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Construction

Réutiliser pour construire plutôt que démolir et reconstruire

La Confédération construction plaide depuis plusieurs années pour réduire la TVA de 21 à 6% dans le cas des travaux de démolition/reconstruction afin de rendre le parc immobilier belge plus durable. Mais d’autres voix s’élèvent pour faire remarquer qu’en procédant de la sorte on risque d’empirer l’impact environnemental global de l’industrie belge de la construction. C’est notamment le cas de Rotor, un bureau d’expertise en matière d’économie circulaire fondé en 2005.

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Wang Shu
En Belgique, la quantité de déchets de construction et démolition produite annuellement est passée de 11 millions de tonnes à presque 20 millions de tonnes entre  2004 et 2016 - soit une croissance de près de 200% en 12 ans! Le fait qu’une bonne partie de ces déchets soient «recyclés» ne change pas grand-chose à la donne. En pratique, le recyclage couvre des opérations de broyage et de concassage de la matière pour transformer celle-ci en une fraction qui ne peut être mise en oeuvre que pour des applications peu exigeantes (sous-fondations de route, etc.). Dans l’industrie du bâtiment, le recyclage implique le plus souvent une perte significative de fonctionnalité et de valeur. Et si l’amélioration des pratiques de tri et de recyclage peut et doit être poursuivie, elle ne résoudra pas tout. «La seule façon pour diminuer l’impact des matériaux neufs est de réutiliser les matériaux qui existent déjà. Il s’agit dans ce cas d’un réemploi de matériaux et de produits de construction. Celui-ci n’est souvent faisable que lorsque les éléments ont été soigneusement démantelés par des équipes expertes avant même que les travaux de démolition ne démarrent», explique Rotor dans son ouvrage «Déconstruction et réemploi: comment faire circuler les éléments de construction». Or à l’heure actuelle, seul 1% des matériaux mis en œuvre dans la construction sont de réemploi. 

Ne pas confondre réemploi et recyclage 

Le recyclage des déchets issus d'une démolition implique nécessairement de profondes transformations et une perte de valeur d'usage. «Prenons l'exemple d'une poutre en acier sur un chantier de démolition. Si elle suit la filière du recyclage, elle sera évacuée avec le reste de la ferraille. La poutre sera ensuite fondue dans des fours à 1.600°C pour en refaire de l'acier; une opération très énergivore. Dans le cas du réemploi, la poutre en acier sera démontée et conservée intacte. Par la suite elle pourra être remise en oeuvre telle quelle, après avoir éventuellement été nettoyée et vérifiée», explique Adeline Van Hoof, membre du conseil d'administration de Rotor, dans un article très fouillé consacré au réemploi. 
Du bois sera transformé en aggloméré ou en copeaux, un rebord de fenêtre en pierre sera réduit en graviers et une barrière en fer forgé sera broyée, laminée, lavée, fondue et purifiée avant d'être transformée en matière première. A l'inverse, le réemploi permet d'éviter que ces matériaux ne deviennent des déchets et tend à conserver l'ensemble des qualités techniques et esthétiques qui les caractérisent. Il est donc possible de construire tout un immeuble avec des briques, des tuiles, des châssis, de l'isolant, du plancher ou du carrelage de réemploi.

La Belgique championne du monde du recyclage… Et après?

A l'heure actuelle 95% des déchets de démolition sont recyclés en Belgique. On peut bien sûr s'en féliciter, mais si le recyclage permet de limiter la quantité de déchets incinérés ou mis en décharge et de diminuer l'exploitation des ressources naturelles, il a un coût énergétique non négligeable et surtout il ne permet pas de faire l'économie de matériaux neufs.
«Or une autre réalité se cache derrière les produits neufs: leur fabrication engendre une montagne de pollution et de déchets. Par tonne de ciment produite, l'équivalent de 900 kg de CO2 est rejeté dans l'atmosphère. On estime qu'environ 70% de la facture environnementale liée à la construction d'un bâtiment neuf moyen est à imputer à la fabrication des matériaux utilisés. Dans le contexte actuel de crise écologique, le réemploi offre l'avantage d'épargner l'énergie nécessaire à la fabrication de produits neufs et de réduire significativement la quantité de déchets mis au rebut. De facto son impact en termes d'émission de gaz à effet de serre est moindre que le recyclage.»
 

En Belgique, la quantité de déchets de construction et démolition produite annuellement est passée de 11 millions à 20 millions de tonnes entre  2004 et 2016! (© be circular be.brussels)
En 2008 l'Union Européenne a intégré cette donnée essentielle dans une directive qui hiérarchise les modes de traitement des déchets. Elle reprend l'échelle de Lansink qui préconise dans l'ordre: la prévention, le réemploi, le recyclage, l'incinération et la mise en décharge. Cette directive donne clairement la priorité aux modes de traitement les plus respectueux de l'environnement et encourage le réemploi.

Avec l’économie circulaire tout déchet peut devenir une ressource

Privilégier le réemploi nécessite de repenser dans sa globalité un système économique basé sur la production de biens destinés à être jetés quand ils ne sont plus utilisés. Parmi les idées qui ont émergé de cette nécessité, il en est une qui a réussi à s'imposer : l'idée d'une économie circulaire dans laquelle tout déchet peut être transformé en ressource. 
Largement mise en avant lors des récentes déclarations gouvernementales tant en Wallonie qu'en Flandre ou à Bruxelles, l'économie circulaire propose d'optimiser les ressources utilisées sans pour autant remettre en cause le système productiviste. S'il se développe, il permettrait de renforcer l'efficacité des entreprises, de créer de l'emploi et d'apporter une solution à la crise environnementale. 
Rien qu’en Belgique, plus de 120 entreprises se sont spécialisées dans la récupération, la remise en état et la revente de matériaux et de produits de construction de réemploi. Si on y ajoute les Pays-Bas, la France et le Royaume-Uni, ce sont près de 1.500 PME qui travaillent dans ce domaine. Or ce secteur reste largement méconnu des professionnels de la construction alors qu’il permettrait d’atteindre rapidement des ambitions importantes en matière de circularité des ressources. C’est pourquoi  Rotor a créé Opalis, un guide online qui répertorie les revendeurs et les prestataires de services pour faire le lien entre les revendeurs de matériaux et les professionnels du bâtiment et rendre compte de ce qui existe en matière de réemploi. Dans cette optique, on y trouve également des projets architecturaux inspirants ainsi que de la documentation sur les matériaux de récupération les plus courants.
 
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