Réseaux de chaleur : une utilisation intelligente de l'énergie sans impact sur le climat
Les réseaux de chaleur ont le vent en poupe. Les villes et les communes aiment jouer la carte de ces réseaux thermiques dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, les réseaux de chaleur ne sont pas aussi récents qu'on voudrait le croire. Les plus anciens réseaux de notre pays datent des années 1980 et dans les pays voisins, le savoir-faire est bien plus ancien. Aujourd'hui, nous utilisons ces connaissances pour innover et gérer plus intelligemment les possibilités de production et de transport d'énergie.
Un réseau de
chaleur est exactement ce que vous et moi imaginons : un réseau de conduites
souterraines pour le transport de la chaleur et (peut-être surprenant)
aujourd'hui aussi du froid. La chaleur et le froid peuvent être produits de
manière centralisée et décentralisée, de préférence de manière renouvelable. Et
selon le type de réseau de chaleur, l'utilisateur final peut utiliser la
chaleur directement pour le chauffage ou le sanitaire. Derrière cette apparente
simplicité d'un réseau de chaleur se cache beaucoup d'ingéniosité technique et
surtout d'innovation pour rendre les réseaux de chaleur encore plus efficaces,
polyvalents et modulaires. Les spécialistes Hartwin Leen, ingénieur de
procédés-directeur chez Kelvin Solutions, et Patrick Berré, chef de division
Énergies & Eau chez Denys, nous guident à travers les développements
récents en matière de réseaux de chaleur.
Plus efficace, génération après génération
Les réseaux de
chaleur que nous développons et construisons aujourd'hui dans notre pays sont
des réseaux de quatrième ou cinquième génération. Les premiers réseaux de
chaleur du 19e siècle étaient conçus pour le transport de la vapeur.
« L'efficacité n'était pas importante à l'époque », souligne Hartwin
Leen. Il en va de même pour la deuxième génération de réseaux de chaleur, pour
le transport de l'eau chaude. « Cette prise de conscience a eu lieu au
moment de la crise pétrolière des années 1970. Depuis lors, les réseaux de
chaleur sont beaucoup plus efficaces grâce à un ensemble de mesures
d'isolation. La plupart des réseaux de chaleur dans notre pays sont aujourd'hui
de cette troisième génération. Ils transportent de l'eau à une température
d'environ 90 °C et la production de cette eau chaude se fait à l'aide d'un
système de cogénération ou à partir de la chaleur résiduelle, et non plus à
l'aide de charbon ou de mazout. Poussée par les défis climatiques et
énergétiques de ce siècle, une quatrième génération de réseaux de chaleur a vu
le jour ces dernières années. Ils fonctionnent à basse température,
généralement entre 60 et 40 °C, produite à partir de la chaleur résiduelle de
l'industrie ou d'énergies renouvelables. La nouveauté de cette génération est
la possibilité d'utiliser plusieurs sources simultanément grâce à un contrôle
intelligent et même de transporter du froid », explique Hartwin Leen.
À la recherche d'un réseau de chaleur optimal en
termes de coûts
Depuis peu, nous
assistons à une évolution vers la cinquième génération, où il n'y a plus de
réseau de chaleur, mais un réseau d'énergie ou un réseau de sources. Hartwin
Leen s'exprime à ce sujet : « Dans un tel réseau d'énergie, plusieurs
sources primaires sont reliées entre elles pour fournir l'énergie de base.
Cette énergie est transportée jusqu'à l'utilisateur final via le réseau de
canalisations, où elle est améliorée de manière décentralisée jusqu'à la
température requise. L'avantage est qu'il n'est plus nécessaire de disposer
d'un réseau de canalisations fortement isolé. En revanche, le diamètre des
canalisations augmentera et chaque utilisateur devra avoir sa propre pompe à
chaleur. Les économies d'échelle sont donc plus limitées. La situation pratique
réelle montrera quel type de réseau de chaleur est le plus approprié : un
réseau de quatrième génération, un réseau de cinquième génération ou une
combinaison des deux. »
Un réseau de
chaleur peut être construit n'importe où. La question clé est toutefois de
savoir si cela est économiquement rentable. « Un réseau de chaleur n'a de
sens que si l'on peut transporter l'énergie de manière optimale en termes de
coûts, c'est-à-dire sur une distance aussi courte que possible. En effet, un
réseau de chaleur nécessite un investissement important dans le réseau de
distribution et les pompes. Le gestionnaire le récupère en fournissant de la
chaleur à l'utilisateur final. Chaque mètre de réseau de canalisations
représente un investissement. Par conséquent, le ratio de chaleur par mètre
courant est l'indicateur qui permet de déterminer si l'investissement dans un
réseau de chaleur est judicieux. C'est généralement le cas dans les centres-villes,
dans les zones industrielles où il y a un grand producteur de chaleur, mais
parfois aussi dans les zones rurales où la densité de chaleur est
élevée », explique Hartwin Leen.
Une nouvelle forme de canalisation utilitaire
légale
Une autre
caractéristique d'un réseau de chaleur est qu'il s'agit d'un circuit fermé.
« Le réseau de chaleur apporte l'eau chaude à l'utilisateur final et
ramène l'eau froide à la source. Tout comme le circuit de chauffage de nos
habitations », précise Patrick Berré. « Cela signifie que nous
plaçons deux tuyaux en acier dans la tranchée. Le diamètre des tuyaux dépend de
la quantité d'énergie à transporter. Nous isolons ensuite les tuyaux. Enfin,
nous protégeons l'ensemble avec une gaine plastique en PE. Cette protection est
nécessaire pour éviter que les eaux souterraines ou les infiltrations d'eau de
pluie ne compromettent la valeur d'isolation ou ne provoquent de la corrosion.
Lorsqu'il est correctement installé, un tel réseau de canalisations a une durée
de vie d'environ 50 ans. Lors de l'installation, nous respectons les mêmes
normes en matière de soudage que pour les canalisations. Pour l'isolation, il
faut garantir le Δt entre la source et l'adresse de livraison. Cela nécessite
une étude pour déterminer la bonne épaisseur d'isolation. »
Le placement du
réseau de canalisations sur le domaine public ne peut pas se faire n'importe
comment. « Un permis est nécessaire pour cela. Cet aspect évolue encore
pour les réseaux de chaleur », souligne Hartwin Leen.
« L'installation du nouveau type de canalisation d'utilité publique est
radicale. Il faut de l'espace pour souder les canalisations à côté de la fosse
de construction, il faut de l'espace souterrain pour les coudes de dilatation,
etc. Cela a un impact et entraîne des droits et des obligations pour le
gestionnaire du réseau de chaleur. Une certaine innovation juridique est
nécessaire pour que tout cela rentre dans l'ordre. Par ailleurs, le réseau de
canalisations devrait également être inclus dans le CICI/portail KLIP, comme
n'importe quel autre système d'utilité publique. »
L'installation
des canalisations est un processus linéaire : creuser une tranchée, poser un
tube d'acier, isoler, appliquer une gaine en PE et fermer la tranchée.
« Dans les zones rurales, cela pose peu de problèmes, mais dans les
centres-villes, ce n'est pas évident. On ne peut pas ouvrir toute la ville
indéfiniment dans le temps. Il faut donc faire preuve de créativité et déployer
des équipes polyvalentes », ajoute Patrick Berré.
Du pain sur la planche
Le réseau de
chaleur est une nouveauté non seulement pour les gestionnaires de l'espace
public, mais aussi pour les entrepreneurs. En effet, outre les spécialistes
pour les travaux de canalisation, d'autres parties sont impliquées dans la mise
en œuvre du concept. Pensez à la production et au stockage de la chaleur, ainsi
qu'à l'acheminement de l'énergie vers l'utilisateur final. Selon Hartwin Leen,
il y a encore beaucoup à faire. « Nous n'avons plus l'habitude d'installer
des systèmes de chauffage collectif au niveau des bâtiments. Pendant des
années, nous avons acheminé une canalisation de gaz jusqu'à chaque appartement
pour y faire fonctionner des chaudières individuelles. Un réseau de chaleur
nécessite une approche différente. Les canalisations doivent être placées dans
des gaines, il ne doit pas y avoir de ponts thermiques, l'isolation correcte
des canalisations dans les gaines s'avère également un point délicat. Bref, les
spécialistes du CVC qui veulent s'aventurer dans le domaine des réseaux de
chaleur devront se perfectionner dans ce domaine. Il y a aussi l'aspect des
systèmes énergétiques intelligents. Ceux-ci nécessitent automatisation,
contrôle, régulation, etc. pour exploiter au mieux le potentiel des différentes
sources d'énergie renouvelable. Nous devons encore développer cette technologie
et cette intelligence aujourd'hui », déclare Hartwin Leen.
Pour l'équipe de
Patrick Berré, le passage d'un pipeline classique, une spécialisation de Denys,
a été une étape relativement modeste. « Nous disposions du personnel et de
l'équipement nécessaires. Nous devions surtout nous concentrer sur la nouvelle
donne qu'est l'isolation des canalisations. C'était une option viable. À ce
jour, nous avons environ 7 projets de réseaux de chaleur qui fonctionnent en
continu chez nous et dans nos pays voisins. »