Une inspection trimestrielle des grues et appareils de levage : n’est-ce pas une surcharge ?
En Belgique, les grues et appareils de levage doivent être contrôlés tous les trois mois Pour certains, cette fréquence peut sembler excessive. Pour Peter Goetschalckx, chef de produit pour les appareils de levage chez Normec BTV, ces contrôles réguliers sont essentiels pour intervenir rapidement en cas de défaillance technique et éviter des conséquences plus graves. « Il ne faut pas perdre de vue que ces contrôles ont pour but d’éviter les accidents, les souffrances humaines et les dommages matériels », souligne-t-il.

Inspections préventives
« Le mot contrôle évoque souvent une connotation négative, comme les contrôles d’alcoolémie ou de vitesse. C’est pourquoi je préfère parler d’inspections préventives : elles visent à éviter les accidents. La prévention des blessures est la priorité, mais il s’agit aussi d’assurer la continuité des activités, d’éviter les dégâts, les coûts supplémentaires et les retards. Comparée à d’autres pays européens, notre législation est plutôt stricte. »
En France, la loi impose un contrôle semestriel. Au Royaume-Uni, la fréquence varie entre six mois et un an selon le type et l’usage de la grue. Aux Pays-Bas et en Allemagne, un contrôle annuel est requis, sauf si une analyse de risques spécifique en décide autrement.
Trois types de contrôles
« Lorsqu’un entrepreneur acquiert un nouvel appareil, celui-ci doit d’abord subir un contrôle de mise en service. Celui-ci comporte une partie administrative — comparable à l’homologation d’un véhicule — qui vérifie la présence de la documentation et la conformité de l’équipement avec les normes européennes. Ensuite vient le contrôle technique, avec, si nécessaire, des essais de charge et de stabilité. »
« Les contrôles périodiques — planifiés ensuite tous les trois mois — sont surtout visuels. On vérifie, entre autres, le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité : l’arrêt d’urgence fonctionne-t-il ? La charge reste-t-elle stable quand le frein de la flèche est activé ? Une fois par an, un contrôle complet des mécanismes et des structures est également effectué. »
« On accorde aussi une grande attention à l’environnement d’installation de la machine. Cela inclut l’évaluation de la stabilité du sol, mais aussi la détection d’obstacles autour du chantier comme les lignes haute tension ou les caténaires. Dans ce cas, le risque n’est pas seulement l’impact physique, mais aussi les surtensions possibles. Il est donc essentiel de bien s’informer sur l’environnement avant le montage de la grue. »
Et si la grue reste inutilisée pendant quelques mois ?
« Si la grue est mise à l’arrêt pour une période prolongée, un nouveau contrôle est requis avant toute remise en service. Pour les grues à tour, cela s’applique également après chaque réinstallation. Pour les grues à montage rapide, qui se déploient automatiquement, la réglementation n’est pas encore très claire. Une mise à jour législative est attendue pour clarifier ce point. »
Usure, surcharge et instabilité
Quels sont les défauts les plus fréquemment rencontrés ?
« Les câbles endommagés sont les plus fréquents, ce qui n’est pas surprenant. Lors des manœuvres de chargement ou de déchargement, il est facile de frotter contre un mur. Deuxième problème fréquent : le dysfonctionnement des limiteurs de charge. Ces deux défaillances peuvent mener à des situations dangereuses. »
Les grues sont équipées de limiteurs qui doivent déclencher une alarme en cas de surcharge. C’est à l’utilisateur de s’assurer de leur bon fonctionnement. Si le contrôleur constate une défaillance, cela est mentionné dans le rapport d’inspection.
« Un troisième problème récurrent concerne la stabilité. Les grues sont souvent installées sur des terrains nus, avant même le début des travaux. Le monteur doit s’assurer que la grue est posée sur un sol stable. Une étude de stabilité est donc nécessaire, qui peut conclure à la nécessité de couler une dalle en béton ou de poser des pieux. Cette étude examine aussi les risques d’affaissement liés à la présence de cavités souterraines ou de canalisations. Il est possible que la stabilité initiale diminue au fil du chantier, par exemple si la fouille s’approche trop de la grue. Sur les grands chantiers, l’ajout de nouvelles grues peut également créer des zones de croisement, avec des risques accrus. Ces éléments sont inclus dans le rapport d’inspection. Une photo de l’environnement de la grue est ajoutée au dossier à chaque contrôle. »
Une inspection bien acceptée ?
« Pour le propriétaire, le contrôle périodique est un pas vers la sécurité et le professionnalisme. En contractant avec un organisme agréé, il respecte non seulement la loi, mais renforce aussi la confiance de ses clients et de son personnel. Un contrôle correct limite les risques et offre des garanties en matière de prévention. Celui qui néglige ces contrôles s’expose à des amendes et à de lourdes responsabilités en cas d’accident. »
« En général, l’inspection se déroule de manière assez routinière, mais il arrive que notre agent arrive sur un chantier où l’on doit justement couler du béton. Il est donc essentiel que la planification se fasse en concertation avec le chef de chantier. En cas de contretemps, notre inspecteur examine d’abord les accessoires de levage ou d’autres machines. »
Fatigue du métal
Et si des défectuosités sont constatées ?
« L’avantage du contrôle trimestriel est de pouvoir détecter les petits défauts à temps, avant qu’ils ne deviennent critiques : corrosion, boulons desserrés, câbles usés… Le propriétaire a alors le temps d’intervenir. Ce n’est qu’après plusieurs constats sans action corrective que l’agent peut émettre un rapport défavorable. En revanche, en cas de défaut majeur — une fissure sur une zone fortement sollicitée par exemple —, la grue est immédiatement recalée. L’agent n’a toutefois pas le pouvoir de mettre l’équipement hors service. Cela reste de la responsabilité de l’utilisateur. »
Existe-t-il un âge maximum pour une grue ?
« Non, aucune limite d’âge n’est définie. Certaines grues encore en service aujourd’hui ont plus de 50 ans, car elles ont été bien entretenues. Autrefois, les grues étaient surdimensionnées pour plus de sécurité. Ce n’est plus le cas avec les modèles actuels, qui ne dureront probablement pas aussi longtemps. À moins d’une rupture critique ou d’une réparation trop coûteuse, la fin de vie peut aussi être provoquée par la fatigue du métal. Ce phénomène est rare, mais difficile à prévoir ou à détecter. L’expérience et le regard de l’inspecteur jouent ici un rôle crucial — un peu comme un médecin qui utilise ses outils mais s’appuie aussi sur son intuition. »
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Peter - Peter Goetschalckx: « Je préfère parler d’‘examens préventifs’ plutôt que de contrôles obligatoires, afin d’éviter que des accidents ne se produisent. »