Pesticides sur la sellette
Régulièrement, des études, des documentaires et autres articles nous rappellent l'impact négatif que peut avoir l'utilisation des pesticides en termes environnementaux et sanitaires. Plusieurs études montrent en effet que certaines molécules ont des effets cancérigènes et neurotoxiques ou sont des perturbateurs endocriniens, qui se révèlent être particulièrement dangereux.
Au cours de ces dernières années, la Wallonie a légiféré en la matière. On peut citer l'interdiction tant pour les gestionnaires que pour les particuliers, depuis septembre 2014, de traiter chimiquement les terrains revêtus non cultivables lorsqu'ils sont reliés à un réseau de collecte des eaux pluviales. Cela concerne les surfaces imperméables et peu perméables comme les voiries et les trottoirs reliés à un filet d'eau, une grille, un avaloir ou un fossé.
A partir du 1er juin 2018, des mesures spécifiques aux groupes vulnérables (enfants, femmes enceintes, malades, personnes âgées, etc.) seront d'application. Des zones tampons non traitées de 10 à 50 mètres autour des zones fréquentées par des groupes vulnérables seront obligatoires. Cela concerne notamment les alentours des écoles, des hôpitaux et des crèches.
A partir de juin 2019, plus aucun produit phytopharmaceutique ne pourra être utilisé dans les espaces publics en Wallonie. Les parcs, bords de route, etc., devront être traités par des techniques alternatives.
Habilitation élargie
Pour l'heure, le ministre Di Antonio (Environnement) planche avec le Gouvernement wallon sur une modification du «Décret Pesticides» de 2013 qui contient certes bon nombre de mesures dans ce domaine, mais, contrairement aux Régions flamande et bruxelloise, il ne contenait aucune disposition permettant à la Wallonie de restreindre ou d'interdire l'utilisation d'un pesticide en dehors des espaces prévus par décret, lorsque les circonstances l'exigent. Le but est donc d'élargir cette habilitation en ne la limitant plus au lieu où le pesticide est utilisé, mais à sa nature, c'est-à-dire au risque qu'il représente.
'Le principe de précaution doit absolument prévaloir, en particulier dans ce domaine.'
Cette mesure vise avant tout les particuliers qui utilisent souvent ces produits sans information, sans précaution et en surdosage. Pour les professionnels, la situation est souvent différente. C'est pourquoi une possibilité d'exception est prévue, pour autant qu'il n'y ait pas d'alternative et qu'ils soient parfaitement informés de l'impact visé. On pense ici aux agriculteurs qui sont de plus en plus nombreux en Wallonie à passer de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture intégrée ou biologique. Les professionnels semblent donc plus conscients des enjeux et les choses bougent positivement. Dans la foulée, le texte vise également le personnel chargé de la vente des pesticides visés afin que celui-ci fournisse une information pertinente aux utilisateurs sur les précautions à adopter et sur les risques présentés par ces produits.
Question de compétences
Mais, comme rien n'est jamais simple, l'UE est compétente pour la mise sur le marché des substances actives et l'Etat fédéral pour la mise sur le marché des produits vendus. Pas question donc pour la Région d'en interdire la vente, même lorsqu'ils présentent des risques, mais elle peut néanmoins intervenir dans l'utilisation de tels pesticides via ses compétences «Environnement». C'est l'angle d'approche du nouveau texte, angle conforté par des avis du Conseil d'Etat sur la question des compétences entre l'Etat fédéral et les Régions en matière de protection de l'environnement.
'A partir de juin 2019, plus aucun produit phytopharmaceutique ne pourra être utilisé dans les espaces publics en Wallonie. Les parcs, bords de route, etc., devront être traités par des techniques alternatives.'
C'est dans ce cadre également que le principe constitutionnel de précaution prend tout son sens. La directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable prône d'ailleurs une approche préventive et prudente.
Le principe de précaution doit absolument prévaloir, en particulier dans ce domaine. Certaines substances sont soupçonnées d'avoir des effets négatifs sur l'environnement, sans que ces effets ne soient, à l'heure actuelle, scientifiquement démontrés. Afin de préserver l'environnement, le décret devait habiliter le Gouvernement à prendre les mesures visant à assurer la prévention de l'environnement contre les menaces potentielles. Comme l'indique la Déclaration de Rio de 1992, «en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement».
A cet égard, l'exemple du glyphosate est édifiant: qualifié de «cancérigène probable pour l'homme» par une agence de l'Oms, il ne l'est pas par d'autres études plus ou moins contestées. Bref, personne ne peut affirmer avec certitude que le glyphosate est inoffensif. Rien qu'en Belgique, il existe plus de 120 produits à base de glyphosate, tous utilisés par les secteurs professionnels (horticulture, agriculture) et les particuliers. Chaque année, ce ne sont pas moins de 630 tonnes qui sont mis sur le marché belge.
Le ministre Di Antonio compte donc interdire l'usage du glyphosate en Wallonie par des non-professionnels ou pour le compte de ceux-ci, d'autant que des alternatives existent bel et bien.
Wallonie «zéro phyto»
Ce projet peut aussi s'inscrire dans un cadre plus large, à savoir celui d'une Wallonie sans pesticides et donc «zéro phyto». Un changement de modèle dont les multiples avantages ont été montrés par diverses études menées dans d'autres régions, notamment en Croatie. Ces avantages potentiels concernent notamment le revenu des agriculteurs, la qualité de vie dans les campagnes, l'environnement, l'emploi, le tourisme,'
Cette voie donnera aussi à la Wallonie une longueur d'avance lorsque d'autres Régions feront le même choix, volontaire ou contraint par l'évolution des normes.