Le nouvel hôpital de Charleroi, un chantier titanesque

En 2012, le Grand Hôpital de Charleroi (GHdC) a décidé de centraliser son activité sur un seul site. Il a acheté les anciens charbonnages des Viviers, d’une superficie de quelque 17 ha, afin d’y rassembler ses cinq sites. Situé à proximité de la R30 et de la RN90, ce vaste terrain offre des possibilités d’accès idéales et une excellente occasion d’adapter l’architecture paysagère aux espaces environnants. L’équipe de conception de VK Architects & Engineering et Réservoir A s’est écartée de la logique hospitalière classique pour dessiner un hôpital regroupé selon une logique de processus. Le résultat se traduit par cinq entités principales : le « hotfloor » comprenant notamment le bloc opératoire, le service des urgences, les soins intensifs, …, le « motel » regroupant les unités de soins en court séjour, l’ « hôtel » destiné aux séjours de longue durée et les services administratifs, l’ « usine » qui réunit tous les services techniques et logistiques et la « polyclinique » accueillant les consultations. En abritant les fonctions dans des bâtiments séparés, le Grand Hôpital n’affichera pas le caractère monolithique de nombreux grands hôpitaux, mais retrouvera une taille humaine. Cette vision architecturale se traduit par un concept réunissant trois bâtiments et un parking souterrain dans un style contemporain dominé par le béton, l’acier et le verre. L’association momentanée entre Jan De Nul et Franki a relevé le pari d’ériger ce nouveau complexe hospitalier dans un délai de 5 ans.

Pieux performants

Le pari : ériger quatre mastodontes sur les vestiges d’activités minières. Sans compter que ces bâtiments – même sur une superficie de 17 ha – devaient être malgré tout assez proches les uns des autres et que le maître d’ouvrage avait imposé des délais partiels pour les différents bâtiments. Benoit Decroty, chef de projet pour le gros-œuvre fermé et les voiries chez Jan De Nul, se souvient très bien de ce défi : « Les trois bâtiments et le parking représentent ensemble quelque 220.000 m² de dalles de sol coulées, ce qui exigeait une activité importante sur une surface particulièrement réduite. Pour vous donner une idée : l’espace entre le parking et les deux bâtiments hospitaliers adjacents mesurait 5 m avec un dénivelé de 12 m lors de l’exécution. Pour travailler simultanément sur le parking et les deux bâtiments, nous avons même dû installer un mur de pieux sécants long de 300 m. Les deux bâtiments centraux (hotfloor et motel) ne sont séparés que par une route de 14 m de large, tandis qu’une autre de 21 m de large sépare ces bâtiments de l’hôtel. »

Les différents bâtiments reposent sur des pieux de fondation. La mauvaise qualité du sol des terrils nécessitait différentes solutions de fondation adaptées. C’est ainsi que près de 2.600 pieux vibrants verticaux en acier ont été installés. Ces piliers formés dans le sol ont un diamètre de 41/46 cm et atteignent jusqu’à 21 m de profondeur selon la zone. L’hôtel a été partiellement construit sur un ancien bassin à schlamms. Dans cette zone, le sol rocheux se situe à une profondeur de 28 à 34 m. Pour assurer aux bâtiments une base stable, le choix s’est porté sur l’installation de 187 pieux Kelly, dont le diamètre varie de 88 cm à 1,3 m. Vu la forme en entonnoir du bassin, les pieux présentent une longueur variant jusqu’à 42 m. Enfin, 33 puits de fondation ont également été construits sur d’anciens puits de mine.

Ballet de grues à tour

« La réalisation des pieux de fondation a été décisive pour le début des travaux de construction. Ils devaient être fabriqués tant au niveau -1 qu’au niveau du sol. Dès l’achèvement des pieux du niveau -1, nous avons entamé les travaux de construction pendant que les travaux de fondation se poursuivaient au niveau du sol. Cette méthode nécessitait également une organisation et une planification minutieuses des flux de circulation pour l’approvisionnement en matériaux de construction. Nous avons déployé 15 grues à tour pendant les travaux de construction, dont 13 fonctionnaient en même temps. Afin d’optimiser l’efficacité de ces grues, nous avons construit la structure du parking avec deux grues à tour sur rails dans le volume de construction. Nous avons construit ce bâtiment par étapes, les grues se déplaçant à mesure que les travaux progressaient. L'approvisionnement en matériaux de construction s’opérait à l’extrémité du bâtiment. Arrivées au bout du parking, les grues sont restées statiques. Après avoir démonté les deux grues, nous avons pu terminer et étanchéifier complètement le parking », explique Benoit Decroty.

Chacun des deux bâtiments centraux a été construit avec quatre grues à tour positionnées dans les patios ou le long des façades. Le bâtiment de l'hôtel, plus long, a également nécessité l'utilisation de 4 grues à tour. Celles-ci ont été placées à l'arrière du bâtiment afin de ne pas gêner le travail des autres grues et de séparer les flux logistiques.

Pour faciliter l’acheminement des différentes livraisons vers les grues à tour appropriées, chaque grue à tour a été numérotée. « Chaque livraison a été sollicitée par la grue à tour concernée. Le gardien posté à l'entrée du chantier indiquait aux chauffeurs quel camion pouvait se diriger vers telle grue à tour et à quel moment. Pour garantir un accès fluide aux grues, nous avons créé un parking dédié aux différents véhicules de service, leur évitant ainsi de gêner le passage en se garant le long des différents circuits du chantier", poursuit Benoit Decroty.

Coordination complexe

Les différents bâtiments combinent béton coulé sur place et éléments préfabriqués. « Les structures souterraines ont été entièrement coulées sur place. L'un des bâtiments a également été coulé sur place à 90 %, les autres bâtiments sont préfabriqués aux deux tiers. Ce sont ainsi quelque 100.000 m³ de béton prêt à l’emploi que nous avons utilisés dans les différentes structures, à raison d’environ 2.500 m³ de béton frais coulés chaque semaine. Pour orchestrer correctement les opérations, chaque bâtiment devait programmer le jour de semaine qu’il dédierait au pompage du béton. Objectif : maîtriser le flux des bétonnières sur le site et la charge des centrales à béton de la région », précise Benoit Decroty.

Sur ce chantier vaste et complexe, les défis dépassaient le stade de la logistique et du bétonnage. Benoit Decroty se souvient de la mise en œuvre des mesures sanitaires dans le cadre du Covid, ou encore de la gestion des fournitures et des sous-traitants. « Pour respecter les différents délais partiels, il était essentiel que tout le monde soit dans les temps pour l'élaboration des plans d'exécution, la livraison des fiches techniques, l'obtention des autorisations et, bien entendu, les travaux proprement dits. Pour veiller au grain, nous organisions chaque jour des concertations entre les différentes parties ainsi que des réunions de coordination hebdomadaires. Tout ce processus a commencé par le suivi des concepteurs destiné à s'assurer qu'ils livreraient les plans de conception à temps. Il est donc évident qu'une bonne coordination s’imposait. Heureusement, j'étais entouré d’une équipe de 20 personnes, soudée, motivée et compétente en la matière », conclut Benoit Decroty.