Le producteur de ciment Cemminerals revisite les codes
En ce mois de juin, la société familiale Cemminerals fait son entrée sur le marché belge en tant que producteur de ciment. «Nous voulons nous démarquer en termes de service et de disponibilité. Nous sommes par ailleurs en mesure de produire de façon plus rapide et flexible que les fournisseurs classiques», souligne Dirk De Leus, le CEO. A la pointe de la technologie, la nouvelle usine de ciment implantée au Kluizendok à Gand représente un investissement de 45 millions d’euros.
En Belgique, comme dans les pays voisins, la demande en ciment reste soutenue. «Nous sommes convaincus que le ciment et le béton ont encore de beaux jours devant eux. Les usines belges de ciment n’arrivent pas à suivre la demande. J’en veux pour preuve les difficultés que les producteurs actuels éprouvent à servir correctement leurs clients. Par ailleurs, à un niveau plus large, nous remarquons que la production de clinker comme matière première du ciment se déplace à vive allure d’Europe vers des pays tels que la Turquie, la Chine, le Brésil et le Vietnam, à cause de la taxe CO2. C’est la raison pour laquelle Cemminerals a construit sa nouvelle usine de ciment au port de Gand, où les navires de mer peuvent facilement accoster. Même le ciment en tant que produit fini peut être distribué partiellement par bateau en Belgique, mais aussi pourquoi pas, dans un avenir proche, aux Pays-Bas, en France, et même en Grande-Bretagne et en Scandinavie via la navigation côtière», poursuit Dirk De Leus.
Dix silos aident à jouer la carte de la disponibilité et de la flexibilité.
Champion d’Europe
«La Belgique, et l’Europe en général, abritent essentiellement de vieilles usines de ciment qui, vu leur situation géographique, ont de plus en plus de mal à livrer le clinker acheminé par navires. D’un point de vue opérationnel, bon nombre de ces usines sont déjà à bout de souffle depuis un certain temps et nécessitent une main-d’œuvre nettement plus intense que l’usine que nous avons construite à Gand. Cemminerals y possède le plus grand broyeur à ciment vertical d’Europe: le modèle MVR 5300 C-6 de l’entreprise Gebr. Pfeiffer de Kaiserslautern.» Ce broyeur produit le ciment de façon entièrement automatisée, plus rapide – jusqu’à 200 tonnes par heure – et nettement moins énergivore qu’un modèle classique. «Même lorsque nous produirons en deux équipes, nous pourrons nous contenter de quinze à vingt personnes, employés (qualité, facturation, vente, planning,…) et ouvriers confondus», prévoit M. De Leus. Cemminerals évalue à 50% les économies qui seront réalisées en termes d’énergie et donc, d’environnement.
Pression sur les prix
La capacité annuelle de ce nouveau producteur de ciment se chiffre à environ 1 million de tonnes, alors que l’ensemble du marché belge produit 6 millions de tonnes. Le marché naturel de Cemminerals s’étend au-delà des frontières belges, jusqu’en Hollande méridionale, dans le Nord de la France, au Royaume-Uni et en Scandinavie. Le but n’est pas de mener la concurrence sur les prix, mais bien sur la qualité, la disponibilité du personnel vis-à-vis des clients et le service. De plus, l’entreprise dispose de 10 silos d’entreposage (sans compter les 4 qui devraient s’y ajouter) et la production peut tourner jour et nuit si nécessaire. «La pression sur les prix existera toujours, le ciment n’y échappe pas. Toutefois, le maintien d’une spirale négative des prix sur le marché belge du ciment, comme sur celui du béton, serait une mauvaise nouvelle pour les actionnaires des fournisseurs de ciment classiques: ils ont beaucoup plus à perdre», estime Dirk De Leus.
De plus, l’interruption de la production de ciment due à la survenue d’une erreur ou d’un accroc en cours de processus ne devrait pas être à l’ordre du jour dans la nouvelle usine gantoise. En tant que premier client mondial de Gebr. Pfeiffer, Cemminerals dispose en effet de GP Pro, un système de surveillance en ligne de l’ensemble des équipements de production. Des capteurs, installés tout au long du processus, détectent les moindres anomalies: vibrations, fluctuations de température, pollution aux hydrocarbures,... Le risque d’arrêt inopiné de l’usine est ainsi réduit au minimum, tandis que l’entretien et les réparations peuvent être mieux préparés et planifiés.
Livraisons après les heures de bureau
«En matière de disponibilité, nous allons changer la donne dans le secteur belge du ciment. Cemminerals permettra bientôt de commander en ligne, et même de venir chercher ou de faire livrer le volume de ciment commandé durant la nuit ou le week-end. Plus besoin de faire trépigner d’impatience les chauffeurs de camion en attendant qu’un point de chargement se libère, comme dans les usines de ciment traditionnelles. Une fois la commande passée (en ligne ou par téléphone), le client reçoit un code QR qui permet au chauffeur d’ouvrir la barrière du site de Gand. Il verra ensuite s’afficher sur un écran le silo à partir duquel il peut effectuer son chargement. Le pesage et le chargement sont entièrement automatisés, en tenant compte du poids maximal autorisé du camion dans son pays de destination finale. Le chauffeur doit apposer sa signature numérique pour recevoir sa lettre de transport routier. Ce système permet d’organiser le transport avec beaucoup plus de flexibilité et d’éviter les files. Selon nos échos, ce service serait particulièrement apprécié par bon nombre d’entrepreneurs et de centrales à béton. C’est la capacité de stockage chez le client qui deviendra le nouveau goulot d’étranglement, surtout pour les bateaux», ajoute Dirk De Leus.
Un nouvel acteur au port de Gand.
Certifications
Un mois après le début de la production, Cemminerals disposera déjà de l’attestation CE. Le label Benor sera encore provisoire, mais devrait être définitif en septembre, tout comme la certification de produit KOMO pour les Pays-Bas. La France (Afnor) suivra en 2020. Cemminerals proposera tous les types de ciment «classiques»: CEM I 52.5 N LA, CEM I 52.5 R LA, CEM II/B-M (S-V-L) 32.5 N LA, CEM II/B-S 52.5 N LA, CEM III/A 42.5 N LA et CEM III/B 42.5 N LA HSR.
Ecologie
Outre la baisse de consommation d’énergie, un permis a déjà été demandé et délivré pour l’installation d’une unité de cogénération, qui permettra de consommer moins d’énergie issue du réseau et de diminuer la production de chaleur. Mais Cemminerals va encore plus loin dans le respect de l’environnement. La nouvelle entreprise a lourdement investi dans un système d’aspiration tout au long de la chaîne de production afin de limiter les dégagements de poussière au strict minimum. La consommation d’air chaud pour le séchage des matières premières sera également réduite grâce à la récupération de l’air chauffé et à l’isolation de l’intégralité du complexe de tuyaux. Dans les mois à venir, Cemminerals s’attellera à obtenir l’attestation du Concrete Sustainability Council, un système de certification en matière de développement durable. L’entreprise collaborera pour ce faire avec Fedbeton. Une telle certification confirme de façon objective que Cemminerals adopte bien une politique responsable sur les plans social et environnemental. Ses détenteurs sont en outre récompensés par des notes supplémentaires dans des programmes tels que Breeam.
Indépendant et familial
Cemminerals est le nouveau bébé de Francis Van Eeckhout et Bruno De Mulder, ancien CEO d’EBP. Le premier avait créé à l’époque l’entreprise de production de ciment indépendante VVM, dans le port de Gand, avant de la revendre à CRH, producteur irlandais de matériaux de construction, puis de devenir actionnaire principal du producteur de profilés Deceuninck. Le ciment n’en reste pas moins une de ses grandes passions.
Hormis les deux actionnaires principaux, tous les membres du personnel peuvent acquérir des parts de Cemminerals. Un actionnariat qui, aux dires de l’entreprise, renforce la cohésion au sein de la société et motive chacun à poursuivre les mêmes objectifs. De quoi cimenter une grande famille en somme…