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Construction environnementale

Assainissement des sols et des eaux: un métier en quête de reconnaissance

Asenas est l’association des entrepreneurs de Wallonie et de Bruxelles actifs dans les domaines de la réhabilitation des sites, de l’assainissement des sols et des eaux souterraines pollués. Un métier peu connu et, surtout, peu reconnu. Au grand désappointement des professionnels du secteur alors qu’ils jouent un rôle moteur dans la préservation de notre environnement.

Asenas 1
Bam Galère

Asenas est une fédération relativement jeune; elle a été créée en 2005 à l’initiative d’entreprises spécialisées dans l’assainissement des sols et des eaux souterraines (Sanifox, Aclagro, Deep Green, Gobiet Environnement, Ecoterres, Envisan, Suez, Santerra, UDH, Martens Cuve Services, DC Environment,…), de centres de traitement (Tradecowall, Belgarena, Hublet,…) et d’entrepreneurs généraux (Aertssen, Eloy, Bam Galère, Wanty,…). Le début des années 2000 correspond peu ou prou à l’intégration du concept de développement durable dans les politiques régionales et ces entreprises sont en première ligne. «Mis à contribution dans le cadre de ces politiques, les acteurs du secteur ont pu constater qu’on faisait relativement peu de cas de leur expertise et ont décidé d’unir leurs forces pour se faire entendre des pouvoirs publics et être considérés comme des interlocuteurs privilégiés», rappelle Renaud De Rijdt, délégué permanent d’Asenas. A partir des années 1980, on ne compte en effet plus les nouvelles réglementations relatives aux terres polluées et à l’assainissement des eaux, l’une succédant à l’autre sans véritable cohérence. Tout d’un coup, le sujet devient une priorité politique et suscite de nombreuses vocations pour le moins opportunistes… «Déjà à l’époque, on dénombrait beaucoup de cow-boys, mais le problème n’a fait que s’amplifier. Les opérateurs sérieux réunis au sein d’Asenas ont alors plaidé pour une reconnaissance du métier en vue de mener à une véritable professionnalisation. Il s’agissait aussi d’être partie prenante dans le cadre de l’élaboration des nouvelles réglementations, celles-ci, rédigées par des juristes, n’étant pas toujours en phase avec les réalités du terrain.»


Le territoire est une ressource non renouvelable qui, avec le temps, devient de plus en plus précieuse. Il importe de le gérer de manière durable et les membres d’Asenas peuvent y contribuer.(© Envisan)

Allo, il y a quelqu’un au bout du fil ?

Quinze ans plus tard, en dépit des efforts déployés par les membres d’Asenas, le bilan est relativement mitigé. Pour ce qui est d’être l’interlocuteur de référence auprès des autorités publiques régionales dans le cadre des politiques de réhabilitation, d’assainissement et de dépollution, on est encore loin du compte. «C’est surtout le cas en Wallonie alors qu’à Bruxelles, nous sommes beaucoup plus souvent consultés. C’est dommage parce que le territoire wallon est une ressource non renouvelable qui, avec le temps, devient de plus en plus précieuse. Il importe de le gérer de manière durable, et ceci fait l’objet de développements politiques nouveaux auxquels nous pourrions apporter notre expertise: lutte contre l’étalement urbain, préservation des ressources agricoles et naturelles, concentration géographique des activités socio-économiques pour réduire les émissions de carbone, revitalisation des centres-villes, Stop au Béton, etc.»
Certes, des initiatives issues du secteur public (avancées législatives dans le cadre du Décret Sol) et privé (développement de projets concrets, création d’une Brownfield Academy) se mettent lentement en place pour protéger et valoriser les sols, mais pour Asenas, la revitalisation économique des terrains délaissés appelés Brownfields a besoin d’un cadre plus stimulant de type accélérateur de projets. «En matière de réhabilitation de friches industrielles, les entreprises doivent faire face à énormément de contraintes législatives. En Wallonie, c’est un véritable parcours du combattant pour obtenir les permis alors qu’en Flandre, les procédures ont été largement simplifiées. Résultat: plutôt que de réutiliser des sites réhabilitables, on continue à grignoter des terres agricoles. Mais, à terme, ce n’est plus tenable.» Et si le Stop au Béton et les politiques restrictives en matière d’artificialisation des terres va dans le bon sens, «cette politique ne sera d’application qu’en 2040 pour la première phase et en en 2050 pour la seconde…»
Le flou juridique entourant la responsabilité des propriétaires de terrains ne plaide pas non plus pour la réhabilitation des sites pollués: «ne sachant pas trop sur quel pied danser, les investisseurs préfèrent acheter un terrain vierge plutôt que de dépolluer un site, de peur qu’on vienne leur dire plus tard que cela n’a pas été fait comme il aurait fallu.»

L’assainissement des sols et des eaux: une affaire de spécialistes

Par ailleurs, le secteur est toujours en attente d’une reconnaissance de son savoir-faire. Les cow-boys sont encore nombreux. Et pourquoi en irait-il autrement dès lors qu’à peu près n’importe qui peut évacuer des terres polluées à peu près n’importe comment. «En Région bruxelloise, les entrepreneurs doivent au moins être enregistrés mais en Wallonie, c’est le vide juridique absolu. Or, qui prend la responsabilité parfois très élevée des travaux d’assainissement? C’est pourquoi nous plaidons pour un enregistrement des entrepreneurs en Wallonie, mais également pour une labellisation par un organisme indépendant, orientée efficacité et résultats, évaluée sur une base annuelle via un système documentaire et des visites de chantier, et basée sur les Grata (Guides de Référence pour les Actes et Travaux d’Assainissement) validés par l’Administration.»
L’exécution de travaux d’assainissement et la gestion de terres et matériaux excavés pollués requièrent en effet une expertise certaine, des moyens matériels et humains de qualité et une crédibilité financière.
«Nous estimons que l’exécution de ce type de travaux doit être confiée à des spécialistes reconnus, à l’instar de ce qui est déjà le cas pour les experts et les laboratoires (dont le rôle essentiel est très amplement pris en compte dans le dispositif décrétal). En effet, les implications des chantiers d’assainissement sont très importantes en termes de santé des travailleurs et des populations riveraines, de protection des eaux de surface et souterraines ainsi que pour la préservation des écosystèmes», a fait savoir Asenas dans le mémorandum rédigé à l’attention des partis politiques francophones à la veille des élections de mai 2019. En espérant cette fois être entendu.
 

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