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Matériel

JCB dévoile un moteur à hydrogène alliant puissance et émissions propres

Lors de la dernière édition de Matexpo à Courtrai, il est apparu clairement que le secteur de la construction évolue à un rythme fulgurant. De nombreuses innovations ont retenu notre attention, mais l’une d’elles s’est particulièrement distinguée : le moteur à combustion alimenté à l’hydrogène développé par JCB Belgium, lauréat du “Green Award powered by Bouwunie”.

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À une époque où l’on cherche à atteindre une durabilité maximale et des émissions minimales, il nous semble que ceci constitue une réponse solide aux nombreux défis auxquels nous sommes confrontés. Lorsqu’on parvient à utiliser un carburant alternatif dans un moteur à combustion, avec pour seul gaz d’échappement de la vapeur d’eau, on stimule l’imagination de nombreuses personnes. Nous nous sommes adressés au fabricant afin d’obtenir davantage d’informations sur le moteur de 75 ch qui a été présenté. Nous recevons plus d’explications de la part d’Alexander Vendrig, sales manager power products pour le Benelux et la Scandinavie.

Ce moteur à combustion alimenté à l’hydrogène, développé par la maison mère au Royaume-Uni, est présenté comme un potentiel « gamechanger » pour des secteurs tels que la construction, où le temps de fonctionnement, la disponibilité et le temps de charge sont cruciaux. Pouvez-vous d’abord expliquer ce qu’il y a de nouveau dans ce moteur et en quoi il est révolutionnaire ?

« L’essentiel est que vous ne devez pas considérer ce HCE (Hydrogen Combustion Engine) comme une pile à combustible électrochimique. Il s’agit d’un moteur à combustion spécialement conçu pour utiliser l’hydrogène gazeux comme carburant principal. Cela semble simple, mais c’est techniquement complexe : l’hydrogène présente d’autres caractéristiques de combustion, comme une combustion plus rapide, une plage d’inflammabilité plus large et peu ou pas de produits de combustion carbonés. Cela nécessite des adaptations au niveau de l’injection et des conduites, de la compression, de l’allumage, ainsi que des matériaux adaptés à l’hydrogène. JCB a développé le moteur ‘from scratch’ et testé des prototypes dans des machines de chantier. »

« Le caractère révolutionnaire réside dans trois aspects. Premièrement, il s’agit d’un remplacement direct du comportement du diesel sans passer par une électrification complète. Le moteur offre des caractéristiques d’utilisation, une puissance de traction et de charge comparables, et peut fonctionner pendant de longues heures sans nécessiter de gros packs de batteries ou des systèmes de piles à combustible lourds. Cela facilite la transition technique pour les machines lourdes. Deuxièmement, on constate une rapidité de ravitaillement et une grande autonomie opérationnelle. Les réservoirs d’hydrogène peuvent être remplis en quelques minutes, comme pour le diesel. C’est essentiel pour les machines de construction fonctionnant en continu, où les temps d’arrêt coûtent cher, et cela confère aux moteurs à combustion à hydrogène un avantage opérationnel sur les machines électriques à batterie sur les chantiers intensifs. Troisièmement, nous disposons désormais d’avancées réglementaires avérées et, depuis début 2025, d’une homologation commerciale. Grâce à cette homologation, le moteur peut désormais être utilisé légalement sur les différents marchés européens et britanniques. »

Lorsque vous traduisez cela dans la pratique pour les entrepreneurs et le secteur de la construction en général, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

« Ce qui est très important, c’est que nous répondons au besoin de continuité dans les opérations du secteur de la construction, sans nécessiter un changement de comportement majeur. Nous savons tous que les entrepreneurs sont sensibles aux risques liés aux nouvelles technologies : autonomie limitée, temps de charge plus longs, performances incertaines. Comme le moteur de JCB est conçu pour offrir le même ‘ressenti’ et la même disponibilité qu’un moteur diesel, mais sans les émissions de CO₂ liées à la combustion d’hydrogène ‘propre’, les entrepreneurs peuvent passer à cette technologie de manière relativement fluide, sans modifier radicalement leurs processus opérationnels. Les machines, la commande et les concepts de maintenance restent familiers, ce qui accélère l’adoption. »

« Nous tenons également compte du principe ‘Time is money’. Si vous pouvez garantir moins d’arrêts et une meilleure planification de l’utilisation, vous marquez des points. C’est particulièrement vrai sur les grands chantiers et dans les phases de projet où les machines doivent fonctionner longtemps et intensivement, comme dans les travaux de terrassement, les opérations de grue ou les transports entre différents sites. Les ravitaillements rapides en hydrogène permettent d’utiliser chaque jour les mêmes machines sans devoir réserver des heures pour les recharges, comme c’est le cas de certaines machines à batterie. Vous augmentez la productivité et réduisez les coûts indirects. »

« Un avantage lié à cela est la possibilité de travailler sur des sites dépourvus d’infrastructures électriques ou de renforcements importants du réseau. Dans de nombreux projets, installer une infrastructure électrique plus puissante — comme des chargeurs rapides ou des transformateurs — est coûteux ou pratiquement impossible. L’hydrogène peut être livré localement ou même produit sur place, rendant les projets moins dépendants de la capacité locale du réseau. JCB a également présenté des installations dans des camions et des démonstrateurs mobiles, montrant que des solutions logistiques sont possibles. »

On peut imaginer que cela a aussi des implications en matière de maintenance ?

« En effet, les entrepreneurs habitués aux moteurs diesel retrouveront de nombreuses tâches de maintenance familières, mais une formation supplémentaire et des outils spécifiques seront nécessaires pour manipuler en toute sécurité les installations hydrogène haute pression, pour la détection de fuites et pour les nouveaux composants. Pensez à des soupapes spécifiques, à des capteurs, à des conduites de carburant... Investir dans la formation et la certification sera important, mais moins radical que la mise en place d’un programme complet de maintenance haute tension pour machines électriques. »

« Je souhaite également ajouter que le moteur à hydrogène offre aux entreprises qui veulent répondre à des exigences d’émissions plus strictes ou à des critères d'appel d’offres — par exemple aux Pays-Bas avec les exigences de chantiers à faibles émissions — une voie vers une utilisation quasi immédiate sans CO₂, à condition que l’hydrogène lui-même soit produit de manière verte. Cela rend les entrepreneurs plus compétitifs dans les appels d’offres où les critères d’émission jouent un rôle. Les certifications récentes de JCB facilitent également l’acceptation dans les projets européens. »

Passons à la question que beaucoup se poseront : dans quels véhicules et machines ce moteur pourra-t-il être utilisé prochainement ?

« JCB a déjà démontré des prototypes et des installations d’essai dans différentes catégories de machines. Il existe par exemple des tractopelles et des télescopiques Loadall utilisés comme plateformes d’essai. Une démonstration a également été réalisée avec un moteur JCB-H2 embarqué dans un camion Mercedes de 7,5 tonnes, illustrant que des applications de transport, de véhicules utilitaires légers et de citernes mobiles (Remarque : une cuve mobile servant au transport de liquides tels que du carburant ou de l’eau, sans propre propulsion et devant être remorquée ou transportée) sont possibles. Cela signifie que les catégories suivantes sont réalistes et rapidement déployables : camions légers et moyens, machines tout-terrain, chariots télescopiques et chariots élévateurs pour grands chantiers, ainsi que générateurs et unités d’alimentation pour sites (générateurs mobiles à base d’H₂). Notre générateur hydrogène (60 kVA) est d’ailleurs déjà entré en production en série et peut être commandé. Mieux encore, il est déjà opérationnel chez les premiers utilisateurs finaux. »

Si vous deviez résumer brièvement l’essentiel, où se situent selon vous les plus grandes opportunités et les plus grands défis pour les entrepreneurs ?

« Avec notre moteur à combustion hydrogène, nous offrons aux entrepreneurs une voie pratique vers des émissions opérationnelles de CO₂ extrêmement faibles, sans les changements opérationnels radicaux que l’électrification totale implique parfois. Les opportunités majeures sont une meilleure disponibilité, des ravitaillements plus rapides, la compatibilité avec les concepts de machines existants et des avantages stratégiques dans les appels d’offres incluant des critères d’émissions. »

« En même temps, il existe des défis évidents : la disponibilité d’hydrogène vert et abordable, ainsi que la mise en place de réseaux sûrs de ravitaillement et de logistique, est cruciale. De même, la formation, la certification et l’adaptation des plans de maintenance sont inévitables. Les entrepreneurs qui investissent tôt dans les connaissances, les projets pilotes et les partenariats — avec les fabricants de machines, les fournisseurs de carburant et les acteurs logistiques — seront, selon nous, ceux qui profiteront le plus. Nos récentes homologations commerciales et démonstrations montrent que la technologie est prête sur le plan technique ; la phase d’industrialisation et d’intégration dans la pratique commence maintenant.


Chronologie du déploiement

Dans l’article principal, il y est fait référence à plusieurs reprises, mais où en sommes-nous concrètement dans l’introduction du moteur à hydrogène (et des générateurs à hydrogène qui y sont associés) ?

« Le moteur à hydrogène est prêt », déclare Alexander Vendrig. « Actuellement, les 32 premiers générateurs à hydrogène sont en cours de construction dans l’usine JCB de Wrexham (Pays de Galles). Les moteurs sont produits dans notre usine de moteurs, également située au Royaume-Uni, à Foston (Derbyshire). C’est là que le moteur de 75 ch est fabriqué, sur la même ligne que le moteur diesel. Pour le moment, il n’est encore intégré que dans notre groupe électrogène, mais l’année prochaine, il sera également installé dans d’autres machines, telles que les télescopiques Loadall et les tractopelles. »

« Les premières livraisons du générateur à hydrogène ont déjà eu lieu au Royaume-Uni. Ensuite, d’autres pays auront accès au générateur à hydrogène, comme par exemple les Pays-Bas, où un grand projet recevra cette machine. Cette livraison aux Pays-Bas n’a rien d’un hasard, sachant que de nombreux projets ne peuvent y être menés que s’ils démontrent qu’ils fonctionnent sans émissions. Dans ce cas-ci, il s’agit d’un projet lié à des travaux d’infrastructure. Vous comprendrez que nous préférons ne pas encore divulguer davantage de détails à ce sujet. »


Pas encore destinée à la conversion

Que peut faire un entrepreneur dès maintenant ? Et à quoi doit-il alors tenir compte ? Par exemple, est-il possible de convertir du matériel existant ?

« Pour être très clair : la conversion n’est pas l’objectif premier ; cette technologie est destinée à des machines neuves. Il est possible que cela arrive plus tard, mais il faut garder à l’esprit qu’il est particulièrement difficile d’obtenir une certification pour un moteur monté en retrofit. Prenons, par exemple, un nouveau générateur sorti d’usine : une fois la production terminée, ce générateur est testé, contrôlé et certifié (certificat valable 5 ans) quant à l’étanchéité à l’intérieur de son carter, par un organisme d’inspection externe et indépendant. On comprend donc que ce n’est vraiment pas pratique lorsqu’on parle de conversion. Se pose également la question du réservoir. Un avantage d’un groupe électrogène, toutefois, est qu’il ne nécessite qu’un réservoir externe. »

« Si l’on met de côté les moteurs et les générateurs, je tiens également à souligner que nous faisons tout pour atteindre notre objectif ultime : fonctionner exclusivement à l’hydrogène vert. Pour l’instant, nous prévoyons plutôt une phase intermédiaire, jusqu’à ce que l’hydrogène vert soit massivement disponible et abordable. Le développement ne s’arrête pas là : JCB travaille activement à la conception de nombreux nouveaux modèles, en plus des moteurs quatre cylindres. »


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