Les architectes européens veulent une construction axée sur l’économie circulaire
A l'occasion du Forum Mondial de l’Economie Circulaire organisé les 4 et 5 juin 2019 à Helsinki, le Conseil des Architectes d'Europe a publié une déclaration soulignant l'importance d’une conception basée sur l’économie circulaire dans le secteur de la construction.
Comme beaucoup d'autres secteurs, ceux de la construction et du bâtiment fonctionnent en grande partie selon un modèle économique linéaire consistant à prendre, fabriquer et jeter, partant du principe que les ressources sont abondantes et qu’il est possible d’en disposer sans conséquences. «Cependant, nous prenons de plus en plus conscience de la finitude des ressources naturelles et de la fragilité de notre environnement, et par là même, de l’urgente nécessité de développer des modèles économiques plus durables et régénératifs permettant aux ressources de rester dans le système économique aussi longtemps que possible et en évitant la production de déchets», peut-on lire dans cette déclaration.
Les secteurs de la construction et du bâtiment ont un potentiel énorme en termes d'économie de ressources et de réduction des déchets. En 2017, la construction et l'exploitation des bâtiments représentaient 36% de la consommation d'énergie finale au niveau mondial et près de 40% des émissions de dioxyde de carbone (CO2) liées à l'énergie. Dans l'Union européenne, la construction et l'utilisation des bâtiments représentent environ la moitié de tous les matériaux extraits et le secteur génère environ un tiers de tous les déchets! Dans ce contexte, l’architecture a un rôle crucial à jouer.
Par des rénovations et réaffectations intelligentes, des bâtiments anciens peuvent trouver de nouvelles utilisations correspondant aux besoins sociaux, culturels, environnementaux et économiques de notre époque. (© Deschacht)
Agir dès la phase de conception
Développer les principes de l'économie circulaire dans l'environnement bâti consiste fondamentalement à changer la façon dont nous concevons nos bâtiments pour garantir qu'ils puissent être exploités, entretenus, réparés, réutilisés ou adaptés à de nouveaux besoins, tout en optimisant la valeur des ressources et en générant le moins possible de déchets.
«Le projet architectural rend les choses tangibles et concrètes et constitue le bon moment pour réunir toutes les parties prenantes d’un projet afin de discuter des défis de l’économie circulaire et s’entendre sur les meilleures stratégies pour créer le maximum de valeurs possibles en utilisant moins de ressources, et pour le plus longtemps possible.» Si une architecture de haute qualité peut créer de la valeur et permettre d’optimiser l’utilisation des ressources, inversement, des bâtiments mal conçus peuvent générer beaucoup de déchets et des coûts considérables, à court terme et pour les générations futures.
Les architectes doivent prescrire des composants et des matériaux qui peuvent être conservés longtemps dans le circuit économique. (© C2C Centre)
Stratégies architecturales pour la circularité
Les solutions architecturales favorisant la circularité devraient consister en une hiérarchie d’approches visant à préserver et à améliorer la valeur des ressources, telles que:
- approche culturelle (préserver les ressources par une conception de haute qualité)
La préservation et l'amélioration de l'environnement bâti existant constituent la meilleure stratégie pour éviter la génération de déchets. Les bâtiments socialement et culturellement appréciés ont une durée de vie plus longue et incitent, propriétaires et utilisateurs sur plusieurs générations, à préserver les ressources qui y ont été investies. Ce que nous construisons ou rénovons aujourd’hui devrait aspirer à devenir le patrimoine culturel de demain. Par des rénovations et réaffectations intelligentes, des bâtiments inoccupés ou anciens peuvent trouver de nouvelles utilisations correspondant aux besoins sociaux, culturels, environnementaux et économiques de notre époque. Une telle approche permet de préserver l’énergie intrinsèque des matériaux de construction, de réduire la consommation de matériaux de construction et de limiter l’étalement urbain.
- Approche fonctionnelle (concevoir des lieux adaptables pour répondre à des besoins changeants)
La plupart des changements apportés à un bâtiment résulte du désir de l'occupant d'améliorer son cadre de vie ou de l'adapter à de nouveaux besoins, et non du fait de problèmes techniques ou d’un vieillissement prématuré des matériaux. Dans la plupart des cas, les bâtiments sont démolis parce que leur adaptation à de nouveaux besoins n’est pas considérée comme une option économique viable, et non pas parce qu’ils sont structurellement dangereux. Pour que les bâtiments soient utilisés le plus longtemps possible, les architectes doivent concevoir des espaces et des structures adaptables, rendant possible des modifications futures pour de nouveaux usages.
- Approche technique (concevoir pour un remplacement facile)
Bien que la structure des bâtiments puisse durer des siècles, certains composants ont une durée de vie beaucoup plus courte, en raison de leurs propres limites techniques ou du fait que les besoins des occupants changent avant que leur fin de vie théorique ne soit atteinte. Pour anticiper cette durée de vie plus courte, il est important que ces composants soient facilement accessibles et démontables afin de permettre leur remplacement ou leur réparation, tout en minimisant les perturbations des composants les entourant. L’absence de fixations, des fixations faibles ou des fixations mécaniques amovibles (vis, boulons, etc.) font parties des solutions possibles.
- Approche matérielle (prescrire les bons matériaux pour faciliter le recyclage)
Les architectes peuvent prescrire des composants et des matériaux pouvant être réutilisés ou recyclés à moindre coût, qui sont durables et robustes, faciles à manier, réparables et/ou biodégradables, c’est-à-dire des matériaux qui peuvent être conservés longtemps dans le circuit économique.
Recommandations politiques pour soutenir les efforts des architectes
L'Union Européenne encourage vivement le développement d'une économie circulaire dans le secteur des bâtiments.
Mais une mise en œuvre ambitieuse des principes de l'économie circulaire dans les secteurs de la construction requiert la participation et la collaboration de toutes les parties prenantes, des fabricants de matériaux de construction aux acheteurs, constructeurs, utilisateurs, gestionnaires de bâtiments, entreprises de recyclage, etc.
«Les architectes peuvent jouer un rôle clé dans cette chaîne, car de nombreuses décisions prises au cours de la phase de conception ont des conséquences sur les performances environnementales d'un bâtiment, tout au long de son cycle de vie. Concevoir et construire des bâtiments de manière circulaire nécessite de reconnaître qu’un bâtiment est avant tout un support de vie. Au-delà de l'optimisation de l'utilisation des ressources pour elles-mêmes, il est essentiel de chercher à préserver et à renforcer les valeurs économiques, sociales, environnementales et culturelles qu'une construction incarne pour ses utilisateurs finaux de manière à ce qu’elle puisse être utilisée le plus longtemps possible.»