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Matériel

Crise des isolants et c’est tout le secteur qui tremble

La pénurie de Mdi (pour méthylène diphényl 4,4'-diisocyanate), un des monomères utilisé pour la production industrielle de panneaux isolants à base de mousse polyuréthane (Pur) et de mousse polyisocyanurate (Pir), a quasiment mis à l’arrêt toute la chaîne de production. Avec des conséquences immédiates: renchérissement spectaculaire des produits isolants Pur et Pir,  chantiers à l’arrêt, chômage technique (au mieux), licenciements (au pire)… Et personne ne sait quand cette situation va prendre fin.

Pénurie MDI
kalpis - Fotolia

Il n’y a que 6 grands fabricants mondiaux de MDI et très peu de centres de production de par le monde. Qu’un seul vienne à flancher et c’est l’ensemble de la chaîne qui s’en ressentira.

C’est exactement ce qui est arrivé.

«Les six principaux fabricants de cette matière (Basf, Covestro, Dow Chemical, EniChem, Ici et  Shell) avaient anticipé la hausse de la demande, avec des projets d'élargissement de leurs capacités. Dans l’intervalle, tous tournaient au maximum de leurs capacités de production. Cependant, deux grands projets - Basf à Ludwigshafen (Allemagne) et une coentreprise d'Aramco et Dow Chemical en Arabie saoudite - affichent 18 mois de retard. Or, ensemble, ces deux sites devaient assurer 15% de la production mondiale. A cela se sont ajoutés de gros accidents industriels, d’abord en Chine, puis en Allemagne chez Covestro (ex-Bayer), un des principaux producteurs mondiaux», explique-t-on chez Apok, un des plus importants distributeurs de matériaux de toiture en Belgique. Cette succession de coups du sort a réduit la capacité mondiale de production de Mdi de près de 50%.… Avec des réactions en chaîne à la clé. On évoque ainsi une pénurie d’au moins 30% de MDI pour satisfaire à la demande…

Toute la chaîne est affectée

Toutes les grandes marques utilisant ce composé chimique pour la fabrication de leurs panneaux isolants (Iko Insulations, Knauf, Recticel Insulation, Groupe Soprema, Unilin Insulation, etc.), se retrouvent ainsi dans l’impossibilité de fournir la totalité de leur clientèle Et ont du prendre des mesures drastiques. Soprema France a déjà réduit ses capacités de production de 25%, Recticel Insulation de 15%, et si les autres fabricants ne communiquent pas sur le sujet, nul doute qu’ils sont, à des degrés divers, logés à la même enseigne.

Ils ont aussi également du répercuter le renchérissement spectaculaire de la matière première vers leurs clients qui – c’est un euphémisme – l’ont particulièrement mauvaise. D’autant qu’on ne parle pas ici d’un petit surcoût, mais d’une véritable explosion! Si la Confédération Construction flamande (Vcb) évoque une augmentation de l’ordre de 25%, Hervé Fellmann, président du Syndicat français des Polyuréthanes (Snpu), laisse entendre «que le Mdi a vu son prix pratiquement doubler depuis fin 2016»!

Les entrepreneurs en première ligne

Aucun maillon de la filière n’est épargné: ni les fabricants, ni leurs clients distributeurs et entrepreneurs. Ces derniers sont sans doute les plus à plaindre, d’autant qu’ils n’ont pas toujours les reins aussi solides. Une récente enquête sur le sujet initiée par la Vcb auprès de ses membres laisse d’ailleurs percevoir l’ampleur de leur désarroi.

Au cours des deux derniers mois, environ 85% des personnes interrogées (essentiellement des entrepreneurs généraux, des entrepreneurs en travaux de toiture et des entreprises spécialisées dans les travaux d'isolation spécifiques) ont constaté des augmentations de prix de l’ordre de 6% à plus de 25%. En outre, 53% d’entre elles ont dû faire face à des retards de livraison de plusieurs semaines par rapport à l'année dernière et 10% ont même accusé un retard de plusieurs mois. Conséquence: des chantiers à l’arrêt en dépit d’un carnet de commandes parfois bien rempli et un recours de plus en plus important au chômage technique. Pire, un entrepreneur sur six laisse entendre que si la situation devait perdurer, il serait dans l’obligation de réduire son personnel.

En première ligne, les entrepreneurs doivent par ailleurs composer avec leurs clients publics et privés qui ne comprennent pas pourquoi un tel retard dans l’exécution des chantiers et demandent des dédommagements… «Nous conseillons à nos membres de demander l'application de l'article 56 qui prévoit la possibilité d’une prolongation de la période de mise en œuvre dans un cas de force majeure, voire de réviser ou même résilier le contrat», explique Marc Dillen, directeur général de la Confédération flamande du bâtiment.

Quand le malheur des uns…

Bien sûr, il existe des solutions alternatives: isolants biosourcés ou laines minérales (laine de verre ou de roche). D’ailleurs, certains fabricants comme Rockwool (laine de roche) ou Knauf Insulation (qui ne fabrique pas que des panneaux PUR mais aussi de la laine de verre dans une des plus importantes unités de production en Europe) ont déjà fait savoir qu’ils n’étaient pas affectés par la pénurie de MDI et qu’ils pouvaient fournir les quantités d’isolants minéraux désirés en temps et heure..

Mais ce n’est pas aussi simple.

«Le passage d’un matériau isolant à l’autre n’est souvent pas envisageable parce que les architectes ont expressément prévu des panneaux isolants PUR ou PIR dans les documents contractuels. En changer pourrait conduire à des nœuds constructifs susceptibles de ne plus correspondre aux standards repris dans les règlementations PEB. En outre, cette solution est problématique s’agissant des appels d'offres qui ont déjà été approuvés», explique-t-on à la Confédération flamande de la construction.

En attendant, personne ne sait quand le marché va reprendre sa vitesse de croisière. Et c’est bien là le plus angoissant pour l’ensemble du secteur.

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