Un nouveau droit des biens ? Une nouvelle dimension pour la structuration des projets immobiliers (publics) partie 2
Une étude de cas : la superposition d’un immeuble de bureaux existant avec un bâtiment supplémentaire de quatre étages composé d’un parking public.
%%ARTICLELIE:29272%%Dans notre contribution précédente%%/ARTICLELIE:29272%%, nous avons abordé les aspects de droit civil de cette étude de cas. Nous avons pris l’exemple d’un immeuble de bureaux existant sur lequel la partie X a accordé un droit d’emphytéose à la partie Y et où X accorde maintenant à Z un droit de superficie afin de construire un parking public au dernier étage (ce qu’on appelle le « topping-up »). Dans cette contribution, nous traiterons (brièvement) des aspects de droit fiscal d’une telle structure et nous examinerons également si cette dernière pourrait éventuellement permettre d’appliquer le nouveau droit perpétuel de superficie à des fins de domanialité publique.
Le droit de superficie, accordé à des fins de construction est, suite à l’entrée en vigueur du nouveau livre III, défini comme un droit de superficie in rem conférant « la propriété de volumes, bâtis ou non, en tout ou en partie, sur, au-dessus ou en-dessous du fonds d'autrui, aux fins d'y avoir tous ouvrages ou plantations ». Si X accorde à Z un droit de superficie pour construire un parking public au dernier étage, le droit d'enregistrement de 2 % sur les droits de superficie cumulés, éventuellement majoré des charges imposées au superficiaire, sera en principe dû par Z. S’agissant d'un volume qui n'a pas encore été construit, il n'y a en principe aucun risque qu’il soit redevable de droits d'enregistrement ou de la TVA qui s’appliqueraient dans le cas d’un transfert de constructions déjà existantes qui seraient situées dans le volume.
Il en serait autrement si le volume comprenait des constructions existantes, par exemple si le droit de superficie était accordé sur l'ensemble de l'immeuble de bureaux ou si le droit de superficie existant était résilié et que deux droits de superficie étaient accordés sur deux volumes distincts (le volume contenant l'immeuble de bureaux et le volume situé au-dessus de l'immeuble de bureaux). L’article 3.179 du Code civil prévoit que, « [s]auf clause contraire dans l'acte de constitution ou de cession d'un droit de superficie sur un immeuble planté ou construit, un tel acte emporte acquisition contractuelle, par le superficiaire ou le cessionnaire et pour la durée de son droit de superficie, de la propriété des ouvrages et plantations préexistants. Ces ouvrages et plantations seront régis par les mêmes règles que si le superficiaire les avait réalisés lui-même. » Il appartient donc aux parties d'indiquer dans l'acte de constitution ou de cession s'il y a ou non transfert intégral de la propriété des constructions existantes. Si les constructions existantes sont acquises par le superficiaire moyennant le paiement d’un prix, la cession des constructions existantes donnera lieu au paiement d’un droit d’enregistrement de 10 % (Flandre) ou 12,5 % (Wallonie et Bruxelles) ou de la TVA (si les constructions existantes sont qualifiées de bâtiment « neuf » d’un point de vue TVA ; de plein droit – si le constituant ou le cessionnaire du droit de superficie est un vendeur professionnel – ou sur option), en plus du droit d’enregistrement de 2 % pour la constitution du droit de superficie. En fonction de la valeur vénale des constructions existantes, les coûts pour le superficiaire peuvent être élevés. Dans certains cas, les constructions existantes sont transférées gratuitement au superficiaire. En l'absence d'animus donandi, il ne s'agit en principe pas d'une donation. Dans ce cas, il est préférable d'inclure dans l'acte de constitution ou de cession du droit de superficie une déclaration pro fisco selon laquelle les constructions existantes n'ont plus aucune valeur économique et que rien ne sera payé pour leur acquisition.
Un aspect particulier à prendre en compte est la redevance qui pourrait être versée par le constituant du droit de superficie au superficiaire pendant la durée du droit de superficie. S'il ne s'agit que d'un droit symbolique et que les parties conviennent que le parking public à construire par le superficiaire revient gratuitement (ou à prix réduit) au constituant du droit de superficie à l’extinction du droit de superficie, la base d'imposition pour le paiement du droit d'enregistrement de 2 % peut être augmentée de la valeur du parking public, en tenant compte d'une certaine décote puisque le constituant du droit de superficie ne devient propriétaire du parking qu'à l’extinction du droit de superficie.
Que se passe-t-il alors lorsque le droit de superficie se termine à la fin de la durée convenue ? L’article 3.188 du Code civil prévoit qu’« [à] l'extinction du droit de superficie, la propriété du volume passe au constituant du droit de superficie ou à son ayant droit. Le constituant du droit de superficie doit indemniser, sur la base de l'enrichissement injustifié, le superficiaire pour les ouvrages et plantations réalisés ou acquis dans les limites de son droit. Jusqu'à l’indemnisation, le superficiaire a un droit de rétention sur le volume. » A l’extinction du droit de superficie, le constituant du droit de superficie devient automatiquement propriétaire des constructions érigées dans le volume par le superficiaire. Il est généralement admis qu'aucun droit d’enregistrement (10 % ou 12,5 %) n'est dû puisque le transfert de propriété a lieu en vertu de la loi, même si une indemnisation est payée (sauf si l'administration fiscale peut prouver qu'il y a fraude). Si le constituant du droit de superficie n'indemnise pas le superficiaire pour le parking public, cela peut avoir des implications fiscales en matière d’impôt sur les revenus, en particulier dans les transactions entre parties liées.
Au sujet de la question de savoir si le parking public pourrait bénéficier d’un droit de superficie perpétuel, il convient tout d’abord de souligner que l’article 3.45, al. 1er dispose que : « Les biens publics appartiennent au domaine privé, sauf s'ils sont affectés au domaine public. » Pour rappel, cet affectation se fait soit du fait des caractéristiques physiques du bien (comme une voie navigable) soit par une décision d’affectation. Il convient de souligner que les auteurs de cette disposition ont « opté pour la neutralité quant à la question de qui peut être propriétaire d’un bien appartenant au domaine public » (p.111) . Cette définition est volontairement large pour ne pas entraver la pratique. L’article 3.45, al. 2, deuxième phrase clarifie, quant à lui, une controverse. Désormais, « il peut exister un droit personnel ou réel d'usage sur un bien du domaine public dans la mesure où la destination publique de ce bien n'y fait pas obstacle ». Ainsi, il ne fait désormais nul doute que, si le terrain relatif au parking a été affecté au domaine public, il peut être grevé d’un droit de superficie aux conditions prévues par cet article.
Quant à la possibilité que ce droit de superficie soit perpétuel, l’article 3.180, al. 2 prévoit deux exceptions au caractère impératif de la durée de 99 ans. Il s’agit des cas où le droit de superficie « est constitué par le propriétaire du fonds : 1° soit à des fins de domanialité publique (première exception) ; 2° soit pour permettre la division en volumes d'un ensemble immobilier complexe et hétérogène comportant plusieurs volumes susceptibles d'usage autonome et divers qui ne présentent entre eux aucune partie commune (deuxième exception) ». Il est à noter que ces exceptions ont été insérées dans cet article spécifiquement pour favoriser les partenariats publics-privés au sens large. Ainsi, pour pouvoir bénéficier d’un droit de superficie perpétuel, il faut que le parking lui-même soit affecté au domaine public ou qu’il tombe dans la seconde exception qui a déjà été évoquée lors de la précédente contribution. En l’espèce, bien que la première exception n’est pas à exclure, il semblerait plus évident de défendre la seconde exception. L’élément particulièrement important pour se trouver dans le champ d’application de cette seconde exception est l’absence de partie commune. Les conditions de ces exceptions doivent perdurer. À défaut, la durée du droit de superficie sera revue et nécessairement limitée à 99 ans.
Article co-signé par Philippe Hinnekens, Roxane Lauwereins et Maëlle Rixhon de DLA Piper.