Le problème de la gypsification est paradoxal: le secteur de la brique le connaît et le reconnaît, sans réellement le connaître. D’où vient-il? Quelles en sont les causes? Comment s’en débarrasser? En décidant de s’attaquer à ce problème, l’entreprise Vandersanden savait qu’elle allait naviguer à vue. Peut-être est-ce pour cette raison que personne avant elle n’avait pris la peine de s’y pencher: les problèmes en apparence insolubles s’accompagnent de casse-tête. Jos Achten, directeur commercial Belgique pour Vandersanden, abonde dans ce sens: «Le secteur de la construction fait face au problème de la gypsification depuis des années. Tout le monde l’a toujours considéré comme trop complexe à résoudre. Mais chez Vandersanden, nous avons décidé de prendre nos responsabilités afin d’y apporter une solution innovante».
Huit ans de recherche et développement
Vandersanden a donc commencé sa recherche d’une page blanche. La première étape consistait donc à remplir cette page blanche en apprenant à comprendre le problème de la gypsification. Pour ce faire, le briquetier a vu les choses en grand: différents éléments de murs ont été construits à Bilzen, dans un site de production de l’entreprise. Le but était de placer ces éléments (composés de différents types de briques et de mortiers) dans toutes les directions et d’attendre les premiers signes de gypsification. Et l’attente fut longue, très longue. Elle le fut à tel point que l’entreprise a dû se rendre à l’évidence: il faut parfois plusieurs années avant que des traces blanches n’apparaissent sur un mur.
Cependant, la chance de Vandersanden a tourné lorsque la KUL a commencé une étude consacrée à ce phénomène. Grâce à celle-ci, un procédé a été découvert afin d’accélérer son apparition et ainsi en voir les premiers signes endéans deux à trois mois. Et cette recherche fut riche en enseignements pour le briquetier belge: «Comme le prouve l’étude de la KUL, le problème de la gypsification est en parti dû au mortier et aux adjuvants qui lui sont ajoutés. Comme par exemple, ceux utilisés pour lui donner une propriété un peu plus élastique afin de faciliter son application. Ou encore ceux permettant son application en hiver comme en été. Tous ces adjuvants provoquent l’apparition de bulles d’air dans le mortier qui accélèrent le processus de gypsification» signale Jos Achten. «Mais au-delà de ça, nous avons découvert que la nature absorbante (ou "action d'éponge") d'une brique provoque le dépôt de cristaux de chaux et de gypse du mortier sur la face visible de la brique».
Trouver le bon compromis
Le problème étant désormais connu, il ne restait plus qu’à plancher sur une solution. Une partie de plaisir? Pas vraiment: «Il faut savoir que toutes les briques n’ont pas besoin d’un tel traitement. Nous avons surtout voulu trouver une solution pour les briques dont la composition est sensible à la gypsification. Et l’une des questions que nous nous posions était de savoir s’il serait possible de travailler correctement la brique après l’avoir traitée».
En effet, les briques totalement étanches sont plus difficiles à travailler pour les maçons. Un compromis devait donc être trouvé entre l’imperméabilité de la brique et une pose facile. Les ingénieurs de Vandersanden ont donc décidé d’imperméabiliser les faces visibles de la brique, celles qui sont exposées à la pluie et aux éléments. Les faces supérieures et inférieures restant brutes afin de faciliter sa pose. «In fine, nous avons stoppé ce processus en ne permettant plus à l’eau (remplie de gypse) de migrer vers la surface visible de la brique. S’il y a encore dans le mortier une gypsification qui se manifeste dans la brique, elle ne peut plus se cristalliser à l’extérieur car les particules ne peuvent plus passer à travers la couche hydrofuge» déclare avec satisfaction Jos Achten.
Un investissement conséquent qui en appelle d’autres
Cet investissement de 35 millions d’euros représente une somme conséquente pour le briquetier belge. Mais il est sûr de sa force et convaincu qu’il sera suivi: «Nous sommes persuadés que, sur le long terme, les particuliers et investisseurs vont suivre notre mouvement visant à prolonger la durée de vie des bâtiments».
La brique hydrofuge a déjà séduit plusieurs projets d’envergure variée, comme le Foyer Wavrien composé de 20 logements ou encore le Centre Hospitalier Jean-Titeca de Schaerbeek. Et depuis 2019, toutes les briques sont hydrofugées dans les usines de Vandersanden, ce qui représente près d’un million de briques et 75 maisons transformées par jour.
Vandersanden ne souhaite cependant pas s’arrêter là. Le briquetier regarde vers l’avenir et se prépare aux objectifs fixés pour 2030 et 2050. En effet, l’entreprise souhaite être aux avant-poste de la transition écologique. «Nous passerons de la brique de 10 centimètres à une brique d’1,5 centimètre d’épaisseur. Si l’on veut réduire nos émissions de CO2, on ne doit plus cuire autant de briques qu’auparavant. La solution serait donc de se tourner vers des plaquettes, afin de garder un joli aspect esthétique. Cela permettrait également d’éviter de les cuire et de les scier par la suite. Nous les produirions directement dans le moule, ce qui réduirait de 70% la quantité de matière première utilisée et de 50% l’énergie nécessaire à leur production», nous confie avec certitude monsieur Achten.
Mais l’entreprise belge voit encore plus loin: «Si on peut arriver à se passer de la cuisson, ce serait encore mieux. L’ambition serait d’utiliser le principe de «carbonatation»: en mélangeant du sable, des produits dérivés de l’industrie métallique et beaucoup de CO2, on obtient un produit très dense et dur. Nous sommes actuellement en pleine réflexion pour y arriver, et nous avons l’ambition de créer une usine pour cette nouvelle génération de brique. Nous espérons en voir un aperçu d’ici 1 ou 2 ans.»