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Juridique

paywall Les nouvelles règles de paiement pour les marchés publics en 4 questions et réponses

L’UE et la Belgique plaident souvent en faveur de conditions plus compétitives pour les marchés publics. L’un des arguments est de permettre aux PME (dont les ressources financières sont souvent limitées) de participer elles aussi aux marchés publics sans prendre de risques financiers excessifs. Or, les entrepreneurs doivent parfois patienter longtemps avant d’être payés par un pouvoir public pour leurs prestations. Cette situation devrait être modifiée à court terme par une adaptation de l’AR Exécution.

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De quel délai de paiement dispose actuellement l’adjudicateur ?

L’actuel AR Exécution donne 30 jours calendrier à l’adjudicateur pour vérifier les prestations, suivis de 30 jours supplémentaires pour les payer. Le pouvoir public dispose donc en pratique d’un délai de paiement de 60 jours calendrier. Pour les adjudicateurs opérant dans les soins de santé (lisez : à peu près tous les hôpitaux), ce délai s’étend même à 90 jours calendrier.

Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il modifier les règles ?

La Cour de Justice a rendu le 20 octobre 2022 un important arrêt concernant la directive 2011/7/UE relative à la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales. La Cour a statué en substance que le délai de paiement ne pouvait en règle générale excéder 30 jours calendrier, et ce qu’une vérification soit nécessaire ou non.

La Cour souligne que l’objectif de la directive précitée est d’imposer des obligations plus strictes aux pouvoirs publics dans leurs transactions avec les entreprises. Les recettes de ces instances publiques sont en effet caractérisées par une plus grande sécurité, prévisibilité et continuité que celles des entreprises, ce qui leur permet d’obtenir des financements à des conditions plus favorables que les entreprises et d’être moins dépendantes du maintien de relations commerciales stables pour atteindre leurs objectifs. Des délais de paiement plus longs en faveur de ces pouvoirs publics, conjugués à des retards de paiement, peuvent dès lors entraîner des coûts injustifiés et d’éventuels problèmes de liquidités pour les entreprises, en particulier pour les PME. Une situation qui nuit à la compétitivité et à la rentabilité de ces entreprises dans la mesure où ces retards de paiement les contraignent à rechercher des financements externes.

Outre cette nécessité juridique, le gouvernement aura également ressenti un besoin politique. Une étude récente consacrée au marché unique de l’UE (qui doit son nom à son auteur, l’ancien Premier Ministre italien Letta) révèle (une fois de plus) que l’accès des PME aux marchés publics ne s’est pas amélioré au cours des 10 dernières années. Le marché est considéré comme insuffisamment compétitif, notamment parce que les lourdes procédures et les longs délais de paiement favorisent en pratique les entreprises les plus grandes (ou celles qui détiennent les plus gros capitaux). Le nombre moyen de soumissionnaires à un marché public a quasiment baissé de moitié et la durée moyenne d’une procédure d’attribution a augmenté d’environ 50%.

De plus, les règles de paiement entre pouvoirs publics et entreprises sont à ce jour bel et bien conformes aux règles de la directive 2011/7/UE lorsque la loi sur les marchés publics ne s’applique pas. La loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales avait déjà été modifiée en ce sens dans le passé. D’où l’existence aujourd’hui d’une situation inégale en termes de paiement des prestations selon que la loi sur les marchés publics s’applique ou ne s’applique pas.

Tant sur le plan juridique que politique (la Belgique préside actuellement le Conseil de l’UE pour une durée 6 mois allant du 1er janvier 2024 au 30 juin 2024), le gouvernement a donc des raisons d’agir. Il présente l’ajustement imminent comme favorable à l’accès des PME aux marchés publics. 

En quoi consisteront les nouvelles règles et qu’impliqueront-elles pour moi ?

L’adaptation de l’AR imposerait en principe à l’adjudicateur de procéder à la vérification et au paiement dans un délai unique de 30 jours calendrier, également appelé « délai de traitement ».

Ce délai de traitement de 30 jours calendrier peut être prolongé si les conditions suivantes sont remplies :

  • le cahier des charges doit le prévoir explicitement ;
  • la prolongation doit être objectivement justifiée par la nature ou les caractéristiques particulières du contrat ;
  • le délai de traitement ne peut excéder 60 jours ;
  • la prolongation ne doit pas être manifestement abusive pour le contractant.

Cette modification (ou son efficacité) n’est cependant pas incontestée. La VVSG (Association des villes et communes flamandes), Brulocalis et l’Union des Villes et Communes de Wallonie ont envoyé en juin 2023 une lettre commune au Premier Ministre pour exprimer leur surprise et leur mécontentement face à l’arrêt précité de la Cour de Justice ainsi qu’à l’éventuelle modification des règles de paiement dans l’AR. Les auteurs de la lettre prévoient des « conséquences désastreuses » pour les adjudicateurs, en particulier les pouvoirs publics locaux, si la modification devait avoir lieu. Certains éléments ne s’en trouveraient pas accélérés dans la pratique et une modification se traduirait surtout par des « intérêts de retard à payer aux contractants ».

Cela dit, prochainement, les entrepreneurs ne devraient en principe plus devoir attendre au-delà de 30 jours avant d’être payés, ce qui pourrait rendre la participation aux marchés publics plus attractive ou réaliste pour certaines entreprises.

Quand les nouvelles règles entreront-elles en vigueur ?

Malgré les protestations émanant des pouvoirs locaux susmentionnés, le raccourcissement des délais de paiement semble être imminent : son entrée en vigueur est provisoirement prévue pour le 1er janvier 2025. 

Le projet se trouve encore actuellement sur la table du Conseil d’État pour avis. Dès que le nouvel AR sera publié, vous pourrez en découvrir la teneur dans notre prochaine contribution à Batichronique  !

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