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Juridique

Un nouveau droit des biens? Une nouvelle dimension pour la structuration des projets immobiliers (publics) partie 1

Une étude de cas : la superposition d’un immeuble de bureaux existant avec un bâtiment supplémentaire de quatre étages composé d’un parking public.

DLA Piper droit des biens immobiliers 2
Vitalii Vodolazskyi - stock.adobe.com
Quand on pense à la propriété en volumes, on pense en premier lieu à des complexes de bâtiments dans lesquels différentes fonctions sont combinées les unes avec les autres, tel un bâtiment résidentiel avec un rez-de-chaussée commercial et un parking souterrain. Cependant, la propriété en volumes peut également être un outil utile dans le développement d’infrastructures publiques. Prenons l’exemple d’un immeuble de bureaux existant sur lequel la partie X a accordé un droit d’emphytéose à la partie Y et où X accorde maintenant à Z un droit de superficie afin de construire un parking public au dernier étage (ce qu’on appelle le « topping-up »). En principe, cela répond aux conditions de la propriété en volumes : selon la définition de la loi, il s’agit d’un complexe hétérogène (les deux « volumes » ont un but différent) qui contient des volumes différents (au moins deux, comme c’est le cas en l’espèce) qui sont chacun éligibles à un usage indépendant et qui n’ont pas de parties communes. Il devrait donc être possible de superposer ici les deux droits de propriété, pour ainsi dire, via le nouveau droit perpétuel de superficie. Toutefois, ce n’est pas aussi évident qu’il n’y parait.
 
Avant d’entrer dans le détail concernant l’application possible des volumes à ce scénario, nous allons expliquer brièvement comment ce type de structure aurait été accueilli sous l’ancienne législation, avant l’entrée en vigueur du nouveau livre III. Jusqu’à présent, la possibilité de superposition était hypothéquée par la durée maximale de 50 ans du droit de superficie. La raison de cette limitation dans le temps est expliquée par le fait que le droit de superficie peut impliquer une limitation du rendement pour le propriétaire du fonds. Cette période maximale a toujours été un obstacle pour le développement à part entière de la propriété en volumes.
 
Pour cette raison, le recours à la loi sur la copropriété des appartements a souvent été sollicité. En effet, par le passé, la question de savoir si une division perpétuelle des volumes pour des projets immobiliers de volumes différents pouvait être réalisée via la loi sur la copropriété des appartements s’est posée à plusieurs reprises. Il convient toutefois de garder à l'esprit que la loi sur la copropriété des appartements ne s’applique que si un immeuble se compose d’une combinaison de volumes (privés) et de parties communes entre ces volumes. Même si la loi sur la copropriété des appartements n’a pas été conçue pour ce type de structure, il semble a priori que la loi sur la copropriété des appartements puisse offrir ici une solution : les couloirs, les ascenseurs ou les escaliers desservant à la fois l’immeuble de bureaux et le parking public pourraient alors être considérés comme des parties communes. Cependant, le caractère rigide de la loi sur la copropriété des appartements, laquelle, pour rappel, est impérative, doit également être pris en compte : les statuts doivent être rédigés avec un acte de base et des règles de copropriété, une assemblée générale doit être mise en place, un syndic doit être désigné, etc. Ces exigences obligatoires ne sont pas toujours évidentes pour ce type de projet immobilier.
 
Outre la loi sur la copropriété des appartements (et le contournement consistant à désigner artificiellement des parties communes), une autre figure juridique a parfois été utilisée, en particulier la servitude de surplomb, dans laquelle le fonds servant (ici l’immeuble de bureaux) est grevé d’une servitude avec un droit de superficie-conséquence. Tant que la servitude existe, les constructions demeurent la propriété du bénéficiaire de la servitude en vigueur. Le droit de superficie-conséquence qui est accessoire à une servitude perpétuelle est lui-même perpétuel et non lié par la période maximale de 50 ans. Le problème avec ce type de construction est que le fonds dominant n’a pas encore été construit au moment où la servitude est établie. Cette interprétation est donc quelque peu controversée dans la jurisprudence et la doctrine. 
 
Pour en revenir à la réforme actuelle et à la division de la propriété en volumes, comme indiqué précédemment, les conditions d’une propriété en volumes (et donc d’un droit perpétuel de superficie) semblent remplies en l’espèce: 
  • il s’agit d’un ensemble complexe et hétérogène (l’immeuble de bureaux et le parking n’ont manifestement pas la même finalité) ;
  • des volumes sont formés ;
  • il doit y avoir un propriétaire du fonds (on ne parle pas de droit réel, mais bien de propriété) ;
  • il ne peut y avoir de parties communes, sinon l’on se retrouve dans le champ d’application de la loi sur la copropriété des appartements (l’absence de parties communes peut être compensée ici par la création de servitudes de passage entre les deux volumes).
 
Pourtant, il peut y avoir un obstacle. Dans notre exemple, nous avons un propriétaire du fonds, la partie X, qui a accordé un droit d’emphytéose sur l’immeuble de bureaux à la partie Y. Le propriétaire du fondsr X peut-il encore accorder un droit de superficie à la partie Z pour la construction du parking ou cela ne peut-il être fait que par la partie Y en sa qualité d’emphytéote ? Conformément au nouvel article 3.178 du Code civil, le titulaire du droit d’emphytéose peut accorder un droit de superficie sur le bien grevé, mais dans les limites matérielles et temporelles de son propre droit. Ainsi, un droit de superficie accordé par Y à Z ne sera jamais perpétuel. Est-il toutefois concevable, dans notre cas, que le propriétaire du fonds accorde tout de même un droit de superficie sur le volume situé au-dessus de celui bénéficiant du droit d’emphytéose, malgré le droit d’emphytéose déjà accordé ? Même si cela n’est pas explicitement indiqué dans le nouveau livre III, il ressort clairement de l’exposé des motifs qu’un droit d’emphytéose « n’emporte pas en soi, dans son essence même, la propriété de ce volume qui demeure à son propriétaire » (p.329). Cela implique, à notre estime, que le propriétaire du fonds reste compétent pour les actes de disposition sur le volume qui fait l’objet de l’emphytéose. Pour autant que l’objet du droit d’emphytéose soit clairement délimité, il devrait donc être possible, pour le propriétaire du fonds(X) d’accorder un droit de superficie à Y sur le volume situé au-dessus du volume soumis au droit d’emphytéose. 
 
Dans notre prochaine contribution, nous approfondirons les éventuelles implications fiscales liées à la structure de droit civil décrite ci-dessus et nous examinerons également si le nouveau droit de superficie perpétuel à des fins de domanialité publique pourrait être invoqué.
 
Article co-signé par Joseph Spinks, Luana Huybrechts et Maëlle Rixhon de DLA Piper.
 
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