Transformer une vision architecturale complexe en réalité
A première vue, le nouveau Musée national du Qatar apparaît déstructuré, voire déchiqueté. Normal dans la mesure où sa structure s’inspire des formations cristallines d’une rose des sables.
Sa construction a nécessité une solide expertise technique, fournie par le bureau d’ingénieurs Werner Sobek de Stuttgart qui a déjà à son actif de nombreux autres projets complexes de grande envergure en Asie, en Europe et au Moyen-Orient. De quoi attirer l’attention de l’entrepreneur général coréen en charge du projet qatari. Le bâtiment, signé par l’architecte français Jean Nouvel, est pour le moins impressionnant. Il a été inauguré à la fin du mois de mars et s’est immédiatement posé en icône architecturale de l’émirat.
539 disques
Ce vaste complexe muséal s’étend sur environ 350 m entre le front de mer et le centre de Doha et atteint une hauteur allant jusqu’à 40 m. Sa construction a soulevé d’énormes défis techniques. Le bâtiment est par exemple composé de 539 disques incurvés, d’un diamètre allant jusqu’à 87 m, avec des intersections, des éléments en porte-à-faux, le tout évoquant une rose des sables. La peau du bâtiment a été réalisée en béton fibré à hautes performances, d’une couleur beige sable qui est la même à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment.
Afin de prolonger l’effet visuel inédit du musée, la géométrie complexe de son enveloppe extérieure se poursuit à l’intérieur. «La muséographie qui est née de cette histoire et de ces considérations est une expérience à la fois architecturale, spatiale et sensorielle. A l’intérieur, on trouve des espaces qui n’existent nulle part ailleurs puisque tous ces disques s’entrecroisent, constituant le bâtiment, dedans comme dehors. Le résultat est une construction faite d’espaces géométriques», explique Jean Nouvel. «Lorsque vous traversez les différents volumes, vous ne savez jamais à quoi ressemblera l’architecture de l’espace suivant. C’est une volonté de créer des contrastes, des surprises. Vous pouvez ainsi passer d’une salle assez haute barrée par un disque en biais, à une autre avec une intersection beaucoup plus basse. Cela crée quelque chose de dynamique, une tension.»
539 disques incurvés avec des intersections, des éléments en porte-à-faux, tout ce qui évoque la rose des sables. (© Ateliers Jean Nouvel)
Tenir le soleil à distance
Il s’agissait également de créer un bâtiment préservé au maximum du soleil et donc, très efficient sur le plan énergétique. Dès lors, les disques qui constituent la structure sont lourds et forment comme un matelas protecteur contre le soleil. Lorsque ce dernier éclaire le bâtiment par l’est ou par l’ouest, les disques créent de longues ombres protectrices. Dans la même optique, le musée ne compte pas beaucoup d’ouvertures tandis que les rares fenêtres ont été ménagées dans des retraits et ne sont jamais touchées par le soleil. La climatisation des espaces intérieurs est donc plus économique.
La peau du bâtiment a été réalisée en béton fibré à hautes performances, d’une couleur beige sable. (© Werner Sobek GmbH)
Une application innovante du BIM
Un élément clé du processus de planification a largement fait appel à un vaste modèle BIM dans lequel tous les acteurs
impliqués ont continuellement introduit leurs données. «Le modèle nous a permis de maîtriser la haute complexité géométrique du projet», explique Thomas Winterstetter, directeur de projet et président de Werner Sobek Stuttgart.
Ce vaste recours au BIM a d’ailleurs valu au bureau d’ingénieurs allemand de remporter un BIM Award en 2016 pour l’utilisation innovante de cette technologie pour la construction du nouveau musée qatari. L’ampleur du projet ainsi qu’une extrême précision des détais ont en effet généré un des plus grands modèles BIM du monde dans son genre. Le projet a d’ailleurs exigé une nouvelle approche de la planification et de la coordination. A tel point qu’une société spécialisée a été engagée uniquement pour la coordination des processus BIM entre toutes les parties.
Une expérience à la fois architecturale, spatiale et sensorielle. (© Ateliers Jean Nouvel)