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Durabilité

Un nouveau viaduc remplace le pont Morandi de Gênes: histoire d’un chantier exemplaire

Le 14 août 2018, le pont Morandi de Gênes s’effondrait, causant la mort de 43 personnes et plongeant l’Italie dans la stupeur et la colère. Le 3 août 2020, soit près de deux ans plus tard, jour pour jour, le nouveau viaduc qui remplace le pont Morandi a été inauguré. Un véritable tour de force humain, technique et logistique.

Pont de Gênes 2
Andrea Botto
Conçu par le célèbre architecte Renzo Piano et réalisé par le groupe de construction RINA, l’ouvrage est impressionnant: long de 1.067 mètres, le nouveau pont autoroutier comprend 17.500 tonnes d’acier. Une équipe de 90 personnes a consacré quelque 150.000 heures à la direction du projet. Ce dernier a en outre nécessité plus de 250 plannings techniques et 220 réunions techniques de coordination opérationnelle.
Aucun effort n’a été ménagé pour livrer le pont dans les plus brefs délais tant cette liaison revêt de l’importance pour toute la région. Voie de liaison essentielle entre le port de Gênes et les zones industrielles de Milan et Turin, ce pont revêt de l’importance pour une grande partie du nord de l’Italie. Ainsi, malgré l’épidémie du coronavirus, les travaux de construction du pont ne se sont jamais interrompus.

Un chantier complexe

La construction relevait d’un projet d’infrastructure complexe, qui consistait à travailler dans un environnement urbain, tant pour la démolition de l’ancien pont que pour la reconstruction du nouveau. Les travaux ont été réalisés dans une zone relativement exigüe mais densément peuplée où sont également implantées de grandes entreprises industrielles.  En outre, le site est traversé par quatre voies urbaines et une ligne ferroviaire, ainsi que par des installations d’utilité publique préexistantes, comme le gaz et l’eau. Sans oublier la rivière Polcevera qui coule sous le pont.
L’ampleur de la tâche était énorme. Plus de 3.000 documents techniques ont été rédigés et près de 600 audits et contrôles effectués en vue de valider les aspects techniques, qualitatifs, sécuritaires et environnementaux des plans pour la démolition comme pour la reconstruction du pont.
L’équipe de RINA - qui a décroché le marché, tant pour la démolition du pont écroulé que pour la construction du nouveau viaduc - a procédé elle-même à 2.000 inspections dans les usines qui ont produit les matériaux et les éléments structurels du nouveau viaduc. Elle a également inspecté et vérifié l’adéquation et la conformité de quinze installations de production, dont celle chargée de produire les tôles d’acier, les structures métalliques, le béton, les barres d’armature, ainsi que des laboratoires chargés de tester les matériaux. 

Une conception originelle atypique

Conçu en béton précontraint, le pont qui s’est effondré a été bâti entre 1963 et 1967 par l’architecte et ingénieur civil Riccardo Morandi. D’une longueur totale de 1.182 mètres, il franchissait la vallée de la rivière Polcevera. Parcouru par l’autoroute à péage E80/A10, le pont était géré par Atlantia, le plus grand gestionnaire routier privé d’Europe.
La conception du pont était inhabituelle. Morandi a en effet recouru à une nouvelle technique alliant béton précontraint et faible nombre de haubans. Le pont était caractérisé par trois travées de 212 mètres chacune avec, de part et d’autre du pylône, deux haubans supportant le tablier. Afin de protéger les haubans contre la corrosion, Morandi avait fait ancrer les faisceaux de câbles d’acier dans une gaine en béton précontraint. La gaine entourant les haubans avait ensuite été comblée par un mélange de béton projeté.
Cette technique présente toutefois un inconvénient majeur: les câbles, attaqués et fragilisés par la formation de rouille due aux infiltrations d’eau, sont invisibles et échappent donc à tout contrôle visuel. Le pont Morandi de Gênes ayant subi de violents vents de mer salins ainsi que les émissions agressives d’une zone industrielle voisine, des trous se sont formés dans la poutre en mortier.
Seuls deux autres ponts de même conception existent dans le monde: le pont du Général-Rafael-Urdaneta au Venezuela, qui s’est effondré en 1964 suite à la collision d’un navire, et le pont du Wadi al-Kuf en Libye, lequel a été fermé en 2017 après la constatation de fissures. Un an après, c’est le pont de Gênes qui rendait l’âme, faisant 43 morts et 15 blessés.

Inauguré le 3 août 2020, le nouveau viaduc de Gênes remplace le pont Morandi. © RPBW Architects

Chronique d’une catastrophe annoncée

Pourtant, le pont Morandi avait subi de fréquentes restaurations depuis 1970 suite au retrait du béton et à la mobilité du tablier. Les haubans ont été remplacés dans les années 1990 et en 2016, de grands travaux de rénovation ont été entrepris afin d’ajouter de nouvelles structures en béton ainsi que des grillages.
Mais des voix s’étaient alors déjà élevées pour remplacer le pont en raison de ses frais d’entretien élevés. A peine deux ans plus tard, au cours d’un orage accompagné de fortes pluies et de violentes rafales de vent, le pont s’est partiellement écroulé. Le tablier s’est effondré sur une longueur de 200 mètres, emportant dans sa chute le pilier ouest. Et les véhicules qui circulaient à ce moment sur le pont se sont écrasés 45 mètres plus bas 
Une enquête a suivi. La principale conclusion était que l’effondrement de ce pont, vieux d’à peine 50 ans, n’était pas tant imputable aux conditions météo extrêmes ni à un défaut de conception qu’à une combinaison de facteurs. Un défaut d’entretien, de même qu’une inspection insuffisante et surtout l’augmentation exponentielle de la charge du trafic de voitures et de camions ont été désignés comme les principaux responsables du drame. La fatigue du métal et la corrosion dues à l’eau de mer salée ont entraîné l’apparition de fissures et de trous dans l’acier et le béton, qui ont favorisé à leur tour l’oxydation de l’armature.
 
L’entreprise de construction RINA est active dans les secteurs de l’Energie, de la Marine, de la Certification, des Transports, des Infrastructures et de l’Industrie. RINA a réalisé un chiffre d’affaires estimé à 465 millions d’euros en 2019. La société totalise plus de 3.900 collaborateurs et 200 bureaux dans 70 pays. 

 

A la tête du bureau RPBW Architects (Renzo Piano Building Workshop), l’architecte et concepteur industriel italien Renzo Piano a signé plusieurs réalisations architecturales célèbres, notamment The Shard à Londres, le NEMO à Amsterdam, l’Auditorium Parco della Musica à Rome, le nouvel antre de l’Académie des sciences de Californie à San Francisco ou encore le musée d’art contemporain Astrup Fearnley à Oslo. On lui doit aussi, en 1971, la conception du Centre George Pompidou à Paris, en collaboration avec l’architecte Richard Rogers.
 
 
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