L’e-commerce, source de défis dans le secteur de la construction

En plein essor depuis la crise du Covid, l’e-commerce s’invite de plus en plus dans le secteur de la construction. Après les professionnels, les particuliers semblent être eux aussi toujours plus nombreux à commander quantité de matériaux de construction en ligne. « Les particuliers peuvent user de leur droit de retour lorsqu’ils commandent en ligne », précise Roel Gevaers, professeur en commerce électronique à l’Université d’Anvers. « Ils peuvent donc retourner facilement leur commande s’ils s’aperçoivent qu’ils ont fait le mauvais choix. Lorsqu’ils commandent en magasin, ils sont tributaires des conditions qui y sont en vigueur. » En ville, entre 25 et 30% des mouvements de véhicules sont aujourd’hui liés à la construction. « C’est le plus important groupe de produits acheminés vers la ville », commente Roel Gevaers. « Cela va des petits produits jusqu’aux véritables palettes. Ce sont surtout les petites quantités qui entraînent des coûts d’enlèvement plus élevés. » 

Plateforme commune 

Le secteur de la construction entraîne une multiplication des camions dans les villes. Bon nombre de villes envisagent de ne plus autoriser que les livraisons zéro émission dans quelques années. Roel Gevaers estime que le secteur de la construction devrait déjà anticiper cette situation, à l’instar d’autres secteurs. Ceux-ci voient déjà fleurir une multitude d’initiatives qui pourraient inspirer l’industrie de la construction. AB INBEV, par exemple, a mis sur pied une grande boutique en ligne commerciale pour permettre aux clients professionnels mais aussi privés de passer commande. « Cette plateforme offre l’avantage de supprimer le volet administratif et d’organiser plus efficacement tout le volet distribution », explique Roel. « Je trouve que le secteur de la construction pourrait envisager une plateforme similaire à celle d’AB INBEV. » Le secteur de la construction devrait en outre miser davantage sur les grands centres de consolidation urbains situés en périphérie de la ville et dans lesquels une tierce partie consoliderait les marchandises. « Les autorités s’intéressent de plus en plus à ce concept. Londres est déjà en train de l’expérimenter. En milieu urbain, la logistique de construction doit se concentrer sur les déchets, la construction et la logistique. » 

Les entrepôts, une expertise en soi

Les entrepôts destinés notamment à l’e-commerce, poussent d’ores et déjà comme des champignons un peu partout en Belgique. Mais comment construire au mieux un nouvel entrepôt ? Et surtout, comment faire pour qu’il puisse s’adapter constamment aux évolutions futures ? DCwise, spécialiste en optimalisation d’entrepôts, nous livre quelques conseils sur la manière de construire des entrepôts à l’épreuve du temps. DCwise ne construit pas d’entrepôts elle-même, mais accompagne ses clients, en tant que bureau de conseil indépendant en logistique, dans les processus de changement à mettre en place, que ce soit pour de nouvelles constructions ou des entrepôts existants. Outre son expérience en gestion de projets, la valeur ajoutée de DCwise réside surtout dans l’apport de son expertise. Il s’agit en l’occurrence d’adapter les connaissances des entrepreneurs, architectes et techniciens aux besoins de leur client afin de parvenir à une solution logistique optimale. 

Enregistrer les besoins

Selon Jan Baert de DCwise, il est essentiel à cet effet de commencer par identifier scrupuleusement les besoins du client. Quelles marchandises et quels volumes vont y être concrètement traités ? « En fait, que voulez-vous en faire précisément ? », poursuit Jan. « Il existe une multitude de scénarios différents. S’il s’agit par exemple d’un entrepôt de pièces de rechange, l’accent reposera essentiellement sur le stockage. Si l’entrepôt a pour pure vocation le cross-docking – c.-à-d. l’acheminement immédiat des marchandises –,il n’est même pas nécessaire de prévoir une zone de stockage. Est-il destiné à accueillir des camions, par exemple, ou plutôt des camionnettes ? Tous ces facteurs influenceront la configuration de l’entrepôt définitif et, par extension, de son site. »

Différentes stratégies

Partant des besoins, nous recherchons ensuite la meilleure solution à mettre en place dans les limites de ce qui est possible ou autorisé : on peut opter à ce stade pour plusieurs stratégies différentes : la solution manuelle traditionnelle, un entrepôt entièrement automatisé, ou encore une variante hybride des deux formules. « Parmi ces stratégies, il existe encore de multiples solutions différentes », précise Jan Baert. « Et à chaque solution correspondent encore généralement plusieurs fournisseurs possibles, ce qui donne au final une énorme variété de configurations visibles sur le terrain. La solution que vous choisirez déterminera notamment l’utilisation de l’espace, votre efficacité et le coût de votre investissement. La robotisation et l’automatisation vont fortement augmenter ces coûts d’investissement, mais aussi entraîner des modes de travail totalement différents. »

Multiplication des étages 

La solution choisie va notamment influencer l’aspect que devra prendre votre bâtiment. C’est-à-dire la hauteur de l’entrepôt, mais aussi le nombre de colonnes, de portes de quai, de rayons, ... « Nous assistons d’ailleurs à une tendance à l’automatisation allant jusqu’à des entrepôts dits ‘aveugles’, où ne travaillent plus que des robots », indique Jan Baert. « Nous constatons malgré tout aussi une tendance à travailler en couches de construction et en étages, ce qui était plutôt tabou auparavant. Sachez par ailleurs que de nombreuses solutions d’automatisation ont des besoins spécifiques, comme des sols ultraplats. C’est en effet très important pour le bon fonctionnement des robots ; autant d’aspects dont il vaut mieux tenir compte dès le départ. »

La flexibilité est cruciale

Il importe également selon DCwise de bien réfléchir à la flexibilité. « Plus le marché sur lequel l’entrepôt opère est volatile, plus l’entrepôt doit être conçu de manière aussi flexible que possible, afin de pouvoir s’adapter en permanence à la situation changeante », conseille Jan Baert. « Évitez par exemple les structures fixes au centre de l’entrepôt. Tout deviendra dès lors plus facile à entretenir et à adapter à l’évolution des besoins du marché. Un bon conseil : mieux vaut généralement opter pour une bonne solution simple mais qui pourra être adaptée plutôt que pour une solution hyper optimale mais complexe. »

Diverses phases d’utilisation

DCwise précise que les bâtiments connaissent en général plusieurs phases d’utilisation successives. Le premier usage diffère souvent des phases d’utilisation ultérieures. « L’entrepôt doit être conçu de manière à être prêt pour sa première utilisation et adaptable ultérieurement à sa conception finale. Je songe notamment à une augmentation prévue du volume », avance Jan Baert. « Admettons que l’on anticipe un éventuel accroissement important des volumes à traiter : on peut alors travailler avec des murs démontables qui, en cas de croissance et d’augmentation des volumes, pourront être démontés et remplacés par des portes de quai fixes. Dès le départ, il s’agira alors d’installer suffisamment de ‘vraies’ portes de quai pour le volume de chargement et de déchargement. Les murs démontables nécessaires auront également été placés pour permettre d’y intégrer plus facilement une porte supplémentaire que sur un mur standard. On aura donc déjà prévu les dispositifs nécessaires (câbles en attente, etc.) par lesquels des volumes supplémentaires pourront passer dans le futur. » 

Optimalisation des entrepôts existants

Si de nouveaux entrepôts sont construits en Belgique, le principal marché de DCwise n’en est pas moins l’optimalisation d’entrepôts existants. « On part donc plutôt des limites d’un bâtiment existant, qu’il faut ou non adapter », explique Jan Baert. « Nous utilisons pour ce faire les techniques les plus modernes. Tout est d’abord scanné minutieusement. Nous pouvons nous déplacer avec une caméra tout en prenant des photos de haute résolution et en effectuant des mesures ponctuelles. Nous pouvons ainsi cartographier l’ensemble jusque dans les moindres détails. » DCwise crée ensuite un jumeau numérique (ou digital twin) du bâtiment à l’aide d’un scan 3D. « Ce jumeau numérique fournit davantage d’informations et de données sur l’utilisation de l’espace, ce qui permet d’identifier les optimalisations, de mieux visualiser les bâtiments et installations, et bien d’autres choses encore », souligne Jan Baert. « Tout ce concept est né du fait que nous ne disposions pas de plans actualisés, mais aussi que nous avions besoin de visualisations 3D en plus des plans 2D limités. Nous nous en servons systématiquement comme point de départ de nos processus d’amélioration. Une fois l’ensemble numérisé, c’est toute l’équipe qui peut travailler en ligne. Un énorme gain de temps et de qualité. » 

Mise en service virtuelle

L’étape suivante consiste à conceptualiser la nouvelle opération. Cette étape se fait de plus en plus souvent en 3D afin d’offrir plus de transparence aux clients. Outre le scan 3D qui fournit un « jumeau numérique », DCwise propose d’autres services, tels que la simulation 3D des entrepôts et départements de production, que ce soit pour une installation existante ou une future infrastructure. « Nous pouvons dessiner un entrepôt ou un département de production en 3D et le faire déjà fonctionner virtuellement », explique Jan. « Nous pouvons même le soumettre virtuellement à différents scénarios en testant les éléments opérationnels (personnel, chariots élévateurs, machines, etc.) afin de se faire une idée du fonctionnement et des coûts y afférents. L’idéal est d’effectuer un maximum de tests virtuels afin d’éliminer de nombreuses erreurs en amont et de donner de meilleures réponses à l’architecte et à l’entreprise de construction. » Pour les décisions importantes, cette méthode offre davantage de certitudes quant à la meilleure solution à adopter. »

Centre de test 

Ceux qui souhaitent tester un changement dans un centre de distribution ou un entrepôt peuvent également le faire chez Fabriek Logistiek, le premier espace de tests logistiques en Belgique. Créé il y a à peine 2 ans, ce centre de tests pratiques réunit toutes les applications, technologies, connaissances et expérience logistiques sous un même toit. On peut y soumettre ses problématiques logistiques et tester soi-même des solutions, développements de produit et technologies dans un environnement entièrement protégé, réaliste et sûr pour l’entreprise. Cela permet d’expérimenter directement et concrètement les effets de l’ajout de services tels que l’e-commerce sur le fonctionnement de l’entrepôt, de préparer la transition vers une nouvelle technologie et de minimaliser les erreurs de mise en œuvre. On peut également y former son personnel aux nouvelles technologies. « Nous ne forçons jamais les gens à suivre telle ou telle direction », précise Danny Vanrijkel, key account manager chez Fabriek Logistiek. « Chez nous, ils peuvent tester toutes sortes de systèmes, comme notre robot d’emballage, capable d’enrouler un film autour de palettes de longs matériaux de construction. » 

Grossistes en matériaux de construction 

De nombreux négociants en matériaux de construction et centres de connaissances en construction ont déjà fait appel à Fabriek Logistiek. Un grossiste en matériaux de chantier souhaitait numériser la gestion de son entrepôt et de ses stocks. Il avait déjà pris des mesures importantes, mais il lui manquait encore les connaissances nécessaires pour choisir les bons scanners. « Un négociant est venu nous voir parce qu’il avait besoin de se digitaliser », poursuit Danny Vanrijkel. « Son équipe a testé et comparé différents scanners chez Fabriek Logistiek, mais aussi essayé les différents types d’étiquettes (codes QR vs. codes-barres) sur nos systèmes de rayonnage, ce qui leur a permis dans la foulée de choisir les bonnes étiquettes. Ils ont vu en nous l’endroit idéal pour acquérir les connaissances nécessaires en termes de solutions d’entreposage. Nous les avons réellement aidés à prendre les bonnes décisions car ils ont pu tester, essayer et comparer eux-mêmes différents scénarios. Ils ont trouvé en Fabriek Logistiek un interlocuteur neutre, sans la moindre forme d’orientation ni de pression commerciale. Les voilà désormais mieux armés pour négocier avec leurs fournisseurs potentiels, prendre des mesures concrètes et commencer à établir leur propre planning. »

Importance de la durabilité 

Danny Vanrijkel observe de nombreuses tendances dans l’univers des centres logistiques. La durabilité y tient un rôle majeur. « On construit davantage de bâtiments labellisés durables. Ces labels permettent au bâtiment de conserver une valeur maximale dans le futur. Les gens comprennent également qu’ils peuvent faire plus avec les mêmes mètres carrés en recourant à des méthodes abordables et évolutives, à condition d’y réfléchir dès le début du projet de construction. De plus grandes portées associées à moins de pieux de soutien permettent une plus grande flexibilité pour le rangement ou d’éventuels changements de processus ultérieurs. Pensez également à l’alimentation électrique et aux câbles d’éclairage, qui doivent être flexibles. La connexion des données se fera de préférence sans fil, d’où l’importance de choisir le bon produit (quel wifi ou quelle 5G) pour une construction qui résiste au temps. » L’utilisation de robots permet également d’augmenter la capacité de stockage. « Plusieurs modèles de robots sont capables de prélever des bacs en hauteur », nous informe Danny. « Ils peuvent amener les bacs jusqu’au préparateur de commandes. De telles solutions permettent d’entreposer beaucoup plus de bacs dans le même espace et de réduire ainsi les espacements ou l’air au strict minimum, ce qui vous offrira plus tard la possibilité d’augmenter le nombre de robots à mesure que votre entreprise se développe. Nous recommandons systématiquement un sol très plat. La qualité du sol sera en effet directement liée à l’usure et donc à vos frais opérationnels. Insistons aussi sur l‘importance d’avoir des sols dépourvus (ou quasiment dépourvus) de joints. Nous constatons également des besoins accrus en termes de numérisation. Tout, aujourd’hui, doit pouvoir fonctionner par voie électronique. »

Matthias Vanheerentals