Sécurité d’approvisionnement d’électricité en Belgique: Elia tire le signal d’alarme
Black-out, le retour? Elia prévoit un manque de capacité en hausse lors de la sortie du nucléaire en Belgique: son nouveau rapport souligne l’urgence de la situation et la nécessité de prévoir un filet de sécurité structurel pour garantir la sécurité d’approvisionnement.
Comme le prévoit la loi Electricité belge, Elia a réalisé une analyse supplémentaire relative aux besoins en matière d’adéquation et de flexibilité au cours de la période 2020-2030. Le nouveau rapport confirme et renforce les conclusions de précédentes études menées par le gestionnaire de réseau en 2016 et 2017. En l’occurrence, Elia constate que le besoin en capacité de remplacement nécessaire en vue de répondre à la sortie du nucléaire prévue par la loi grandit encore. A ceci près qu’il y a une nouvelle donnée par rapport aux années précédentes, et non des moindres: la sortie anticipée du charbon dans les pays voisins qui réduit les possibilités pour la Belgique d’importer de l’électricité en périodes de pénurie.
La sortie accélérée du charbon chez nos voisins entraînera une augmentation du besoin de capacité en Belgique dès l’hiver 2022. Il pourrait s’agir de plus d’1 GW.
La Belgique sort du nucléaire de manière désordonnée…
La fermeture de l’ensemble du parc nucléaire belge (normalement prévu fin 2025) créera un besoin structurel de capacité supplémentaire d’environ 3,9 GW. Ce chiffre tient compte des incertitudes dans les pays voisins (pour un volume d’environ 1,5 GW) sur lesquelles la Belgique n’a pas d’emprise, comme une disponibilité réduite de la production ou des interconnexions. Selon Elia, le besoin en capacité de remplacement nécessaire pour répondre à la sortie du nucléaire à partir de 2025 passe ainsi de 3,6 GW (chiffre de l’étude réalisée fin 2017) à environ 3,9 GW.
… et nos voisins sortent du charbon en mode «accéléré»
La situation est rendue plus compliquée en raison de la sortie accélérée du charbon chez nos voisins, principalement en Allemagne. Celle-ci entraînera une augmentation du besoin de capacité en Belgique dès l’hiver 2022. Il s’agit là d'une donnée nouvelle. Avant la sortie du nucléaire de 2025, il y aura donc déjà un nouveau besoin de capacité, celle-ci pouvant dépasser 1 GW.
Depuis la publication de la précédente étude, en 2016, des fermetures anticipées ou supplémentaires ont été annoncées pour un total de 26 GW. Et dans les dix années à venir, l’Europe connaîtra la fermeture de centrales nucléaires et au charbon représentant une capacité d’environ 100 GW, en majorité en Europe de l’Ouest.
Il y a urgence
Au vu de l’urgence, Elia appelle le gouvernement en affaires courantes, ainsi que le prochain gouvernement fédéral, à accorder la priorité à ce dossier et à poursuivre sans relâche la mise en place du mécanisme de rémunération de la capacité (CRM). Même en cas de prolongation partielle du parc nucléaire, Elia estime qu’il est nécessaire de prévoir un filet de sécurité qui envoie les incitants aux investissements permettant la mise à disposition, complète et dans les temps, de la capacité de remplacement. «Outre la mise en place d'un CRM, il est tout aussi important de continuer à investir dans l’efficacité énergétique. Par ailleurs, le développement accéléré des sources d’énergie renouvelable aura un effet positif sur les objectifs fixés dans le cadre des accords climatiques de Paris et contribuera partiellement au maintien de la sécurité d’approvisionnement», peut-on lire dans le rapport.
Appel à l’action et vision à long terme
«Malgré les efforts consentis l’année dernière, nous ne sommes actuellement prêts pour aucun scénario. Plus que jamais, il est donc grand temps d’agir», prévient Elia. Et pour les mandataires publics qui seraient tentés d’échelonner davantage la sortie nucléaire (Doel 4 et Tihange 3), le gestionnaire ne laisse guère de place à l’illusion: «dans ce cas, une capacité de remplacement considérable restera nécessaire. Par ailleurs, les réacteurs nucléaires, dont la durée de vie serait prolongée, auront besoin d’une mise à niveau, ce qui impliquerait des délais de livraison et des indisponibilités durant des hivers qui s’annoncent déjà compliqués.»
Et une fois les mesures prises pour accompagner la sortie du nucléaire, des efforts supplémentaires s’avèreront nécessaires pour poursuivre sur la voie des objectifs climatiques… «Cela ne peut se faire sans une vision à long terme; une stratégie qui définit les jalons du trajet à suivre, ajustée en cours de route, pour atteindre l’objectif ensemble», conclut Elia.
Le rapport «Adequacy and flexibility study for Belgium 2020-2030» est consultable dans son intégralité sur www.elia.be