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Matériel

L'asphalte coulé en toiture-parking

La Note d'Information Technique 253 «Les toitures-parkings», élaborée par un groupe de travail constitué au sein du Comité technique Etanchéité, a été commentée dans La Chronique du 29 mai dernier. Les couches et matériaux constitutifs de ces ouvrages y sont abordés. L'asphalte coulé, couramment utilisé en couches de protection et de roulement, a fait l'objet d'âpres discussions. Pour analyser cette application spécifique, un sous-groupe constitué de spécialistes en la matière a été constitué, incluant les producteurs d'asphalte coulé et de bitume, les entrepreneurs, les bureaux d'études et autres experts, ainsi que des représentants du CRR et du CSTC. Voici leurs conclusions, sous forme d'enseignements et expériences.

L'asphalte coulé en toiture-parking

L'asphalte coulé présente quelquefois des déformations ou empreintes laissées par les roues des véhicules, en particulier sur des toitures isolées thermiquement. Outre l'asphalte coulé, d'autres matériaux comme le béton bitumineux se déforment parfois aussi. La NIT 253 n'ignore pas ce phénomène et formule à cet égard plusieurs recommandati­ons.

L'asphalte coulé est utilisé depuis 1970, mais les problèmes de déforma­tion ne sont apparus que sur les toitures réalisées après 2000. Est-ce dû à l'apparition de l'isolation thermique' À un changement dans les matières premières utilisées' Au poids accru des véhicules' À la modification de la composition et des caractéristiques des pneus' Rien n'est sûr! De toute façon, seule l'esthétique de l'ouvrage peut en souffrir' et éventuellement un peu le confort d'utilisation, mais pas l'étanchéité.

Vous avez dit: asphalte coulé'

Ce mélange de granulats, de sable, de filler (charges), de bitume modifié ou non et d'additifs éventuels est pré­paré à des températures de 220 à 230° C (170 à 200° C pour les mélanges récents à basse température). Il est alors suffisamment liquide pour être mis en 'uvre manuellement et amené à l'épaisseur souhaitée, sans compactage. Le matériau contient peu ou pas de vides après refroidissement. En couche de roulement (épaisseur 30 ± 5 mm), il est sau­poudré de sable ou de gravier fin (générale­ment de teinte claire) pour obtenir une rug­osité suffisante, voire une meilleure stabilité en surface.

Pourquoi se déforme-t-il'

Le bitume, liant viscoélastique et thermo­plastique, fait que les propriétés de l'asphalte coulé varient selon la température ambiante et la durée de la charge appliquée: plus il est chaud, plus l'asphalte se ramollit; plus il est froid, plus il durcit et peut se fissurer. Le poids des voitures et la chaleur ambiante peuvent donc déformer tout asphalte coulé. Ce n'est que normal.

Quelles déformations sont acceptables'

Les maîtres d'ouvrages consultés semblent tolérer des déformations jusqu'à 5 mm de profondeur. Le confort n'en souffre quasi pas et l'esthétique n'en pâtit que légèrement.

D'autres déformations, avec stagnation d'eau et inconfort (voire risque pour les piétons et les automobilistes) sont inacceptables: celles de plus de 5 mm après trois ans, durée maximale de garantie d'une couche de roulement.

Pour la mesure de profondeur, on peut même tolérer un enfoncement légèrement supérieur à 5 mm, quand ses bords sont, eux, en saillie par rapport au bon niveau théorique. Et si aucune déforma­tion n'apparaît durant les trois années, il y a peu de chance que cela se produise ensuite.

Peu d'informations disponibles

Bien que l'asphalte coulé soit utilisé couramment et depuis longtemps en toiture-parking, il a beaucoup évolué: il contient de nouvelles matières premières, on le pose sur isolation ther­mique, ' Les mélanges ont changé sans que toutes leurs propriétés et caractéristiques soient connues! C'est donc aux fabricants de fournir des fiches techniques répondant à toutes ces questions légitimes. Le CSTC mène lui aussi une étude à ce sujet.

Recommandations utiles

Pour éviter que l'asphalte ne se déforme, chacun doit y mettre du sien. L'auteur de projet doit être informé des caractéristiques de l'asphalte qu'il préconise. Le poseur d'asphalte coulé doit connaître la composition de la toiture, savoir s'il y a une isolation thermique sous-jacente, connaître la destination finale de la toiture et son domaine d'application avec quels types de sollicitations par quels types de véhicules. Il doit aussi savoir quelles températures sont attendues en tenant compte de la com­position de la toiture et de la présence ou non de pa­rois réfléchissantes.

Le choix de la composition de l'asphalte coulé est un compromis entre sa résistan­ce aux déformations, sa maniabi­lité lors de la mise en 'uvre et sa résistance à la fissuration. Le produit doit être conforme aux prescriptions de la norme NBN EN 13108-6 et de la NIT 253. La teneur en vides du produit fini doit être ' 3 % (norme NBN EN 12697-8). L'indentation doit être ' 5 mm après 30 mi­nutes et ' 6 mm après 60 minutes (NBN EN 12697-20). Le retrait contrarié doit satisfaire à une tem­pérature ' -25° C (méthode de l'Office fran­çais des asphaltes). L'ouverture des fissures résultant du re­trait thermique doit être inférieure à 0,5 mm, sinon il faut colmater avec un produit ad hoc.

La fiche technique du produit doit expliciter ces critères de performance et donner le code de la composition détaillée, la température maximale du mélange (production, transport et mise en 'uvre), la durée minimale du malaxage et la durée maximale admissible jusqu'à la fin de la mise en 'uvre.

Consignes de transport et de mise en 'uvre

Aucun adjuvant ne peut être ajouté au mélange après son départ de la centrale. La durée du transport doit être connue et enregistrée. Ne jamais modifier le mélange sur chantier en y ajoutant quoi que ce soit. Le poseur doit contrôler la température avec un thermomètre étalonné et la comparer à la température mesurée par le transporteur à telle date et telle heure.

Durant la pose, la température dans les dumpers, ainsi que le bon fonctionnement de leurs dispositifs-mélangeurs doivent être contrôlés. Ne pas dépasser la durée maximale de mise en 'uvre recommandée par le produc­teur.

Des échantillons seront prélevés et conservés jusqu'à la réception des travaux pour un éventuel contrôle ul­térieur (teneur en vides, indentation, retrait contrarié, ').

Un délai d'au moins un jour doit être respecté entre la pose et la mise en service. Si on y déroge en fonction des conditions climatiques, ce doit être en accord avec l'applicateur. L'ouverture des fissures et la profondeur des déformations éventu­elles doivent être mesurées.

Autres consignes

Le saupoudrage de granulats de teinte claire réduit la tem­pérature en surface en permettant une réflexion supérieure des rayons solaires; ce qui diminue aussi le risque de déformation de l'asphalte. Une autre solution est de colorer l'asphalte coulé d'une teinte claire dans la masse.

Là où on peut s'attendre à des températures élevées, par exemple à cause de la proximité de parois vitrées ou réfléchissantes, mieux vaut ne pas opter pour l'asphalte coulé, à moins qu'il ne soit d'une composition le permettant.

Une couche de béton intermédiaire (couche de protection et/ou de répartition des charges) est parfois appliquée sous l'asphalte coulé afin d'absorber la chaleur et de réduire les températures au sein de la couche de roulement, ce qui limite le risque de déformation. Mais méfiez-vous des cloques pouvant survenir dans l'asphalte brûlant lors de sa pose, si le béton n'est pas assez sec.

Incorporer une armature tri-dimensionnelle dans l'asphalte coulé est une autre idée pour limiter sa déformation, mais les expériences de ce type sont trop limitées pour qu'on puisse déjà se prononcer sur son efficacité.

Bref'

L'asphalte coulé offre toujours de nombreux avanta­ges: pose et mise en service rapides, peu de joints, pas de matériel lourd, imperméabilité à l'eau, coût réduit, ' Sa déformation est un risque inhérent au matériau, mais qui ne compromet pas la pérennité ni l'étanchéité de l'ouvrage. Et des progrès sont encore certainement possibles pour limiter le phénomène.

Référence

Le texte qui précède est une adaptation du Dossier du CSTC 2015/2.5 préparé par E. Noirfalisse, ir., chef adjoint du laboratoire Matériaux d'isolation et d'étanchéité, CSTC (www.cstc.be). Seul ce texte original peut être cité en référence.

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