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Durabilité

Scidus: la scierie 4.0

En 2015, l’entreprise Mobic, spécialisée dans la construction à ossature bois, faisait l’acquisition de Scidus, une des dernières scieries wallonnes spécialisées dans le sciage du hêtre. Une reprise étonnante sachant que les scieries de feuillus sont en pleine crise en Wallonie. Toujours est-il qu’en un peu plus de deux ans, Scidus est devenue une des scieries les plus innovantes du pays. Au point de faire parler de ses produits au-delà des frontières nationales.

scidus

A Etalle, en province de Luxembourg où les forêts sont reines, la scierie Dusausoit faisait pour ainsi dire partie des meubles depuis plus de 65 ans. Mais après trois générations, il ne s’est plus trouvé personne pour reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Celle-ci a alors été proposée à Mobic, une entreprise liégeoise spécialisée dans les constructions à ossature bois (des études de stabilité au montage sur chantier, en passant par la fabrication en interne des différents éléments de construction). Dans un premier temps, la société s’est montrée très moyennement intéressée. Chemin faisant, l’idée a germé qu’un investissement en vue de valoriser le feuillu dans la construction pourrait permettre d’anticiper les probables tensions qui risquent d’apparaître bientôt dans l’approvisionnement en résineux, ceux-ci étant déjà surexploités en Wallonie, à l’inverse des feuillus totalement sous-valorisés. Qui plus est, la Wallonie est riche en feuillus de qualité. Or, Scidus était une des dernières scieries wallonnes spécialisées dans le hêtre, un feuillu rarement exploité dans la construction. «Mobic a donc franchi le pas mais en se fixant des objectifs ambitieux: développer des produits innovants à très haute valeur ajoutée», rappelle Marc Wilmet, directeur de Scidus.

La scierie Scidus, à Etalle, s’étend sur 3 hectares. Elle disposera fin 2018 d’un nouveau hall de production de 7.000 m2 et d’une ligne de production robotisée. (© Scidus)

Pour ce faire, la scierie a conservé le personnel très expérimenté de la scierie en lui adjoignant notamment un nouveau directeur et, surtout, un responsable R&D à plein temps. Aujourd’hui, Scidus a déjà sorti 8 ou 9 nouveaux produits qui ont été testés et validés. Conformément à l’objectif initial, ces produits viennent non seulement combler un chaînon manquant dans la construction bois, mais disposent également d’un grand potentiel commercial – l’objectif étant quand même d’être rentable à terme. Enfin, ils répondent aussi au désir de Mobic et de Scidus de privilégier les circuits courts et les essences locales, sachant que les deux entités ont été parmi les premières à souscrire à la marque «Bois local – Notre savoir-faire» initiée par l’Office économique Wallon du Bois.

Vous reprendrez bien un peu de hêtre torréfié?

Un de ces nouveaux concepts a déjà beaucoup fait parler de lui: il s’agit de produits à base de hêtre torréfié. Le procédé est mieux connu sous l’appellation «Bois Modifié Thermiquement» (BMT). Il s’agit en l’occurrence de bois chauffé entre 180 et 230° sous une atmosphère contrôlée pauvre en oxygène. A ces températures, des modifications chimiques interviennent dans la structure cellulaire du matériau. Plusieurs variantes du traitement à haute température ont été développées et portent des dénominations différentes selon les pays: ThermoWood® en Finlande, Plato® aux Pays-Bas, Bois rétifié® en France. Chez Scidus, qui a pu disposer d’un four de thermo-traitement dès octobre 2016, c’est la marque Bois Torréfié® qui a été déposée. Une exclusivité Scidus. «Le hêtre est chauffé à 215° sous vide pendant deux jours et, au terme de ce traitement à haute température, sa durabilité naturelle s’en trouve spectaculairement accrue.» Autre avantage du thermo-traitement, il améliore la stabilité dimensionnelle du bois (il réduit le gonflement et le retrait ainsi que les déformations suite à l’absorption d’humidité), ce qui permet, par exemple, d’en faire des parquets massifs qui ne bougent quasiment plus. «Ainsi modifié, le hêtre qui n’était utilisé jusqu’alors qu’en menuiserie intérieure peut parfaitement prendre sa place à l’extérieur comme bardage ou terrasse et remplacer avantageusement les essences exotiques (15 à 20% plus onéreuses). Cela constitue une importante plus-value environnementale aussi, puisqu’au lieu d’importer des bois de l’autre bout du monde, on se repose sur une ressource locale (le hêtre utilisé provient de Wallonie et du Nord de la France) et largement disponible.» A l’heure actuelle, une bonne douzaine de négociants ont passé commande, Scidus ayant décidé de ne pas assurer la distribution. «Outre la qualité et l’aspect novateur du produit, les négociants apprécient de s’adresser à un vrai scieur qui maîtrise la totalité du processus: du choix des lots au sciage, en passant par le séchage. Bref, de la grume à la planche!» Pour le moment, Scidus se concentre sur le marché wallon «mais, à très court terme, nous comptons nous attaquer aux marchés flamand et français», prévient Marc Wilmet.

Spécialité: l’innovation

Autre innovation sortie récemment des lignes de production de Scidus, la Cloisobois®, une cloison intérieure autoportante en hêtre massif à 3 plis. «C’est une cloison totalement finie et très facile à placer. Elle est a priori plutôt destinée au marché du do-it-yourself. Nous sommes toutefois encore en train de peaufiner le produit afin d’en réduire quelque peu le poids mais, à ce stade, partout où nous l’avons présenté, il a surpris et suscité des commentaires élogieux, notamment en France.»

C’est également en France que, en novembre 2017, Scidus s’est rendu pour présenter son nouveau bébé: la coque double courbure avec laquelle la scierie s’est inscrite au Concours de l’Innovation de Batimat. Il s’agit d’un assemblage de lattes de bois par collage-pressage auquel des «robots» donnent la forme définitive avec une courbure très spécifique impossible à réaliser à la main. «Nous sommes convaincus qu’un tel produit est susceptible d’intéresser les architectes.»

Quant aux robots utilisés, ils attestent la capacité d’innovation qui a fait – et fait toujours – la réputation de Mobic. Ces robots ont en effet été rachetés à l’industrie automobile et «reparamétrés» pour répondre aux spécificités du travail du bois. C’est grâce à eux que Mobic a pu commencer à usiner des grumes entières pour leur conférer différents aspect, la ligne robotisée permettant un usinage très précis des troncs. «Ces mêmes robots, actuellement à la manœuvre dans l’unité de production de Mobic à Harzé, seront en activité fin 2018 sur le site de Scidus à Etalle», se réjouit Marc Wilmet. Ils viendront prendre place dans un tout nouveau hall de production de 7.000 m2.

De quoi voir venir pendant un petit temps. Et dans l’intervalle, ce ne sont pas les idées qui manquent: Scidus vient ainsi de développer le système Hewy, un outil en ligne qui permet aux clients de reproduire un objet de décoration ou de concevoir leur propre mobilier avec l’aide d’un designer.
Les scieries ont décidemment bien changé.
Adie Frydman

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