La loi ELAN arrêtée en plein vol
Alors qu’elle devait être publiée dans les prochains jours, les péripéties continuent pour la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), avec la saisine du Conseil Constitutionnel par 60 députés français. Ces derniers attaquent essentiellement l’abaissement à 20% du taux de logements neufs en immeubles collectifs devant être accessibles aux personnes en situation de handicap.
Le Conseil constitutionnel a un mois pour se prononcer. En attendant, la publication de cette loi, attendue avec impatience par le secteur de la construction, est suspendue.
La Fédération française du bâtiment (FFB) a clairement fait savoir qu’elle espérait que ce recours n’aboutira pas et que les mesures adoptées initialement seront validées.
Et pour cause, l'un des objectifs affichés de la réforme consiste en effet à simplifier les règles d'urbanisme afin d'accéder les procédures de construction de logement. Des mesures doivent notamment être prises afin de prévenir les recours considérés comme abusifs exercés contre les permis de construire: les sanctions en cas d'abus seront renforcées. Par ailleurs, les demandes de permis de construire devraient pouvoir se faire en ligne dans les communes dont la population dépasse un certain seuil. Enfin, le texte vise également à favoriser la transformation des bureaux vides en logement en assouplissant les normes applicables pour les convertir.
Autant de mesures qui épousent largement les revendications du secteur français du bâtiment et qui se retrouvent désormais suspendues à l’interprétation des membres du Conseil constitutionnel. Mais si le secteur du BTB se range en rangs serrés derrière la loi ELAN, les 66 articles qui la constituent ne font pas pour autant l’unanimité. En effet, considéré par de nombreux acteurs de la vie publique comme une vaste tentative de déréglementations, ce projet a déjà fait l’objet de… 3160 amendements.
Des logiques qui s’entrechoquent
Parmi les points qui ont suscité le plus de polémiques, celui qui consiste à plafonner à 20% (contre 100% aujourd’hui) le nombre de logements neufs obligatoirement accessibles à des personnes handicapées se taille largement la part du lion. Et encore le législateur a-t-il consenti un effort puisque, initialement, il était question d’un plafonnement à 10%.
Inacceptable pour les associations de défense des personnes handicapées pour qui ce projet de loi induit une «discrimination dans l’accès au logement». Mal pris, le ministre de la cohésion des territoires s’est défendu en faisant savoir que «la loi du 11 février 2005, qui fait de l’accessibilité des logements une obligation légale, est source de nombreuses difficultés d’application.»
Pas simple à vendre auprès de potentiels électeurs alors que la cote de popularité de l’exécutif français est en chute libre…
Ceci dit, comme le rappelait récemment la revue Capital, «si 30% eussent sans doute mieux pris en compte le vieillissement inéluctable de la population française, 100% est sans doute exagéré et ne correspond pas à la réalité du handicap en France.» Qui plus est, la construction de logements adaptés grève les coûts d’environ 7%, ce qui conduit à l’exclusion de facto de certaines couches de la population (comme les jeunes ménages, par exemple) pour qui l’accès au logement est déjà problématique.
Enfin, s’il est vrai que le nombre de logements neufs accessibles à des personnes handicapées a été réduit à 20%, «les 80% restant devront être adaptables. Concrètement, les promoteurs auront l’obligation de permettre qu’un appartement puisse, rapidement et à moindre frais, s’adapter à une éventuelle situation de handicap dans le chef de celui ou celle qui y réside.