IsoHemp: construit, c’est du belge!
La filière wallonne du chanvre est certes encore embryonnaire, mais elle se porte plutôt bien. C’est du moins le cas pour l’un des acteurs majeurs de cette filière: IsoHemp, une Pme de la région namuroise, spécialisée dans la production et la commercialisation de blocs isolants à base de chaux et de chanvre.
Relancée en 2009, la culture de chanvre industriel couvrait en 2017 environ 500 hectares en Belgique, essentiellement en Wallonie. Le défi des acteurs de cette filière est d’atteindre les 1.000 hectares à l’horizon 2020. Cette évolution rapide est rendue possible par l’engagement d’entreprises wallonnes, tant dans la culture que dans la transformation du chanvre. Dans ce dernier domaine, l’entreprise IsoHemp fait assurément figure de référence. Avec un chiffre d’affaires en croissance de 75% en 2018 et une vingtaine d’employés, IsoHemp affiche une santé florissante. A tel point que la Pme pilotée par Olivier Beghin et Jean-Baptiste de Mahieu, respectivement ingénieur de gestion et ingénieur civil des constructions, vient de lever 5 millions d’euros - avec le soutien notamment de la Sriw (Société régionale d´Investissement de Wallonie) et de la Région wallonne - pour procéder à l’agrandissement de l’usine qui s’étendra désormais sur un site de deux hectares.
Olivier Beghin (à droite) et Jean-Baptiste de Mahieu, les heureux fondateurs-administrateurs d’IsoHemp. (© IsoHemp)
Une croissance rapide… comme celle du chanvre
Créée en avril 2011, l’entreprise IsoHemp, installée à Fernelmont, a connu une croissance linéaire, surfant sur la vague de l’écoconstruction. Après une phase de R&D d'un an, Olivier Beghin et Jean-Baptiste de Mahieu développent une gamme de blocs de chanvre, spécialement conçus pour la réalisation de cloisons et d’enveloppes pour le bâtiment. Un produit naturel, sain, local et 100% recyclable qui permet de réaliser des enveloppes isolantes, perspirantes et acoustiquement performantes.
Après une première phase de production artisanale d'un an, l’entreprise passe au stade de la production industrielle et investit plus d’un million d’euros dans une toute nouvelle usine à Fernelmont, dans le Namurois, pour atteindre une capacité de production équivalente à plusieurs maisons par jour. Le site de production sera encore doublé en 2017 pour s’étendre sur près d’un 1ha.
Aujourd’hui active dans 5 pays à travers un large réseau de distribution, IsoHemp dispose d’une usine de production qui lui permet de fabriquer plus d’un million de blocs de chanvre par an et de disposer constamment de 2.000 palettes de produits de stock. Et cette année, l’entreprise a annoncé son intention d’investir 5 millions d'euros en vue de doper son outil de production. Cette nouvelle usine devrait être opérationnelle début 2020. Dès ce moment, elle comptera parmi les plus innovantes du secteur de l’écoconstruction.
Une usine ultra-connectée
Le nouvel outil de production s’inscrit résolument dans le sillage de l’industrie 4.0: capteurs, ERP («Enterprise Resource Planning» ou progiciel de gestion intégré), robots et cobots (contraction du terme anglais «collaborative robots». pourraient permettre à IsoHemp de multiplier par cinq ses capacités de production. Actuellement, l’entreprise produit 1 million de blocs par an. En 2020, elle en produira 5 millions!
Cette digitalisation poussée de l’outil permettra aussi d’améliorer encore un peu plus la logique d’écoconception qui sous-tend la production d’IsoHemp: approvisionnée en produits naturels (chanvre, chaux et eau) par des fournisseurs locaux, elle ne produit aucun déchet, récupère ses eaux de pluie et recycle tous ses surplus.
Processus de mise en forme: le béton de chanvre est moulé en bloc dans une presse spéciale qui permet de réaliser des épaisseurs de bloc comprises entre 6 et 30 centimètres. (© IsoHemp)
«Ces investissements vont être réalisés dans le souci de continuer à offrir une large gamme de produits de qualité et d’ouvrir encore plus le marché de la construction en chanvre, expliquent Olivier Beghin et Jean-Baptiste de Mahieu. Grâce à ce nouvel outil de production, nous serons prêts à répondre aux exigences de plus en plus strictes qui sont imposées au secteur de la construction, tant en Belgique qu’à l’étranger avec l’entrée en vigueur de nouvelles normes».
Matériau de construction séculaire, process high tech
Longtemps, les techniques de mise en œuvre du béton de chanvre dans le bâtiment sont restées artisanales: soit en mélangeant les constituants sur chantier et en l’appliquant dans des coffrages, soit en utilisant une machine de projection nécessitant de la main-d’œuvre hautement qualifiée. En mettant au point une chaîne de production industrielle, IsoHemp a sérieusement simplifié le processus, même si la fabrication d’un bloc de chanvre fait appel à un important savoir-faire, lequel se décline en quatre étapes.
le mélange: les matières premières (le chanvre, la chaux et l’eau) sont dosées de manière précise et mélangées ensemble. A noter que le chanvre ne nécessite aucun pesticide et très peu d’engrais, ce qui s’accorde parfaitement avec une culture à faible impact environnemental. En outre, chaque hectare de cette plante stocke jusqu’à 3 tonnes de CO2.
- la mise en forme: le béton de chanvre est moulé en bloc dans une presse spéciale qui permet de réaliser des épaisseurs de bloc comprises entre 6 et 30 centimètres.
- la cure: une fois les blocs démoulés, ils sont convoyés automatiquement dans une zone de stockage temporaire afin que la première prise se fasse. Ce séchage naturel à l’air libre ne nécessite aucune cuisson. Aucun apport d’énergie n’est donc nécessaire.
- la palettisation: dès que le bloc est manipulable, il est à nouveau convoyé vers un bras robotisé qui le palettise. La palette est alors prête pour sa période de séchage à l’air libre, laquelle dure entre 6 et 10 semaines en fonction de l’épaisseur des blocs produits. Au terme de ce processus, la palette est prête à être expédiée sur chantier.
«Tant l’outil que le mode de production est en phase avec nos 3 axes de développement fondamentaux: le circuit court, des matières premières naturelles et une usine respectueuse de l’environnement», soulignent les deux administrateurs.
Agrément technique et changement de dimension
Outres ses blocs isolants, IsoHemp a développé une gamme complète de linteaux isolants. L’entreprise commercialise également des sacs de chanvre ou du béton de chanvre, un liant pour béton de chanvre ainsi qu’un enduit intérieur naturel. IsoHemp réalise l’essentiel de ses ventes en Belgique mais est également présente aux Pays-Bas, en France et au Grand-Duché du Luxembourg via un réseau de distributeurs.
En 2016, après deux ans de travail et d’innombrables tests réalisés au Cstc, IsoHemp a enfin obtenu son agrément technique pour produits innovants. L’obtention de ce précieux sésame lui permets désormais de participer aux marchés publics dans le cadre de projets de plus grande ampleur qu’auparavant: construction de logements sociaux, promotion immobilière, immeubles à appartements, restauration de patrimoine, etc.
Et considérant l’engouement des candidats bâtisseurs et des prescripteurs pour les matériaux naturels, le meilleur est sans doute encore à venir.