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Durabilité

Les transports publics bruxellois et leur fréquentation sous la loupe

La présence du roi Philippe lors de l’inauguration récente du tram 9 au nord-ouest de Bruxelles souligne le caractère exceptionnel de la création d’une nouvelle ligne de tram dans la capitale. Cette mise en service a aussi le mérite, alors que le débat sur les transports publics tourne beaucoup autour du projet d’extension du métro Nord, de mettre en lumière les autres réseaux de la Stib, à savoir, le tram, mais aussi le bus, dont l’offre évoluera significativement d’ici 2020 au travers du nouveau «plan bus».

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Même si elle ne constitue qu’une partie d’une politique de mobilité urbaine, une modification de l’offre de transport public a aujourd’hui pour ambition (cela n’a pas toujours été le cas…) d’encourager le «report modal» de la voiture vers le transport public et, donc, de produire une augmentation de la fréquentation de celui-ci. Les nouvelles infrastructures de transport prennent du temps à être construites et, une fois en place, mettent parfois plusieurs années pour produire tous les résultats escomptés. Une analyse sur le long terme a donc toute sa pertinence, non seulement pour évaluer la situation actuelle, mais aussi et surtout pour optimiser les investissements futurs.

En cette Semaine de la Mobilité, les résultats du travail de bénédictin de Vincent Carton, publiés dans le numéro 123 de Brussels Studies tombent à point pour donner un peu de profondeur historique aux réflexions sur les transports publics à Bruxelles. L’auteur, ingénieur civil, urbaniste, mais aussi observateur attentif et acteur des politiques bruxelloises, propose, en s’appuyant sur les statistiques de la Stib depuis 1950, une analyse fine des choix faits en matière d’offre de transport public à Bruxelles et de leur impact sur la fréquentation du réseau.

Fréquentation doublée en 15 ans

Les séries statistiques reconstituées et harmonisées concernent, d’une part, différentes facettes de l’offre de transport (étendue géographique, capacité, fréquences) et, d’autre part, le nombre de voyageurs fréquentant le réseau. Le grand mérite de l’étude est de distinguer tram, bus et métro, ce qui permet d’identifier clairement les contributions respectives de ces différentes composantes de l’offre de la Stib.

Ainsi, 50 ans après son inauguration, le métro représente moins de 10% de la longueur du réseau. Mais, par sa localisation stratégique et grâce au rabattement réalisé par trams et bus, il transporte plus du tiers des voyageurs. Toutefois, plus que l’ouverture de nouvelles lignes, c’est essentiellement le relèvement général des fréquences sur l’ensemble du réseau qui a contribué à doubler la fréquentation des transports en commun au cours de ces 15 dernières années, répondant à la demande résultant du boom démographique, constitué en large partie de ménages bruxellois des classes populaires peu motorisés.

«Effet métro» relatif

L’étude va plus loin et souligne le caractère somme toute relatif de l’effet métro, surtout quand on examine les choses sur le long terme. Les trois moments (de 1972 à 1977, de 1988 à 1993 et, en particulier, de 2001 à 2017) où l’on a renforcé l’offre dans sa globalité – métro, tram et bus – sont les seuls où le nombre de voyageurs a crû. Par contre, la période de forte extension du réseau de métro (1978-1989) n’a pas correspondu à un gain de clientèle de la Stib, au contraire (-10 %). C’est également la période de la plus forte baisse de l’offre globale (-18%). Une des conclusions de l’analyse de Vincent Carton est donc que mettre l’essentiel des moyens sur un seul mode, en particulier si sa couverture territoriale est limitée, n’est pas suffisant pour attirer de nouveaux usagers.

Courage politique

Ce constat relativise du coup la place qu’occupent les 5 km du futur métro Nord, prévus pour 2028 au plus tôt, dans le «sauvetage» de la mobilité bruxelloise... A court terme, la hausse de la demande de déplacements ne peut être rencontrée ni par la voiture privée sur des voiries saturées aux heures de pointe, ni par les trams et bus en voirie qui subissent les contraintes du trafic et roulent à leurs limites de capacité, ni par le métro dont l’extension prend énormément de temps. De quoi remettre au premier plan des investissements plus systématiques dans les réseaux de bus et de trams afin d’en améliorer la fluidité. Mais, mettre la priorité sur les réseaux de surface, moins chers et en théorie plus flexibles que le métro, nécessite probablement plus de courage politique, notamment parce qu’il faut faire de la place en surface pour les transports publics au détriment de la voiture. Cela nécessite aussi des arbitrages entre intérêt général et intérêt local, tout le monde n’étant pas forcément heureux de voir passer un tram ou un bus devant chez lui. Même si cela permettrait à tous de mieux circuler et respirer.

 

(L’étude «Offre et fréquentation des transports publics bruxellois de 1950 à 2017» par Vincent Carton est disponible sur le site https://journals.openedition.org/brussels/1760).

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