Loi d’établissement: différence nord-sud
Le 1er janvier prochain, le Gouvernement flamand abolira la Vestigingswet (loi sur le droit à l'établissement). Concrètement, à partir de cette date, les compétences professionnelles exigées ne seront plus nécessaires pour 11 professions du secteur de la construction, ce qui signifie que n'importe qui pourra monter sa propre entreprise de construction. Cette loi avait déjà été supprimée au début de cette année pour les autres professions réglementées.
Le secteur y voit évidemment un mauvais signal, d’autant que la qualité et la sécurité demeurent particulièrement importantes dans le bâtiment. Les 11 professions concernées sont les suivantes: installateur-frigoriste; gros-œuvre; plafonnage, cimentage et pose de chapes; carrelage, marbre et pierre naturelle; toiture et étanchéité; pose/réparation de menuiseries, entrepreneur de vitrage; menuiserie; finitions; installation de chauffage central, de climatisation, de gaz et sanitaires; activités électrotechniques et entreprise générale.
La loi d'établissement est sous pression depuis l'introduction de la directive européenne qui stipule que les personnes autorisées à exercer une profession réglementée dans un pays européen doivent pouvoir également le faire dans un autre pays de l’UE. L'argumentation qui sous-tend l'abolition de la loi d'établissement se base sur le fait qu’il est insensé d'imposer des conditions plus strictes aux entrepreneurs flamands qu'à leurs concurrents étrangers. Un raisonnement que les Gouvernements wallon et bruxellois se refusent d'ailleurs à suivre. Car si l'abolition de la loi d'établissement supprime bien cette discrimination, elle met également un terme aux effets positifs d'une réglementation en matière d'établissement. Pour le Gouvernement flamand en revanche, il n'y avait qu'une seule option: l'abolition de la loi.
Un minimum requis
Or, la réglementation en matière d'établissement poursuit un double objectif: elle est censée protéger le consommateur contre les charlatans, d’une part, elle assure un seuil d'accès minimum à la profession, d’autre part. Un minimum de connaissances professionnelles est en effet une nécessité absolue pour de nombreuses professions. Un autre argument en faveur de la loi d'établissement réside dans le fait qu’aujourd'hui, le consommateur ne dispose d'aucune alternative valable, abordable ou contraignante. Les labels et autres distinctions du genre ne constituent pas la garantie ferme que le travail sera de qualité et sont souvent chers et fastidieux à obtenir. Quant aux labels privés, ils n'offrent pas non plus de sécurité juridique, à la différence de la loi d'établissement et sa sanction de nullité absolue d'un contrat.
Certes, la loi d'établissement mérite une modernisation, mais l'abolir complètement revient à laisser le champ libre aux travailleurs au noir.
Des avis partagés
Selon une étude du Bureau fédéral du Plan, la libéralisation de certaines professions réglementées offrirait de multiples avantages économiques. Elle stimulerait notamment la création de nouvelles entreprises. La Confédération Construction émet cependant de sérieuses réserves à cet égard.
«L'étude du Bureau fédéral du Plan émane indirectement de la Commission européenne. Celle-ci reproche à notre pays de complexifier la concurrence par sa réglementation stricte, notamment dans le secteur de la construction. Le libre accès à la profession permettrait l'apparition de nouveaux acteurs et ferait grimper le produit intérieur brut de 2 milliards d'euros. Mais ne regarder que les avantages économiques est simpliste et caricatural. Pour être actif dans le secteur de la construction, il faut disposer des bonnes qualifications professionnelles. Le manque de connaissances requises dans le chef des nouveaux venus entraîne des risques non négligeables pour l'entrepreneur, mais aussi et surtout pour le maître d'ouvrage», indique Jean-Pierre Liebaert, directeur du département économique de la Confédération Construction. Du coup, cette dernière redoute une multiplication des faillites et problèmes pour les maîtres d'ouvrage.
Ubu n’est pas loin
La structure de l’Etat belge étant ce qu’elle est, seule la Flandre abolira donc la loi d'établissement, les Régions wallonne et bruxelloise ayant choisi de continuer à l’appliquer. Dès lors, la Vlaamse Confederatie Bouw (Vcb) craint que les entreprises flamandes de construction désireuses de travailler à Bruxelles et en Wallonie – et elles ne sont pas rares - se voient refuser des chantiers parce qu'elles ne pourraient plus prouver les compétences professionnelles requises.
«Alors que l'on fait tomber les barrières commerciales avec les entrepreneurs étrangers, cette décision crée des barrières commerciales à l'intérieur de la Belgique. L'abolition de la loi d'établissement en Flandre et le maintien de celle-ci dans les deux autres Régions compliqueront l'accès à ces marchés. Les règles en matière de reconnaissance réciproque des qualifications professionnelles s'appliqueraient donc entre Etats membres de l'UE mais pas entre les Régions belges», déplore la Vcb.