ville.

Pour ce dernier projet, il a été décidé de densifier le bâtiment par le haut sans en augmenter l’emprise au sol. Les volumes découpés viennent chapeauter le bâtiment existant en conservant ses particularités. De cette manière, le projet s’inscrit dans une logique contemporaine et dynamique pour donner à l’hôtel un nouvel attrait tout en respectant les défis écologiques et énergétiques de l’époque. De par sa conception, ce projet améliore les mesures permettant de limiter l’ensemble des nuisances sonores et pertes de chaleurs, notamment en intégrant et en pensant rationnellement les techniques.

Cette surélévation a été conçue par le bureau d’architecture Galand et mise en œuvre par l’entreprise Charpente & Construction Bois.

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