Le béton souffre de la chaleur
La canicule est sans pitié. Pour les personnes bien sûr, mais aussi pour les infrastructures, au rang desquelles les routes et autoroutes tiennent le haut du pavé. On a pu le constater cet été, les fortes chaleurs estivales ont provoqué fissures, orniérages, perte d'adhérence, bourrelets et autres détériorations du réseau routier. Des solutions existent pour pallier ces dégâts, voire prévenir les risques. Dans ce débat, le béton est bien placé.
Dès que la température du sol atteint les 30 à 40°, les bitumes mous ont tendance à se déformer et les orniérages à s’accélérer. Pour les bitumes plus classiques, il faudra attendre que le mercure frôle les 50 à 60° tandis que pour les plus durs, ce sont les rayons ultraviolets plus que la chaleur qui seront sans pitié. Avec, pour conséquence, des revêtements en asphalte qui auront tendance à se briser ou à éclater au moment où de fortes intempéries prendront le relais. Les experts pointent également le «ressuage» par lequel la température liquéfie le bitume qui remonte en surface et recouvre alors les granulats de roulement. D'où une perte d'adhérence des véhicules. De plus, les nombreux chantiers routiers estivaux ont souffert d’une pénurie d’asphalte, ce qui peut entraîner des retards et des hausses de prix. Certes, les chantiers de voiries recourant à l’asphalte sont plus rapides, plus faciles et nécessitent des interventions plus fréquents, ce qui fait tourner les affaires des entreprises, mais pas forcément des pouvoirs publics où les habitudes «bitumeuses» ont la vie dure.
Un soulèvement exceptionnel sur la N 10 à Scherpenheuvel-Diest en juillet 2017. Il s’agit d’une des deux seules dégradations à déplorer sur cette route régionale en 23 ans. Elle a été reconstruite en 1994 par l’application d’un revêtement en Bac (béton auto-compactant) de 18 cm d’épaisseur sur une ancienne route en dalles de béton revêtue d’une nouvelle couche intermédiaire en asphalte. L’épaisseur limitée de 18 cm a rendu ce Bac plus sensible au flambage que les revêtements en béton actuels et présentant une épaisseur plus élevée. (© Febelcem)
Le béton aussi
Mais les routes en bitume n’ont pas l’exclusivité des dégâts causés par les fortes chaleur ou autres assauts climatiques. Celles en béton ne sont pas épargnées pour autant. Ici aussi, admet André Jasienski, directeur de Febelcem (la fédération des cimentiers qui fêtera ses 70 ans l’an prochain), la canicule a fait des dégâts, dont des soulèvements de dalles par exemple. Ces derniers sont cependant devenus extrêmement rares, voire inexistants sur les routes en béton actuelles. Les soulèvements de dalles sont devenus rarissimes, pour ne pas dire inexistants, sur les routes construites depuis 20 ans, observe Febelcem.
Ceci dit, hormis la chaleur, la source des problèmes réside davantage dans l’exécution que dans la conception et que dans le matériau lui-même. On pense ici aux fameux «joints de fin de journée» qui sautent faute d’avoir été bien exécutés, d’où leur nom… Mais ce phénomène concerne surtout les anciennes routes en béton et appartient au passé, les voiristes ayant affiné leurs techniques et leur mode de travail.
Autoroute en béton à Froyenne. (© Febelcem)
De plus, il existe des techniques de réparation. Elles sont détaillées dans le Bulletin publié ces jours-ci par Febelcem et titré «Soulèvements de chaussées en béton». Il clarifie divers points et répond en détails à la question de savoir pourquoi ces soulèvements se produisent et comment les éviter. (www.febelcem.be).
Stabilité dimensionnelle et… des prix
Ceci dit, au lendemain de la canicule qui a sévi cet été et sachant que les fortes chaleurs vont se multiplier à l’avenir, le moment est bien choisi pour s’interroger sur l’opportunité de réaliser davantage de routes en béton. Dans cette perspective, le béton a pas mal d’atouts dans sa manche. Il s’agit d’un produit local qui participe donc à l’économie locale tandis que le bitume est lié aux importations de pétrole. La durabilité du béton est avérée (tant en années qu’au niveau du recyclage notamment), le matériau est robuste (on pense ici au salage des routes en hiver) et, argument imparable qui touche au portefeuille, son prix est remarquablement stable, là où le bitume suit les fluctuations des prix pétroliers. Pour preuves, le tableau et le graphique ci-joints retracent l’évolution des prix du bitume (TP564), du diesel (TP549) et du ciment (CEM IIIA – TP464) sur 20 ans, soit de 1998 à 2018. On peut en tirer quelques conclusions instructives.
De plus, le béton routier a connu de belles avancées techniques ces dernières années. Du coup, bien conçue et bien réalisée, la route en béton affiche une durée de vie quatre fois plus élevée que celle d’une route en asphalte. Le phénomène d’orniérage des routes en asphalte dû aux fortes chaleurs et le risque d’aquaplaning qu’il entraîne n’existent pas pour une route en béton dont la planéité et la rugosité sont extrêmement stables dans le temps. Sans compter que les revêtements actuels sont aussi confortables et aussi peu bruyants que les revêtements en asphalte.
En conclusion, l’idée n’est pas de stigmatiser un revêtement plutôt qu’un autre, chaque matériau ayant ses problèmes spécifiques. Un axiome est cependant de mise: dans tous les cas, il importe d’investir dans la qualité d’exécution et dans la durabilité, confirme André Jasienski. Sur ce dernier point comme sur d’autres développés plus haut, le béton a l’avantage. Reste à convaincre les donneurs d’ordres et à rompre avec certaines habitudes solidement ancrées. - F.G.