Namur place haut la barre de la multimodalité
La transition modale figure dans les priorités de tous les agendas politiques, à l’échelle nationale comme locale. Les autorités wallonnes et namuroises avaient déjà vu juste en 2014 en présentant leurs projets destinés à améliorer le confort du trafic de bus et de trains dans la capitale wallonne. Ces idées se sont finalement traduites par une fusion remarquable entre gare de trains et gare de bus. Un concept qui élève la multimodalité à un niveau supérieur, au propre comme au figuré.
Petit rappel historique. Au début du siècle, Namur s’est vue confrontée à une gare routière exposée aux courants d’air et peu confortable, et d’autre part à un bâtiment de gare vétuste et doté d’une annexe qui n’a jamais reçu de véritable façade. En 2014, le gouvernement wallon, la SNCB et le TEC ont donné leur feu vert pour remédier à la situation. À la demande des maîtres d’ouvrage, Eurogare et Ney & Partners ont élaboré un projet qui consistait à soulever la gare des bus sur le toit du bâtiment de la gare des trains de manière à faciliter mais aussi sécuriser les échanges entre bus et trains. Ce n’est pas rien quand on sait que la compagnie de transports publics TEC accueille quelque 33.000 voyageurs par journée scolaire dans le quartier de la gare de Namur.
Afin d’accueillir ce groupe de manière confortable et flexible, la nouvelle gare des bus a été dotée d’un grand et agréable quai central et de deux quais satellites pour en augmenter la capacité aux heures de pointe. L’auvent central de 5.000 m² est entouré d’une façade rideau surmontée de sections de façade fermées en tôle d’acier ondulée fabriquée sur mesure. La toiture est un dôme photovoltaïque, qui n’est autre qu’un toit en verre intégrant des cellules solaires, solution plus esthétique que des panneaux solaires classiques. Les cellules solaires fournissent d’ailleurs suffisamment d’énergie pour couvrir la consommation électrique de la gare routière.
L’accès des bus à la nouvelle gare routière est une autre particularité de ce projet. Il s’agit d’une rampe d’accès aménagée à côté du parking Léopold existant. Un pont à haubans hisse la rampe par-dessus le Boulevard de Chiny jusqu’au toit de la gare. La rampe repose sur 200 colonnes en béton architectonique blanc, permettant à cette structure de servir en même temps de pseudo-façade pour le bâtiment ouvert du parking. La structure forme un socle à l’échelle du bâtiment de 200 m de long. La forme et le positionnement du mât du pont haubanné lui confèrent une autonomie formelle : celle d’une sculpture qui tient simultanément lieu d’emblème pour le quartier de la gare.
Outre la réalisation de la gare pour autobus et de la rampe d’accès, la structure de la gare existante a été renforcée, le travel center modifié, le bâtiment historique de la gare rénové et la place Albert transformée en une attrayante place publique verdurisée.
Sueurs au sous-sol
C’est en 2016 que la société temporaire Franki – Duchene s’est lancé le défi de réaliser ce remarquable projet architectonique. Au bout de 6 ans et 4 mois de travaux, les bus ont pu accéder à leur nouvelle gare pour la première fois au printemps 2023. Aujourd’hui, les travaux sont entièrement achevés. « Au départ, nous avions envisagé un délai d’exécution de plus de 3 ans », précise Pierre Grisard, chef de projet au nom de TM, « mais plusieurs circonstances imprévues nous ont mis des bâtons dans les roues. Il y a eu des obstacles techniques, la pandémie de Covid et les inondations de 2021. Le premier obstacle technique fut la présence de zones karstiques dans le sous-sol. Pour assurer la stabilité du pont, nous avons dû étendre considérablement les fondations. Les pieux sont passés de 18 à 26 m. Pour maîtriser les risques d’affaissement, nous avons ensuite foré jusqu’à 36 m de profondeur. Lors du forage des pieux de fondation, nous avons dû par ailleurs tenir compte des structures souterraines. » La construction de la rampe d’accès incurvée dans une structure mixte acier-béton n’était pas banale non plus, de même que la conception singulière du mât du pont haubanné. « Nous avons entièrement coulé sur place le tablier de la rampe d’accès. Un travail qui exigeait une approche réfléchie et un choix de coffrage judicieux. Nous avons utilisé un système permettant de couler le béton en pente, facile à déplacer et offrant une base suffisamment solide pour y travailler en toute sécurité. Ajoutons qu’il fallait continuer à garantir le libre passage des corps de métier sous le coffrage. »
Cure de rajeunissement pour la gare historique
Il convenait également d’effectuer les travaux en plusieurs phases afin de ne pas perturber le trafic ferroviaire et routier. « Pour le renforcement de la gare des trains existante et la construction de certains pans de la façade rideau, cela revenait à ne pouvoir travailler que durant les mises hors service de certaines lignes ferroviaires. Ces opérations devaient être préparées à temps, minutieusement et longtemps à l’avance avec la SNCB », confie Pierre Grisard.
La SNCB a également profité des travaux pour faire rénover l’intérieur de l’édifice historique de la gare. « Concrètement, nous avons rénové les faux-plafonds et les dalles, mais aussi construit un nouveau poste de police. Nous avons également remis en service l’aile Chiny – aile droite de la gare ferroviaire. Nous y avons créé une liaison verticale attractive entre le Travel Center de la SNCB et la gare des autobus. Ce lien supplémentaire nous permet d’éviter de surcharger l’accès existant », conclut Pierre Grisard.
La gare multimodale sous la loupe
Architecte : Eurogare
Études de stabilité et techniques spéciales : Ney & Partners
Entrepreneur principal : TM Franki – Duchene
Quelques chiffres intéressants
Surface hors sol : 11.145 m²
24 arrêts de bus, dont 8 pour bus articulés
Surface de l’auvent central : 5.000 m²
Façade rideau autour de la gare des trains : 4.000 m²
Longueur du mât du pont : 41 m
24 haubans (40 tonnes d’acier)
Portée du pont haubanné : 80 m
Longueur de la rampe d’accès : 190 m