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Construction & finition

paywall Toitures et façades vertes : ça pousse !

Parallèlement aux préoccupations climatiques, la végétation en milieu urbain jouit d’une attention croissante. L’utilisation efficace de l’espace et la gestion intelligente du climat et de l’eau dans la construction se traduisent par une végétalisation de plus en plus présente sur les toitures et les façades. Pourtant, la fonctionnalité et la nécessité de ces solutions ne sont pas encore suffisamment reconnues, estiment Lynn Demonie de NATUROOF, Bruno Verschaeve de l’asbl Groene Gevels et Teun Depreeuw de Muurtuin, tous trois heureux de tailler une discussion sur le sujet.

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NATUROOF, Groene Gevels, Muurtuin

La ville du futur sera une ville verte. L’appel à maintenir l’environnement urbain – en expansion constante – vivable, est puissant. L’impact bénéfique de la végétation sur les humains et sur l’environnement est désormais connu, déclare Bruno Verschaeve à l’entame du débat. « La proximité de la verdure dans les villes et le centre des villages exerce un effet positif sur la santé mentale des riverains, invite aux contacts sociaux, améliore la qualité de l’air, absorbe les bruits ambiants, assure une isolation thermique et contribue à la biodiversité », résume le propriétaire de l’asbl Groene Gevels. Or, les parcs classiques et les avenues arborées n’offrent plus de poumons suffisants à nos villes. « Les toitures et façades végétalisées constituent la solution par excellence pour mettre plus de vert dans la ville », affirme Bruno Verschaeve. « Malheureusement, leur potentiel est encore sous-exploité. »

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NATUROOF, Groene Gevels, Muurtuin

Les bénéfices d’une façade verte

Rien que sur le plan de la qualité de l’air, l’impact positif est pourtant triple. « Les plantes absorbent le CO2 et rejettent de l’oxygène », explique Bruno Verschaeve. « Elles piègent en outre nos aérosols, ces gaz et particules de poussière qui sont rejetés dans l’atmosphère par notre activité humaine et nuisent à notre santé. Une façade verte bien fournie a autant d’impact sur l’environnement qu’un arbre adulte. »

Les aérosols endommagent également les bâtiments au fil du temps. Les façades végétalisées protègent ces derniers contre cette agression, mais aussi contre l’érosion causée par les pluies battantes, la grêle, le gel et les rayons UV. Les façades vertes exercent en outre un effet non négligeable sur le stress thermique et les îlots de chaleur en ville, problème émergeant du réchauffement climatique, poursuit Bruno Verschaeve. « Les façades végétalisées prémunissent le bâtiment contre la lumière directe du soleil. Les briques se réchauffent par conséquent moins vite et restent plus fraîches que les façades non végétalisées. De plus, les plantes évaporent de grandes quantités d’eau, ce qui fournit non seulement de l’humidité dans l’air mais aussi de la fraîcheur. En hiver, les façades vertes retiennent en revanche mieux la chaleur. » Les façades végétalisées offrent donc une meilleure isolation thermique en toute saison. « Le gain se situe entre 10 et 40 % selon l’isolation déjà en place. »

Teun Depreeuw, entrepreneur écologique chez Muurtuin, aime faire parler les chiffres. Sa devise : « le vert est mesurable ». « Nous utilisons des chiffres clairs pour illustrer les avantages des toitures et façades vertes. Ils nous permettent de démontrer aux architectes, entrepreneurs et particuliers qu’ils ont une alternative durable et éprouvée à portée de main. » Teun Depreeuw s’appuie sur diverses études pour démontrer l’effet tampon des façades vertes. « En été, un jardin mural est capable de faire baisser la température de la façade de 10 à 20 degrés, ce qui permet au climatiseur de fonctionner jusqu’à un tiers de moins à l’intérieur. Selon les études, une façade verte orientée sud permet de réaliser entre 6 et 11 % d’économies d’énergie. »

Teun Depreeuw a lui-même conçu le Total Value Wall, dont il a testé l’efficacité dans le cadre de ses propres projets pilotes en collaboration avec des partenaires tels que l’Université de technologie de Delft et l’UGent. « Total Value Wall est à la fois un mur végétalisé et une enveloppe de bâtiment à part entière ; il est conçu pour collecter les eaux grises – eaux usées des éviers, douches et machines à laver – en vue de leur réutilisation. La grande innovation du système réside dans sa capacité à purifier également les eaux grises. » Kamp C, le centre provincial anversois pour le développement durable et l’innovation, s’est d’ores et déjà équipé d’un Total Value Wall vertical de près de 60 m². « Ce mur est automatiquement irrigué par les eaux usées. Le jardin mural purifie les eaux grises, qui sont ensuite réutilisées pour les toilettes, ce qui représente une économie de 30 % sur l’eau du robinet. »

Au-delà des jardins verticaux, les façades végétalisées reliées au sol sont également en plein essor, pointe Bruno Verschaeve pour évoquer une autre option. « Les jardins verticaux prennent généralement racine dans des sacs, des panneaux ou des conteneurs muraux et sont arrosés par des systèmes d’irrigation. Les plantes grimpantes qui poussent en pleine terre, par contre, n’ont pas besoin de supplément d’eau. » Il existe deux types de façades vertes reliées au sol, clarifie Bruno Verschaeve. « Les jardins muraux garnis de plantes grimpantes auto-adhérentes, comme le lierre et la vigne vierge, et les façades recourant à des supports pour aider les plantes à grimper. Ce dernier type constitue notre spécialité. Nous n’utilisons ni techniques d’irrigation ni structures complexes. Les plantes grimpantes non adhérentes ne poussent que sur le support et ne proliféreront pas en dehors de cette installation. L’utilisation de matériaux innovants comme le HDPE nous permet de végétaliser de grandes surfaces rapidement et à moindre coût, avec un minimum d’entretien. »

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NATUROOF, Groene Gevels, Muurtuin

Les toitures vertes, hautement recommandées

Plusieurs options se présentent également en matière de toitures végétalisées. « Les toitures vertes extensives sont des toits qui nécessitent peu d’entretien et présentent un poids réduit, que l’on recouvre de sédums », explique Lynn Demonie de NATUROOF. « Ce type de toiture végétalisée est parfaitement compatible avec des panneaux solaires. Le type semi-intensif, ou toiture de biodiversité, possède une structure plus lourde, mais autorise un choix de plantes plus large. Il permet de combiner des herbes folles, des aromates et des fleurs, voire des plantes vivaces. Les véritables toitures naturelles ou toits végétaux intensifs ont énormément gagné en popularité ces dernières années. Les ‘toits multifonctionnels’, qui exploitent les possibilités créatives et sociales des toitures, se répandent également. »

La plus grande avancée concerne toutefois les toitures à rétention, également appelées toitures vertes et bleues, précise Lynn Demonie. « Elles ont été spécialement conçues pour servir de tampon aux eaux de pluie et retarder leur évacuation vers les égouts. L’eau de pluie collectée peut aussi être récupérée pour irriguer une façade verte ou un jardin d’agrément. C’est une sorte de nappe phréatique que l’on crée sur son toit. » Une toiture à rétention peut facilement retenir jusqu’à 161 litres d’eau par mètre carré, pour autant que le toit soit entièrement plat et pourvu d’une étanchéité appropriée, souligne Lynn Demonie en se référant aux directives de Buildwise. « Une toiture à rétention coûte au départ environ 10 % de plus qu’une structure de toit-jardin traditionnelle, mais les coûts d’exploitation sont inférieurs puisqu’elle ne nécessite pas de système ni de contrôle d’irrigation intensif, par exemple. »

« L’étape suivante consiste à recourir au drainage intelligent des eaux de pluie grâce au système Smart Flow Control », poursuit Lynn Demonie. « Ce système consiste à contrôler activement l’évacuation de l’eau de pluie en fonction des prévisions météorologiques. Lorsqu’on prévoit des quantités de précipitations supérieures à celles que peut absorber la couche de rétention, le volume exact de pluie prévu sera évacué vers un réservoir, un oued, un étang ou un égout. La capacité de stockage et la gestion de l’eau sur le toit restent donc constantes. »

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NATUROOF, Groene Gevels, Muurtuin

Un sérieux processus en amont

Les deux principales objections des maîtres d’ouvrage à l’installation d’une toiture végétalisée sont la crainte de l’entretien et la peur de voir surgir des problèmes de toiture après l’installation. « La probabilité que nous soyons rappelés sur une toiture verte après son aménagement est d’à peine 1 % », rétorque fermement NATUROOF. « Les fuites sont quasiment toujours dues à des dommages causés par le piétinement lors de la phase de construction et surviennent généralement sur les toitures qui n’ont pas fait l’objet d’un test d’étanchéité avant la mise en œuvre. » L’entretien fait tout simplement partie intégrante de la végétalisation d’un bâtiment, à l’intérieur comme à l’extérieur, indique Lynn Demonie. « L’entretien d’une toiture verte reste toutefois limité pour peu qu’il soit bien maîtrisé. La plupart des problèmes surviennent lorsque la toiture verte n’est pas entretenue du tout. »

Les inepties selon lesquelles les espaces verts ne nécessiteraient pas d’entretien ne rendent pas service aux installateurs vertueux de toitures et façades végétalisées, enchaîne Teun Depreeuw. « Les façades et toitures végétalisées relèvent d’une spécialité qui exige des connaissances et des soins spécifiques. Le coût qu’elles entraînent doit être pris en compte dès le début du processus de construction. Intégrez la solution verte dans votre réflexion sur le chauffage, la ventilation et la climatisation, et vous obtiendrez une approche intégrée, qui vous vaudra au final un retour sur investissement beaucoup plus important », assure Teun Depreeuw. « Rien que la valeur immobilière d’un bâtiment équipé d’un jardin mural ou d’une toiture verte augmente de 10 %. »

En termes de coûts et bénéfices, il y a quelques points à éclaircir au préalable, considère Bruno Verschaeve. « Les différences d’investissement et de rendement entre une toiture verte extensive et intensive, un jardin mural vertical et une façade verte au sol sont considérables. Il est impératif de réunir l’expertise nécessaire en temps opportun. » Tout le monde s’accorde à dire qu’une bonne concertation au bon moment entre spécialistes du végétal, architectes et partenaires de projets est essentielle. « Il arrive qu’un maître d’ouvrage nous aborde avec un plan de plantation entièrement ficelé, alors que le projet n’a prévu qu’un poids suffisant pour une toiture verte extensive », regrette Lynn Demonie. « La réussite d’un projet est conditionnée par un solide dossier préliminaire dans lequel les attentes correspondent aux possibilités. »

Le consensus ? Les toitures ou façades végétalisées ne sont pas un simple ‘plus’ esthétique que l’on peut facilement éliminer en cas de dépassement imprévu du budget de construction. « Si vous voulez une construction tournée vers l’avenir, vous ne pouvez tout simplement plus concevoir un bâtiment tout en briques. La végétation aura une place nettement plus mature dans le développement urbain de demain », ajoute Toon Depreeuw. Bruno Verschaeve rêve tout haut d’une vague verte, qui se traduirait par une planète et des humains en bonne santé. Et Lynn Demonie de conclure : « Chaque toiture sans fonction est une toiture perdue. Chaque façade grise, une occasion manquée. »

Heleen Driesen

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