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Durabilité

La Wallonie mise sur les compteurs «intelligents». Est-ce bien intelligent?

Alors que la Belgique avait, par le passé, refusé d'installer les compteurs «intelligents», n’y voyant aucun avantage économique, le nouveau Gouvernement wallon, lui, a décidé d’y aller franco.

Comtreurs intéligents
©Richard DAMORET/REA

Objectif affiché: 80% des foyers wallons équipés d’un compteur intelligent à l’horizon 2034. Pourquoi une telle célérité alors que d’autres pays ont adopté une attitude beaucoup plus circonspecte? Et est-ce vraiment une bonne idée?

En septembre 2009, l’UE avait fixé aux Etats membres l’objectif de développer des compteurs intelligents dans 80% des foyers européens avant 2020, et dans 100% des habitations avant 2022.

A un peu moins de cinq ans de la date butoir à laquelle 100% des foyers devraient être équipés, on peut déjà être sûr d’une chose: l’objectif des 100% ne sera pas atteint. A l’heure actuelle, au sein de l’UE, l’Italie et la Suède sont les seuls pays à avoir d’ores et déjà achevé cette installation sur l’ensemble de leur territoire.

Pour le reste, de nombreux Etats membres – et non des moindres – adoptent une attitude prudente à l’égard des compteurs intelligents. C’est notamment le cas de l’Allemagne – premier consommateur d’électricité de l’UE – qui a décidé d’un déploiement partiel, suite à une analyse peu probante quant au ratio coût/avantages. Sur la base de la même analyse, d’autres pays de l’UE ont carrément rejeté l’implémentation de ces compteurs. Parmi eux, le Portugal, la République Tchèque et…  la Belgique.

Or la nouvelle majorité wallonne vient de valider ce déploiement. Pourquoi un tel revirement?

Vite mais pas trop

A en croire Jean-Luc Crucke, ministre wallon du Budget, des Finances, de l'Energie et du Climat, les analyses se sont affinées depuis 2009 quant à l’efficacité des compteurs intelligents de même qu’en ce qui concerne les dispositions relatives à leur mise en place.

En l’occurrence, la Wallonie a décidé d’étendre le délai relatif à l’implémentation de ces compteurs. La CWaPE (Commission wallonne pour l'Energie), qui a été chargée de réaliser l’évaluation économique à long terme de l’ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, serait ainsi parvenu à la conclusion que les retombées pourraient être maximalisées avec une durée de déploiement plus longue.

Donc, même si le taux de 80% fixé par la Commission n’est pas remis en cause, la date de déploiement a donc été fixée au 31 décembre 2034 (le remplacement des compteurs à budget devra, quant à lui, être achevé au 31 décembre 2023).

Une bonne affaire, vraiment?

Si la Wallonie ne fait que suivre une injonction de la Commission européenne, il n’empêche que la généralisation des compteurs intelligents fait débat un peu partout en Europe et ce, pour plusieurs raisons. La première est d’ordre strictement économique: est-ce vraiment une bonne affaire? Une étude commandée par le Vreg (Vlaamse regulator van de elektriciteits-en gasmarkt) concluait prudemment que, sur une période de 20 ans, la rentabilité des compteurs intelligents ne pouvait être établie. C’est d’ailleurs le caractère économiquement déficitaire d’une généralisation du compteur intelligent qui a conduit l’Allemagne à ne déployer cette technologie que partiellement et uniquement auprès des gros consommateurs et des producteurs (via des panneaux photovoltaïques).

De nombreuses questions en suspens

Mais d’autres questions sont également soulevées par les analystes. Notamment celle qui porte sur le caractère intrusif de ce type de compteurs: y a-t-il atteinte potentielle à la protection de la vie privée, sachant que le suivi en temps réel de la consommation d’une habitation est rendu possible? Aux Etats Unis, les actions de protestation se sont multipliées ces dernières années, toutes mettant en garde contre le fait que les compteurs «intelligents» révèlent des informations sur les consommations et les activités à l’intérieur des foyers.

Autre interrogation: le risque de piratage des données et de divulgation des périodes d’absence régulières ou prolongées vers des cambrioleurs potentiels.

Nécessité d’un cadre légal

Bref, au regard de ces différentes considérations, il est urgent de mettre en place un cadre légal d’utilisation des compteurs intelligents et de leur déploiement. Le Gouvernement wallon essaye donc de rassurer tout le monde. A l’en croire, tous ces points feront l’objet d’une attention particulière: coûts maîtrisés, communication accessible et compréhensible par tous les utilisateurs, sécurisation des données et protection de la vie privée, qualité des équipements et des services, mise à disposition des données de comptage sans frais supplémentaires,...), etc.

Et combien ça va coûter ?

La question du coût est évidemment au centre des débats, dès lors que pour les gestionnaires de réseaux, l’investissement relatif au déploiement des compteurs «intelligents» sera inévitablement élevé en raison de la mise en place d’infrastructures communes (informatique, télécommunication,…). Le ministre s’est donc engagé à ce que le coût répercuté aux consommateurs soit réduit à sa plus simple expression. Ménages comme entreprises ne demandent qu’à le croire.

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