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Construction & finition

paywall Atelier Kempe Thill redonne vie aux immeubles Florair

« Ces deux immeubles avaient été conçus avec beaucoup de soin et de cœur dans les années 50. Masquer tout bonnement le travail raffiné des façades en béton sous un enduit aurait été un vrai gâchis. » L’architecte André Kempe a donc profité de cette rénovation énergétique pour recréer la légèreté et les lignes d’origine par la combinaison de nouveaux produits. Ceux-ci habillent une enveloppe chaude qui réduit de quelque 65% les émissions de CO2 de ces immeubles.

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Atelier Kempe Thill/Sto

Situés à Jette, Florair II et Florair III font figure de concepts exemplaires du modernisme des années 50. Ces deux immeubles de 11 étages abritent chacun 181 logements sociaux. Aux appartements s’ajoutent une crèche, une école primaire et une salle de sports.

« La façade n’en nécessitait pas moins une rénovation urgente », raconte André Kempe. « Non seulement parce que les dalles en béton préfabriquées s’effritaient, mais aussi parce que les locataires se ruinaient en payant leurs factures de chauffage. La menuiserie, encore constituée de profilés L et T d’origine en acier, était équipée de simple vitrage. Ces châssis certes très beaux laissaient néanmoins le vent s’engouffrer et s’avéraient catastrophiques sur le plan acoustique. On pouvait entendre toutes les conversations de rue. »

La Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) et la société immobilière de service public Lojega ont lancé un concours européen pour l’isolation et la rénovation de la façade. Atelier Kempe Thill a remporté ce concours en 2015, avec la société liégeoise Canevas dans le rôle de co-architecte, mais les travaux de façade n’ont finalement été livrés que l’an dernier. 

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Atelier Kempe Thill/Sto

« En plus des nombreuses discussions portant sur la sécurité incendie, nous avons été confrontés à la crise du Covid et à celle de l’énergie, qui ont fait exploser les devis et mis sous pression le budget disponible. Il est dès lors très vite apparu qu’il ne serait plus possible de rénover la façade avec des dalles de béton similaires à celles utilisées à l’époque. Posées de manière à former un jeu de lignes qui conférait aux deux bâtiments une belle facture raffinée, elles accentuaient en outre les différences de niveau que l’architecte de l’époque avait créées dans la façade. Le premier étage se situe, comme le dernier, en léger retrait, alors que la partie centrale des bâtiments et les extrémités sont en saillie. Le socle du rez-de-chaussée est agrémenté d’une finition en pierre bleue, et une grande attention a été accordée à l’auvent qui précède l’entrée. Un auvent en béton avait également été conçu à hauteur du toit. Autant de caractéristiques relativement typiques de Bruxelles. »

« Ajoutons que les deux immeubles ne sont pas identiques, preuve une fois de plus qu’ils remontent à une époque où le travail à la chaîne n’était pas encore la norme en architecture, contrairement aux immeubles à appartements des années 60 et 70, qui ont souvent l’air d’être galvaudés par des budgets réduits et l’utilisation de béton au mètre courant. Les immeubles Florair, en revanche, ont été conçus avec beaucoup de soin et de cœur et implantés dans un beau site. Cela m’a beaucoup touché tant je ressentais encore l’enthousiasme des années 50. Il me semblait donc évident de vouloir faire perdurer au maximum toutes ces subtilités jusqu’après la rénovation. »

Ce n’était pas directement l’option la moins coûteuse.

« C’est en effet la pensée qui s’impose spontanément. Conserver la structure nuancée de la façade entraînait d’office un coût supplémentaire, mais l’égalisation des surfaces n’était même pas envisageable dans ce cas-ci. Cette option nous aurait contraints à combler des espaces de 40 cm ou plus à certains endroits, ce qui n’aurait fait qu’augmenter la complexité et le coût du projet. D’autant que les appartements restaient occupés pendant les travaux et que nous ne pouvions donc pas en profiter pour transformer les logements dans la foulée. D’où l’impossibilité de procéder par ailleurs à l’isolation thermique du bâtiment par l’intérieur ; il nous aurait alors fallu surmonter de nombreux ponts thermiques et découper les planchers pour installer l’isolation, ce qui aurait engendré des problèmes d’acoustique et de sécurité incendie. La seule option réaliste consistait à recouvrir l’extérieur des bâtiments d’une enveloppe chaude en laine minérale. L’avantage de la laine minérale est la praticité de son application sur un support irrégulier. De plus, cette solution convenait également aux pompiers. La laine de roche est un bon choix pour éviter qu’un incendie éventuel se propage par la façade. L’incendie d’un immeuble d’habitation à Valence nous a encore montré récemment ce qui pouvait arriver lorsqu’on ne tenait pas compte de cet aspect. »

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Atelier Kempe Thill/Sto

Quels matériaux avez-vous choisis pour la finition de la façade ?

« En règle générale, trois grandes possibilités se présentent. Soit on opte pour l’option coûteuse d’une finition minérale en pierre naturelle ou en béton, ce qui n’était donc pas possible ici en raison des limites budgétaires. La solution la moins chère aurait été l’application de enduit sur l’isolation, mais elle n’était pas envisageable à mon sens car elle aurait gommé toutes les subtilités. »

« C’est pourquoi nous avons opté pour le juste milieu : des tôles ondulées métalliques fixées à la façade. Jusqu’à ce que les ingénieurs en stabilité découvrent que ce n’était pas possible parce que les planchers des étages intermédiaires ne pouvaient pas supporter un poids supplémentaire. D’autant plus que la menuiserie allait être remplacée par de lourdes fenêtres basculantes en aluminium à double vitrage. »

« Nous avons résolu le problème en ajoutant une nouvelle structure de soutien métallique entre les piliers verticaux en béton qui forment la structure portante de l’immeuble tous les six mètres. Cette structure supporte à la fois le bardage et les châssis. Entre les deux, nous avons installé l’isolation. »

Les dalles de béton initiales pouvaient-elles rester en façade ?

« Nous avions envisagé de laisser les éléments qui ne s’étaient pas encore effrités, mais nous avons finalement opté pour le décapage, ne fût-ce que pour réduire la charge globale et créer une marge pour la structure portante et les fondations du bâtiment. Entretemps, des essais destructifs ont néanmoins prouvé que la structure en béton ne présentait aucun autre problème. »

Comment avez-vous fait pour conserver l’effet linéaire souhaité avec des tôles ondulées ?

« Ce n’est pas chouette pour un architecte de se sentir bridé par les limites d’un produit. Je préfère fixer ces limites moi-même ou à tout le moins les exploiter sur le mode créatif. En l’occurrence, les produits devaient servir la linéarité et la variation qui faisaient l’originalité des immeubles existants. Le jeu d’ombre des tôles ondulées crée naturellement une structure linéaire, qui permet également d’effacer les bords des tôles. »

« Pour apporter de la variété, nous avons choisi d’habiller le socle et les piliers en béton de mosaïques de verre haut de gamme signées Sto. C’est un produit avec lequel j’aime beaucoup travailler. Le jeu de lumière crée une profondeur très intéressante dans les surfaces qui en sont recouvertes. C’était une belle consolation après avoir dû se résigner à faire disparaître la belle pierre bleue derrière la couche d’isolation. Les mosaïques de verre mesurent 2,5 cm sur 2,5 cm et laissent ainsi une très grande liberté au concepteur. On dirait vraiment une peau de serpent. J’en suis très satisfait. »

« Enfin, pour les balcons en retrait, nous avons opté pour le enduit blanc décoratif de la même firme, Sto. Les deux produits ont pu être appliqués sur la même plaque de support. Afin de souligner la distinction subtilement réalisée entre les deux bâtiments d’origine, nous avons choisi deux tonalités de brun différentes pour la finition. »

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Atelier Kempe Thill/Sto

Est-il encore rentable de rénover de tels bâtiments pour les adapter aux normes énergétiques actuelles ? Et surtout : les transformations tiendront-elles encore 70 ans ?

« Je n’oserais pas avancer des promesses sur ce dernier point, mais ce que je sais, c’est que le bardage et les mosaïques de verre sont très faciles à entretenir. Lorsque le enduit décoratif montrera des signes d’usure au fil des ans, une couche de peinture fera aussitôt la différence. La réponse à la question de la rentabilité mérite d’être nuancée. Ce type de bâtiments contient une grande quantité d’énergie grise que l’on ne peut pas récupérer si l’on opte pour la démolition. De plus, ces bâtiments forment le contexte d’un tissu social que l’on ne peut pas simplement remplacer par une nouvelle construction. Ce sont des arguments qui risquent d’être négligés dans un calcul purement comptable mais qui plaident en faveur d’une rénovation plutôt qu’une construction neuve. Mais il est certain que les convertir aux normes actuelles en matière d’énergie et de sécurité incendie n’a rien d’un exercice facile. »

Florair en chiffres

  • « Plus de 3.000 m2 de produits Sto ont été utilisés sur les immeubles Florair », explique Alexander Rickert, chef de produit chez Sto. « Il s’agit des systèmes de façades ventilées et prémontées StoVentec M (1.700 m2 de mosaïques de verre) et StoVentec R (1.680 m2 de enduit décoratif), tous deux fixés sur la plaque de support StoVentec Carrier Board S. Cette plaque est composée d’époxy et de granulat de verre constitué à 88% de verre recyclé. Une plaque pèse 6 kg/m², ce qui la rend très facile à manipuler sur un échafaudage. Elle peut même être traitée et coupée sur mesure à l’aide d’un simple cutter. »
  • « Les mosaïques de verre font 4 et 8 mm d’épaisseur et existent en une quarantaine de coloris et une grande variété de formats. L’élément en verre proprement dit est transparent. La couleur appliquée sur la face arrière prend vie grâce à la lumière. »
  • Les émissions combinées de CO2 de Florair II et III sont passées de 1.200 tonnes à 450 tonnes par an, soit une réduction de 65%. Les deux bâtiments peuvent être désormais qualifiés de « logements basse énergie ».
  • L’investissement total réalisé pour cette rénovation s’est élevé à 13.880.836 euros.

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