Construction neuve: le solaire thermique soumis à très forte concurrence
Malgré des avantages indéniables sur le plan de l’efficacité énergétique et sur le bilan CO2, la chaleur solaire thermique a de plus en plus de mal à trouver économiquement sa place sur le marché du chauffage et de la production d’eau chaude sanitaire.
Le solaire thermique, parent pauvre des énergies renouvelables dans la construction
EurObserv’ER (l’observatoire européen des énergies renouvelables) a publié son baromètre «solaire thermique 2018». Il apparaît que cette filière éprouve de grandes difficultés à prendre pied tant sur le segment de la construction neuve que sur celui de la rénovation.
Le solaire thermique est certainement la forme la plus aboutie pour transférer de la chaleur à l’eau sans aucune émission de gaz à effet de serre et sans émettre de polluants. La filière peine cependant à s’imposer économiquement sur le marché de la production d’eau chaude et du chauffage. Selon EurObserv’ER, la surface annuelle de capteurs solaires thermiques de l’Union européenne est passée en 2017 sous la barre des 2 millions de m2, soit une baisse de 24,2% par rapport aux surfaces installées en 2016.
Dans leur ensemble, les marchés solaires thermiques européens peinent à se stabiliser (Espagne, Autriche, Pologne) ou continuent de décrocher (Allemagne, France, Italie, Belgique). Cette tendance au recul de l’activité s’observe d’ailleurs bien au-delà des frontières de l’Union européenne puisque tous les marchés des principaux pays hors de l’UE ont marqué le pas en 2017, à l’exception de la Chine qui avec un marché de plus de 26 GWth en 2017, représente près de vingt fois le chiffre de l’ensemble des pays européens.
Sur le plan technologique, les capteurs plans vitrés représentent toujours l’essentiel de la surface installée dans l’Union européenne (91,9%), suivis des capteurs à tubes sous vide (6,4%) et des capteurs non vitrés (1,7%), ces derniers étant essentiellement utilisés pour le chauffage de
piscines.
Dans le neuf, le solaire thermique est très lié aux choix politiques d’imposer ou non la chaleur renouvelable dans le cadre des réglementations thermiques. Le niveau d’exigence des réglementations thermiques a également un effet non négligeable sur la dynamique de ce marché car, en l’absence d’obligation renouvelable, le respect des nouvelles normes de construction peut se faire via les produits d’isolation ou par l’intégration de technologies fossile ou électrique. Et quand bien même les réglementations thermiques nationales et régionales rendent obligatoire, dans le neuf, l’introduction de technologies renouvelables, cela ne bénéficie pas nécessairement aux solutions solaires thermiques. Celles-ci doivent en effet faire face à la concurrence très rude des autres technologies de production de chauffage renouvelable, comme les pompes à chaleur aérothermiques ou les chauffe-eaux thermodynamiques. Ces secteurs sont par ailleurs encouragés par une tendance à l’électrification des besoins de chaleur et de rafraîchissement.
Par ailleurs, le solaire thermique connaît aussi une concurrence fratricide avec le solaire photovoltaïque qui se joue à la fois en matière de surfaces disponibles en toiture, mais aussi, fait nouveau, sur le plan des usages. L’atteinte de la parité réseau dans de nombreux pays ou régions pousse au développement de l’autoconsommation, pour répondre aux besoins en électricité et ce, de plus en plus avec des systèmes stockant l’électricité non consommée sous forme d’eau chaude sanitaire (cumulus électrique).
Enfin, le marché du solaire thermique a pâti, dans certains pays, d’une diminution des aides publiques pour des raisons de contraintes budgétaires ou des systèmes d’aides orientant les consommateurs vers des technologies concurrentes.
Rénovation: sensibiliser les installateurs et les consommateurs
Dans le secteur de la rénovation des maisons individuelles, s’ajoute un manque de préconisation des installateurs. «Ces derniers préfèrent souvent orienter leurs clients vers des systèmes moins coûteux et plus simples à installer», note le rapport.
L’étiquetage énergétique, qui aurait pu être un atout pour la filière solaire thermique n’est également pas mis en avant. «Des efforts sont pourtant menés pour promouvoir l’étiquetage énergétique auprès des installateurs à travers le projet LabelPack A+ coordonné par Solar Heat Europe et financé par le Programme Horizon 2020 de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation.» Sans effets dans l’immédiat. Une seconde campagne de sensibilisation devrait être organisée cette année.
Les professionnels du secteur ont aussi fait le constat que les consommateurs étaient très peu informés ou sensibilisés par l’étiquetage énergétique et que le remplacement d’un système de chauffage se fait généralement dans l’urgence.
Quant aux relais de croissance attendus dans le collectif, les réseaux de chaleur solaire et la chaleur industrielle, ils se mettent progressivement en place mais sont encore insuffisants pour contrer la baisse du volume d’installation sur le secteur individuel.
Toujours est-il que la production d’eau chaude sanitaire dans le secteur collectif possède le potentiel de croissance le plus important car ce segment repose sur un gisement gigantesque de bâtiments à réhabiliter en Europe, et les besoins sont très importants.